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Lecture méthodique de l’acte II, scène 10 d'Electre de Jean Giraudoux

Publié le 06/01/2020

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Les Euménides ont juste l’âge et la taille d’Électre.

 

Un serviteur. - Fuyez, vous autres, le palais brûle !

 

Première Euménide. - C’est la lueur qui manquait à Électre. Avec le jour et la vérité, l’incendie lui en fait trois.

 

Deuxième Euménide. - Te voilà satisfaite, Électre ! La ville meurt!

 

Électre. - Me voilà satisfaite. Depuis une minute, je sais qu’elle renaîtra.

 

Troisième Euménide. - Ils renaîtront aussi, ceux qui s’égor gent dans les rues ? Les Corinthiens ont donné l’assaut, et massacrent

 

Électre. - S’ils sont innocents, ils renaîtront.

 

PremièreEuménide. - Voilà où t’a menée l’orgueil, Électre ! Tu n’es plus rien ! Tu n’as plus rien !

 

Électre. - J’ai ma conscience, j ’ ai Oreste, j’ai la justice, j’ai tout

 

Deuxième Euménide. - Ta conscience ! Tu vas l’écouter, ta conscience, dans les petits matins qui se préparent. Sept ans tu n’as pu dormir à cause d’un crime que d’autres avaient commis. Désormais, c’est toi la coupable.

 

Électre. - J’ai Oreste. J’ai la justice. J’ai tout

 

Troisième Euménide. - Oreste ? Plus jamais tu ne reverras Oreste. Nous te quittons pour le cerner. Nous prenons ton âge et ta forme pour le poursuivre. Adieu. Nous ne le lâcherons plus, jusqu’à ce qu’il délire et se tue, maudissant sa sœur.

 

Électre. - J’ai la justice. J’ai tout.

 

La femme Narsès. - Que disent-elles ? Elles sont méchantes ! Où en sommes-nous, ma pauvre Électre, où en sommes-nous!

 

Électre. - Où nous en sommes ?

La femme Narsès. - Oui, explique ! Je ne saisis jamais bien vite. Je sens évidemment qu’il se passe quelque chose, mais je me rends mal compte. Comment cela s’appelle-t-il, quand 35 le jour se lève, comme aujourd’hui, et que tout est gâché, que tout est saccagé, et que l’air pourtant se respire, et qu’ on a tout perdu, que la ville brûle, que les innocents s’entretuent, mais que les coupables agonisent, dans un coin du jour qui se lève?

 

40 Électre. - Demande au mendiant. Il le sait.

 

Le mendiant. - Cela a un très beau nom, femme Narsès. Cela s’appelle l’aurore.

 

Extrait de l’acte II, scène 10, p. 131-132.

Les meurtriers d’Agamemnon ont été châtiés : Oreste vient de tuer Clytemnestre et Égisthe. Les Corinthiens pillent la ville et massacrent des milliers d'innocents. Argos sera bientôt en ruines. Déjà le palais brûle. C'est dans ce contexte de désolation qu'Électre se déclare satisfaite : justice a été rendue. Incarnation de la vengeance, les trois Euménides1 l'entourent pour la harceler : n'est-elle pas devenue à son tour assassin et coupable ?

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« LA FEMME NARSÈS.

-Oui, explique! Je ne saisis jamais bien vite.

Je sens évidemment qu'il se passe quelque chose, mais je me rends mal compte.

Comment cela s' appelle-t-il, quand 35 le jour se lève, comme aujourd'hui, et que tout est gâché, que tout est saccagé, et quel' air pourtant se respire, et qu'on a tout perdu, que la ville brûle, que les innocents s'entre­ tuent, mais que les coupables agonisent, dans un coin du jour qui se lève? 40 ÉLECTRE.

-Demande au mendiant.

Il le sait.

LE MENDIANT.

-Cela a un très beau nom, femme Narsès.

Cela s'appelle l'aurore.

Extrait de !'acte II, scène 10, p.

131-132.

--·INTRODUCTION Situation du passage Les meurtriers d'Agamemnon ont été châtiés: Oreste vient de tuer Clytemnestre et Égisthe.

Les Corinthiens pillent la ville et massacrent des milliers d'innocents.

Argos sera bientôt en ruines.

Déjà le palais brûle.

C'est dans ce contexte de désolation qu'Électre se déclare satisfaite: justice a été rendue.

Incarnation de la vengeance, les trois Euménides 1 l'entourent pour la har­ celer: n'est-elle pas devenue à son tour assassin et coupable? Justification des axes d'étude La scène 10 de l'acte Il est la dernière de la pièce, dont elle constitue le dénouement.

Celui-ci est à la fois conforme à la légende et diffèrent d'elle.

Il lui est conforme par la condamna­ tion d'Électre, désormais vouée à une tragique solitude.

Il en dif­ fère par l'ambiguïté qu'introduit le thème final de l'aurore et qui atténue la responsabilité d'Électre et peut-être même l'absout.

Le dénouement est donc paradoxal : il est une fin, mais qui s'abs­ tient de trancher et de conclure.

1.

Sur les Euménides, voir p.

36.. »

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