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Lecture méthodique de l’acte I, scène 3 d'Electre de Giraudoux

Publié le 07/01/2020

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Égisthe. - Il n’est pas deux façons de faire signe, président : c’est se séparer de la troupe, monter sur une éminence, et agiter sa lanterne ou son drapeau. On trahit la terre comme on trahit une place assiégée, par des signaux. Le philosophe les fait, de sa terrasse, le poète ou le désespéré les fait, de son balcon ou de son plongeoir. Si les dieux, depuis dix ans, n’arrivent point à se mêler de note vie, c’ est que j’ai veillé à ce que les promontoires soient vides et les champs de foire combles, c’est que j’ai ordonné le mariage des rêveurs, des peintres et des chimistes ; c’est que, pour éviter de créer entre nos citoyens ces différences de race morale qui ne peuvent manquer de colorer différemment les hommes aux yeux des dieux, j’ai toujours feint d’attribuer une importance énorme aux délits et dérisoires aux crimes. Rien n’entretient mieux la fixité divine que la même atmosphère égale autour des assassinats et des vols de pain. Je dois reconnaître que sur ce point la justice des tribunaux m’a abondamment secondé. Et toutes les fois où j ’ai été obligé de sévir, de là-haut on ne l’a point vu. Aucune de mes sanctions n’a été assez voyante pour permette aux dieux l’ajustement de leur vengeance. Pas d’exil. Je tue. L’exilé a la même tendance à grimper les chemins escarpés que la coccinelle. Et je ne monte pas mes supplices en évidence. Alors que nos pauvres villes voisines se trahissent elles-mêmes en érigeant leur gibet au faîte des collines, moi je crucifie au fond des vallées. Et maintenant, j’ai tout dit sur Électe...

Extrait de l’acte I, scène 3, p. 32.

Après avoir expliqué au président ce que sont les dieux et comment ils interviennent dans les affaires humaines, Égisthe commente et justifie sa manière de gouverner Argos. De la réflexion philosophique à l'action politique, Égisthe établit un rapport de cause à effet. Les dieux châtient « en gros », aussi bien les innocents que les coupables; il convient donc de ne pas les provoquer. C'est la mission première de tout chef d'État. Mais de quelle façon ne pas provoquer les dieux? demande le président. En évitant de leur « faire signe », lui répond Égisthe qui se lance dans l'apologie de son art très particulier de régner.

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« INTRODUCTION Situation du passage Après avoir expliqué au président ce que sont les dieux et com­ ment ils interviennent dans les affaires humaines, Égisthe com­ mente et justifie sa manière de gouverner Argos.

De la réflexion philosophique à l'action politique, Égisthe établit un rapport de cause à effet.

Les dieux châtient « en gros », aussi bien les inno­ cents que les coupables; il convient donc de ne pas les provo­ quer.

C'est la mission première de tout chef d'État.

Mais de quelle façon ne pas provoquer les dieux? demande le président.

En évi­ tant de leur« faire signe »,lui répond Égisthe qui se lance dans l'apologie de son art très particulier de régner.

Justification des axes d'étude En expliquant la façon dont il règne, Égisthe trace son auto­ portrait1 : celui d'un homme politique cynique 2 mais efficace.

En outre, la nécessité où il est de protéger Argos contre les dieux le justifie au moins en partie.

Enfin, son discours est oblique, c'est­ à-dire qu'il demande à être déchiffré, puisqu'il revêt une portée universelle et locale cachée.

UN HOMME POLITIQUE CYNIQUE MAIS EFFICACE Dans ses propos, Égisthe apparaît comme un chef d'État qu: méprise les valeurs morales les plus élémentaires mais affiche d'incontestables réussites politiques.

1.

Un autoportrait désigne au sens strict le portrait d'un dessinateur ou d'un peintre exécuté par lui-même.

Par extension, il désigne en littéra­ ture tout texte où soit l'auteur, soit le narrateur, soit un personnage se dépeint lui-même.

2.

Du nom d'une philosophie grecque qui prétendait revenir à la nature en méprisant les conventions sociales, le cynisme désigne tout mépris des bienséances et des valeurs morales.. »

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