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L'écriture est-elle une victoire contre la mort ?

Publié le 22/02/2012

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Incipit : Butor est un vieil homme graphomane, à croire que sa pratique de l'écrit, si elle n'a pas encore fait de lui un Immortel (un Académicien), le préserve de mourir. Et ainsi de l'écrivain écrivant de se constituer à force de textes un tombeau qui s'oppose à la possibilité de la mort. Mort et écriture sont inscrits au fondement de la réflexion philosophique sur le fonctionnement du langage (Platon, Phèdre). Supplanté par une attention focalisée sur le signifié, plutôt que sur la matérialité graphique du signifiant, l'écrit réintervient massivement dans le champ des prérogatives philosophiques en prolongement du travail de la déconstruction derridienne (dernier quart du 20e siècle).

« principe transcendantal de la possibilité de la construction du sens dans l'Etre, pour l'Etre, et avant tout les êtresque nous sommes en tant que sujet en quête d'existence, c'est-à-dire de liberté dans une vie qui ne soit pas mort.En ce sens, l'écriture, l'acte d'écrire, plutôt que consacrer la mort de la pensée dans le tombeau d'un corps (Platon),réitère le mouvement au principe de la possibilité du sens, et donc oppose sa liberté de créer à un mort dès lorsvaincue. II.

« La révolution technologique de la grammatisation » (Auroux) Dans un second mouvement, et pour être plus sérieux que phénoménologue, concentrons notre analyse sur le statutobjectif de l'écrit.

Nous avons dit de l'expression matérielle du langage dans la parole qu'elle se manifestait dansl'ordre de la linéarité (chaîne phonique).

Cette linéarité du signifiant est fondamentale en science du langage, carc'est par elle qu'est rendue possible l'idée d'une segmentation (le découpage de la phrase en sous-unités de sens(les mots, etc.)).

L'intervention de l'écrit est sur ce point crucial.

En effet, ce dernier permet la spatialisation dudéploiement temporel du langage dans le phénomène oral.

Cette spatialisation se caractérise par deux dimensions :elle est un processus d'objectivisation du langage – au sens propre du terme : elle fait du langage un objet àdisposition de l'investigation ; en stabilisant l'irréversibilité (‘en la vainquant') du phonico-acoustique, elle enorganise la bidimensionnalité.

Autrement dit, avec l'écrit se développe la possibilité de la structuration du langagesous forme de paradigmes (tableaux à deux entrées (conjugaison, déclinaison, etc.)).

Et comme l'analysemorphologique de la langue en paradigmes de sous-unités sémantiques constitutives est au fondement despremières traditions grammaticales (les bilingues sumériens-akadiens ; en Inde, Panini au VI ème avant notre ère ; puis les traditions gréco-latines), force est d'avoir à reconnaître que l'écrit conditionne la possibilité de théorisationsscientifiques du langage (il n'y a pas de sciences du langage sans écriture) ; enfin, comme la science, dans lacumulation séculaires des ses résultats n'est autre que l'accrétion d'un savoir transmis, à transmettre, selon un idéalnormatif de vérité objective, l'écrit peut donc se concevoir comme acte de victoire sur la volatilité de la parolemortelle au langage. * Conclusion Le mort écrit est une victoire sur la mort en tant (i) qu'il répercute le processus vital de construction du sens del'Etre, (ii) en tant qu'il est au fondement de son objectivation théorique, et de sa positivation scientifiquesusceptible d'évaluation en termes de vérité.

Une manière paradoxale de concevoir une « victoire sur la mort »serait, dans la poursuit de notre esquisse de définition heideggérienne du terme, de concevoir cette dernière, lavictoire, comme un asservissement (puisque la mort est ce qui ouvre à la possibilité de saisir sa propre liberté, pourl'immortel la liberté n'est pas), et donc de dire en conclusion que l'écrit est vainc la mort en asservissant la penséeau code de sa structuration sociale : si l'écrit vainc la mort, c'est en soumettant l'esprit…. »

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