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Le vieux chat et la jeune souris - LA FONTAINE, Fables, XII, 5

Publié le 26/02/2011

Extrait du document

fontaine

   Une jeune souris, de peu d'expérience, Crut fléchir un vieux chat, implorant(1) sa clémence, Et payant(1) de raisons(2) le Raminagrobis(3). « Laissez-moi vivre : une souris 5 De ma taille et de ma dépense Est-elle à charge en ce logis ? Affamerais-je, à votre avis, L'hôte, l'hôtesse, et tout leur monde ? D'un grain de blé je me nourris : 10 Une noix me rend toute ronde. A présent je suis maigre ; attendez quelque temps. Réservez ce repas à Messieurs vos enfants. Ainsi parlait au chat la souris attrapée. L'autre lui dit : « Tu t'es trompée : 15 Est-ce à moi que l'on tient de semblables discours ? Tu gagnerais autant de parler à des sourds. Chats, et vieux, pardonner! cela n'arrive guères(4). Selon ces lois, descends là-bas, Meurs, et va-t'en, tout de ce pas, 20 Haranguer les sœurs filandières(5). Mes enfants trouveront assez d'autres repas. « Il tint parole. Et pour ma fable Voici le sens moral qui peut y convenir : 25 La jeunesse se flatte, et croit tout obtenir ; La vieillesse est impitoyable.    LA FONTAINE, Fables, XII, 5

Vous ferez de cette fable un commentaire composé. En vous fondant sur une analyse précise des procédés du style et de la versification, vous montrerez comment La Fontaine donne vie aux personnages et à la scène, et comment il suggère une réflexion sur les hommes et le monde.   

(1) En implorant, en payant. (2) Payer de raisons: donner des raisons, fournir des justifications. Cette expression sous-entend que l'on cherche à tromper celui qu'on «paie de raisons«. (3) Nom emprunté à Rabelais, chez qui il désigne un magistrat. (4) Guères : orthographe ancienne du mot guère. (5) Il s'agit des trois Parques qui filaient, puis coupaient le fil de la vie.

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« • Ici dialogue, mais où chacun développe ses dires en tirade.

Proche de la tragi-comédie.

Cf.

grandes scènes deplaidoyer chez Corneille.

Exemple: Le Cid: Don Diègue/Chimène.

• C'est d'ailleurs mêlé à des éléments spécifiques du conte.

Ainsi la phrase qui fait le point sur la situation : 13e vers : « Ainsi parlait au chat la souris attrapée » (4 2 3 3) Place de choix dans le vers des deux protagonistes, de part et d'autre d'une césure non soulignée par laponctuation, mais par l'inversion du sujet par rapport à son verbe et au complément ; ce qui permet unrapprochement entre les deux bêtes au moins dans l'écriture... • A nouveau procédé du conte 22e vers: «Il tint parole...

», nouvelle mise au point. • Tantôt conte, tantôt théâtre, la fable est toujours vivante et malgré le dénouement — encore du théâtre — :mort de la souris (mais ne sont-elles pas faites pour être mangées par les chats?), elle n'est pas triste toutd'abord... • Au contraire le ton est primesautier, léger, c'est celui d'un conte vif, sans fioriture, mais bon enfant : deuxanimaux face à face.

L'art de la métrique (coupes, inversions, mètres de longueur différente correspondant toujoursau rythme soit du conte, soit des paroles, soit du dialogue scénique), rend plus vivant encore l'ensemble. • Pas de ton théâtral donc, malgré l'aspect tout à fait scénique.

Ainsi, que la souris soit « attrapée » n'est passignalé avant le 13e vers et encore glissé à la fin de ce vers comme si c'était secondaire. • Ce qui est important, c'est la manière dont elle va tâcher de convaincre le chat, pensant le gruger, lui en conter =le «pay[er] de raisons». • Véritable mélange des genres à nouveau, comme dans les tragi-comédies. • La souris se prend un peu pour un Maître Pathelin dont les arguments devraient emporter la défense. • Ceux-ci sont habiles, gracieux, presque amusants : — rebondissement du vers sur «de ma taille et de ma dépense» grâce à l'enjambement pour se minimiser le pluspossible ; — facétie plaisante —> « Affamer ais-je » en tête de vers: comme si une souris pouvait gêner le ravitaillementd'êtres humains ! dont par contre l'importance est multipliée avec une déférence étudiée : « L'hôte, l'hôtesse »...

:des gens de qualité qui ont une grande maison : « tout leur monde » ; — plus drôle encore devient le ton, lorsqu'il s'agit d'indiquer la petitesse de son régime : l'inversion le souligne « D'ungrain de blé...», tandis qu'elle veut faire rire le chat par le parallélisme entre la forme de la noix et celle que prendson ventre après un tel festin: «Une noix me rend toute ronde »..., le rythme léger de l'octosyllabe aide à ce bonmot ; — tandis que l'alexandrin amplifie les titres accordés à la descendance de celui que l'on flatte : « Messieurs vosenfants». • Bref, comme une certaine assurance : celle de la jeunesse qui ne doute de rien ? mais il s'agit aussi de défendresa vie.

Cependant le développement de la tirade ne laisse pas percer d'inquiétude apparente.

Ce n'est pas dumélodrame, mais une bonne défense d'avocat. • La scène de théâtre, très cornélienne, rebondit avec la réponse du chat, très différente. • Paroles qui exécutent.

C'est net, précis, sans discussion.

Et là encore l'absence de pathétique apporte unetonalité épurée qui fait aboutir au dénouement sans appel. IIe thème : « Le conte fait passer le précepte avec lui » (L.F.) • Cependant, comme toujours chez La Fontaine, l'intérêt du récit est de mettre en valeur l'intention morale.

La fableest volontairement «égayée». • «Contons, mais contons bien»...

affirme-t-il. • Car sous la fiction animale et la présentation plaisante, ce sont des caractères et des problèmes humains quisurgissent.. »

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