les animaux dénaturés Vercors
Publié le 19/05/2014
Extrait du document
«
6.Après l'arrivée en Nouvelle-Guinée, l'expédition part pour sa destinat ion à travers de la forêt
vierge.
Les nuits sont peu confortables grâce aux moustiques.
Le fait qu' ils se sont légèrement
trompé en route est également nuisible.
À première vue leur erreur n 'est pas grave, mais sa durée
emporte bien un décalage d'une centaine de milles entre la plac e où ils sont et celle où ils devraient
être.
Krebs veut rester quelques jours sur place – la géologie des environs pourrait, dit-i l, apporter la
preuve de sa théorie des ruptures volcaniques – mais Pops et Greame préfèrent de continuer.
Une
discussion éclate, où Krebs l'emporte – on lui accorde un certain temps pour ses recherche s.
7.
Pendant ce temps le camp est, drôlement, attaqué à coups de pierres .
Probablement des
grands singes sont responsables pour cela, mais une telle attaque susc ite des doutes – en général
(comme l'observe Doug), les grands singes fuient les hommes, et ils s ont arboricoles mais la forêt
est relativement loin du camp.
Quand Krebs revient de son expédition, il raconte que l'endroit est
infesté de singes non arboricoles mais troglodytes.
Il en suit que Doug a vait raison.
Mais ces singes
– et les observations géologiques – ne sont pas les seules choses que Kre bs a vu: il a également
trouvé une calotte crânienne se rapprochant bien des calottes hominiennes.
Il pe nse que cette calotte
a un grand age – mais quand les autres la soumettent à un examen de visu ils concluent qu'elle a à
peine quelques décennies.
Il y a donc dans les environs encore et toujours une e spèce d'intermé -
diaires entre hommes et singes.
C'est assez choquant pour tous, mais ça explique du moins d'où les
cailloux sus-mentionnés proviennent – c'était une attaque de ces hommes -singes.
La découverte est
transmise aussitôt aux musées naturels plus ou moins proches; le musé e australien a rapidement
envoyé un hélicoptère et tout ce qui pourrait être utile.
8.
Ils commencent à observer les singes, leurs mœurs et leur langage.
Ces observations
révèlent que les tropis sont des hommes-singes non seulement anatomiquem ent, mais également
culturellement (pour autant qu'on puisse parler de culture à ce stade-là): ils ont des habitude s et apti -
tudes ressemblant à leurs homologues humains, mais ils n'ont pas la même habilité.
Ils connaissent
par exemple le feu, mais ils se bornent à fumer leur viande au lie u de la cuire.
Pour le langage c'est
du même – ils ont des mots primitifs, mais leur utilisation est plutôt instinctive que rationnelle.
9.
La question se pose: ces hommes-singes sont-ils déjà des hommes, ou encore des singes?
Sybil refuse de la répondre, puisqu'elle la considère inutile – on pourrait tout aussi bien discuter du
nombre de cailloux nécessaire pour pouvoir parler d'un tas.
L'élément arbitraire y est trop grand.
Pop pose la question un peu différemment: il se demande si les t ropis ont un âme, s'ils vivent donc
déjà dans le péché original et s'ils doivent en vertu de cela être baptisé.10.
Les tropis commencent, après quelque temps, à s'habituer au camps.
Ils y reçoivent de la
nourriture et, en général, un bon traitement – faisant abstraction des querelles entre eux et les por-
teurs papous (qui apprécient bien le rôti de tropi) – ce qui fait que certai ns d'entre eux se laissent
attraper et sont enfermés pour une étude plus approfondi de leurs comportements.
Ces études sont
filmées par les cinématographes de l'expédition.
11.
Les films et autres documents sont rapidement transmis au musée, qui s'efforce à les m ontrer
au public.
Malheureusement il y a dans ce public un certain Vancruysen, industriel import ant de l'in -
dustrie de la laine australienne.
Il saisit rapidement l'utilité é conomique des tropis: ils sont forts,
aiment le travail et ne nécessitent pas de salaire important (du j ambon et une place pour dormir sont
assez).
Étant donné que l'industrie australienne ne peut pas attirer de la main-d'œuvre humaine bon
marché – l'immigration en Australie est limitée et fortement contrôlée – les tropis (des singes et non
pas des humains, selon Vancruysen) seraient un excellent remplacem ent.
Après quelques recherches
il se souvient d'une société – la Société Fermière de Takoura – qui a les droits d'exploitation de la
région où les tropis résident.
Ainsi elle serait propriétaire des tropi s.
Vancruysen achète rapidement
la majorité des actions dans cette société.
Il poursuit ses plans pl us loin en cherchant le soutien du
Gouvernement et des banques – avec la pensée machiavélique que les droits des tropi s cèderont leur
place à l'impératif économique d'éviter l'écroulement du crédit des banques austral iennes.
2/8.
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