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Les Confessions, Livre I, p. 33-34. Lecture méthodique (Rousseau)

Publié le 23/06/2015

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Lecture méthodique 

 

Intus et in cute1

Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple, et dont l'exécution n'aura point d'imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature; et cet homme, ce sera moi.

5                  Moi seul. Je sens mon coeur et je connais les hommes. Je ne suis fait comme aucun de ceux que j'ai vus ; j'ose croire n'être fait comme aucun de ceux qui existent. Si je ne vaux pas mieux, au moins je suis autre. Si la nature a bien ou mal fait de briser le moule dans lequel elle m'a jeté, c'est ce dont

io on ne peut juger qu'après m'avoir lu.

Que la trompette du Jugement dernier sonne quand elle voudra, je viendrai, ce livre à la main, me présenter devant le souverain juge. Je dirai hautement : « Voilà ce que j'ai fait, ce que j'ai pensé, ce que je fus. J'ai dit le bien et le mal avec

15 la même franchise. Je n'ai rien tu de mauvais, rien ajouté de bon, et s'il m'est arrivé d'employer quelque ornement indif­férent, ce n'a jamais été que pour remplir un vide occasionné par mon défaut de mémoire ; j'ai pu supposer vrai ce que je savais avoir pu l'être, jamais ce que je savais être faux. Je me

20 suis montré tel que je fus ; méprisable et vil quand je l'ai été, bon, généreux, sublime, quand je l'ai été : j'ai dévoilé mon intérieur tel que tu l'as vu toi-même. Être éternel, rassemble autour de moi l'innombrable foule de mes semblables ; qu'ils écoutent mes confessions, qu'ils gémissent de mes indigni‑

25 tés, qu'ils rougissent de mes misères. Que chacun d'eux découvre à son tour son coeur aux pieds de ton trône avec la même sincérité ; et puis qu'un seul te dise, s'il l'ose : «Je fus meilleur que cet homme-là. «

 

Les Confessions, Livre I, p. 33-34.

« [...l je connais les hommesf...1j'ose croire n'être fait comme aucun de ceux qui existent « (I. 5-6). Rousseau ose. Il affirme sa différence radicale, irréductible. Toujours à grand renfort de rhétorique, de parallélismes et d'antithèses, il se pose comme unique en face de tout autre. « Si je ne vaux pas mieux, au moins je suis autre « (I. 7-8). La netteté de l'architecture des phrases fait croire à l'évidence de la « réalité « qu'elles traduisent.

 

Cette extraordinaire affirmation de sa singularité porte en germe et légitime toute la littérature autobiographique des futurs écri­vains de l'époque romantique. Ce n'est donc pas seulement rceuvre des Confessions, qui est unique, mais son auteur lui-même : et plus exactement, c'est parce que le personnage lui-même que racontent les Confessions est unique que l'oeuvre est unique. La valeur même de l'individu est dans sa singularité : s'il ne vaut « pas mieux «, au moins il est « autre «. La « diffé­rence « de l'individu, par elle-même, vaut justification de sa vie : personne ne pourra prétendre être « meilleur «.

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« --· INTRODUCTION Situation du passage Ce texte constitue le début des Confessions: il précède immé­ diatement, dans le Livre 1, le récit de la vie de Rousseau.

Dans cette première page célèbre, qu'on nomme traditionnellement le« préambule>>, l'auteur présente logiquement son projet et ses intentions, pour éclairer le lecteur, mais aussi pour l'entraî­ ner et le convaincre du bien-fondé de son entreprise.

Il faut cependant rappeler ici que ce préambule a été écrit par Rousseau après la rédaction des premiers Livres, à une époque de grande agitation où il était en proie à la hantise d'un « com­ plot >> tramé contre sa personne, et obsédé par le besoin de se justifier.

Cela explique le ton étonnant de ce préambule, qui contraste avec le récit calme et posé qui lui fait suite.

Axes de lecture Le lecteur qui ne connaît encore de ce livre que le titre- Les Confessions-, s'attend à ce que l'auteur lui annonce le récit de sa vie et de ses fautes, non sans évoquer la difficulté de l'entre­ prise.

Un premier axe de lecture, qui s'impose, va donc consis­ ter à examiner la nature du projet autobiographique de Rousseau et les problèmes que pose sa façon de le concevoir.

Mais le contenu et le ton du texte, à peine l'a-t-on lu, frap­ pent par la vigueur et leur caractère dramatique, qui vont jusqu'à la provocation dans le dernier paragraphe.

Le second axe de lec­ ture que nous proposons consistera donc à examiner comment la volonté de se. »

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