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Le théâtre est-il le lieu privilégié de l'artifice et du semblant ?

Publié le 04/04/2011

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Le théâtre est image de la réalité. Il recèle en lui la puissance du faux et de l'illusion puisqu'il est un jeu, et non un évènement s'inscrivant dans le temps objectif du monde tel que l'homme, et non le personnage, le vit : il est le lieu privilégié de l'artifice et du semblant. Le théâtre est alors d'une certaine manière vertigineux dans son rapport avec le réel : se basant sur celui ci, il possède néanmoins l'entière liberté de le transformer, de le modeler étant donné que la réalité théâtrale n'est que « virtuelle « (tel que le conçoit Antonin Artaud dans Le théâtre et son double) et limitée au cadre de la scène et à la psychologie fictive des personnages inventés par le dramaturge.

« rendre manifeste l'aspect purement fictif de l'image dramatique.

Alors, puisque les larmes du théâtre ne mouillent paset que la mort ne tue pas, le dramaturge peut de la même manière faire jouer le miracle, c'est à dire le faire vivrepar les personnages tout en le mettant toujours à distance par rapport aux acteurs.Quelle réalité est donc celle du théâtre ? Pour comprendre ses possibilités de représentation, il faut savoir dans quelcadre celles-ci se manifestent.

Si le théâtre, comme le dit Antoine Vitez, a été inventé pour représenter lesmiracles, il est donc le fruit d'une volonté de l'homme de pousser le réel au-delà de ses capacités, non pas dans cequ'il est, mais aller jusqu'à son possible : le théâtre peut alors représenter les miracles, parce que l'homme lui-mêmeen éprouve le besoin.

Le théâtre est donc le support de la volonté de l'homme dans son désir d'aller au-delà deslimites de ce que le monde lui donne : la scénographie et le jeu théâtral sont donc en quelque sorte des réalitésnouvelles, à part entière qui permettent la mise en scène de vérités inconnues.

C'est ce qu'affirme Daniel Mesguichlorsqu'il explique sa conception du théâtre : « Il faut que ce ne soit pas parfait, pas vrai, que ce soit du théâtre,afin que d'autres vérités, des vérités inouïes, incontrôlées par ce pauvre moi, puissent advenir ».

Si le théâtre n'estpas la réalité, il peut néanmoins s'offrir à une autre réalité : plus qu'une simple fenêtre sur le monde, le théâtre,selon la conception d'Antonin Artaud dans Le théâtre et son double, ne porte pas plus sa fin que sa réalité en lui-même en tant qu'il est un art virtuel.

Le théâtre est « une autre réalité dangereuse et typique », différente de « laréalité quotidienne et directe dont il s'est peu à peu réduit à être l'inerte copie », pouvant ainsi faire surgir les «Principes » : le théâtre d'Antonin Artaud est un théâtre métaphysique.

Le miracle s'inscrit dans une forme d'irréalitéselon la conception matérialiste de Vitez.

Pour autant le théâtre n'est pas irréel : il se joue, et pour se jouer, il abesoin de prendre corps, d'être l'expression d'une extériorité : par le langage, les gestes, le décor, les actions.Comment alors, à partir d'une réalité et d'une matérialité du corps, le miracle peut il se représenter au théâtre ?Comment la théâtralité peut elle être une aide dans la voie d'accès à une vérité « inouïe » ? Le théâtre est ledomaine de la parole en action : celle-ci ne se limite pas aux seuls éléments verbaux mais s'insère dans tout unsystème de signe, elle est même elle-même acte, comme le souligne Pierre Larthomas dans Le langage dramatique.Si au théâtre, l'écrit précède le dit, la parole théâtrale ne peut se détacher des gestes pour qu'il y ait véritablementthéâtre ; le corps de l'acteur est essentiel.

Dans le théâtre baroque, c'est cette matérialité du corps qui seule encrela pièce dans une réalité : le reste est fiction.

Antonin Artaud évoque une « métaphysique des gestes » lorsqu'ilentend revenir à une représentation théâtrale pure, à base d'un nouveau langage physique qui remplacerait celuides mots.

Mais comment transcender la réalité par le corps ? Le déguisement, dont use par exemple Corneille danssa pièce Clitandre, est l'emblème de l'artifice et du paraître mais peut aussi se révéler un outil dans la mise en scènede la métamorphose.

Il faut donc aller au-delà de la matérialité des corps, doter ceux-ci de symboles, rendre lesgestes métaphoriques, apporter au langage une dimension métaphysique pour accéder à la représentation del'irréalité du miracle.

Représenter le miracle suppose donc une mise en scène déjouée et détournée : et c'est bienparce que le théâtre est mise en scène, parce que celle-ci peut être modelée comme ne le peut pas la réalité que lemiracle, l'évènement hors de la réalité peut s'inscrire et être joué par le théâtre qui est dès lors une sorte de réaliténouvelle basée sur l'artifice, la virtualité. Le miracle peut donc être représenté au théâtre parce que celui-ci est artifice.

Mais une réalité virtuelle ne supposepas la mimésis, on a vu à ce propos qu'Antonin Artaud considérait le théâtre comme une réalité à part entière, celui-ci s'oppose en effet à la notion de mimésis, de représentation de la nature qu'il juge stérile aux idées.

Pour lespartisans de la mimésis, le théâtre doit s'inscrire dans le temps rationnel et objectif du monde : c'est la conceptionrigoureuse des règles du classicisme qui ont dominées le XVIIe siècle.

Si le théâtre entend représenter la nature,comment peut il représenter l'extraordinaire, ce qui ne se trouve pas dans la nature, le miracle ? En effet, dans sondésir de vraisemblance, l'esthétique classique se base sur une conception de l'espace temps rationnelle etrigoureuse, où le temps de la représentation est conforme au temps représenté.

Au sein de ce temps rationnel, lecaractère artificiel du théâtre est minimisé voire ignoré.

La mimésis aristotélicienne, l'art d'imiter la nature pourl'accomplir, et non pour se rendre dépendante de celle-ci, vise l'illusion, là où le réel se confond de façon parfaiteavec l'art.

Comment dès lors ce qui n'est pas un phénomène du réel peut il être représenté au sein de cetteconception théâtrale ? Le théâtre est pourtant l'art qui se rapproche au plus près de ce que l'on nomme la mimésis,puisqu'il est action.

Nous voyons là les limites d'une telle conception des représentations des marges du réel authéâtre.

Comment l'homme peut il jouer ce qu'il ne rencontre pas dans sa vie, qu'il tient pour seul modèle ? Le drameromantique, dans un souci de réalité plus prononcée, se dresse à l'encontre du classicisme : sa forme devientinadéquate à ce qu'il veut dire, c'est-à-dire toute la richesse de la réalité.

Le drame romantique se base néanmoinssur le fait historique, sur un réel concret et non sur un pur produit de l'imagination du dramaturge, afin d'éclairer aumieux le présent.

Les règles classiques des trois unités ne conviennent plus et sont donc bouleversées.

De même lelangage dramatique se transforme, puisque le théâtre n'a que le dialogue pour rendre compte de l'existence, il doitdonc reproduire les habitudes de conversation, être au plus près de la langue parlée là où le classicisme serapprochait d'une langue plus littéraire.

Dans Lorenzaccio de Musset, nous retrouvons ces composantes dans le butde se rapprocher au plus près du foisonnement de la vie : l'auteur renoncent aux tirades interminables et relance ledialogue par de nombreuses exclamations, des interrogations, des expressions relevant du populaire, pour rendre lestyle plus dynamique.

De même le personnage de Lorenzaccio, aux identités multiples, traduit les complexités del'être.

Le simulacre, image de la réalité mais par essence faussée, ne semble donc pas permettre le miracle, la fuitede la réalité lorsque celle-ci se veut être l'objectif strict du dramaturge.Il s'agit donc ici de réfuter le rapport d'assonance qu'Antoine Vitez pose entre « miracle » et « simulacre ».

Nousl'avons vu précédemment, le simulacre, lorsqu'il est une image dont le lien avec le réel est trop étroit, ne permet pasle miracle.

Il s'agit donc de voir en quoi la distanciation, l'éloignement de la mimésis permet au contraire le miracle,l'accès à des vérités, sociales ou métaphysiques, aux mystères de l'être et de la raison.

Le théâtre brechtien. »

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