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LES DERNIÈRES ANNÉES DE LA VIE DE VERLAINE

Publié le 25/06/2011

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L'EFFONDREMENT. — Le 30 juillet 1833, chez Me Sabot, notaire aux Batignolles, Mme Verlaine acheta aux parents Létinois, pour une somme de 3.500 francs, le petit terrain qu'ils possédaient à Coulommes. Il fallut quelques semaines pour préparer la prise de possession. Le 20 septembre enfin, Verlaine quitta Paris, passa en flèche à Arras et vint s'installer à Coulommes. Une fois de plus, il allait tenter de refaire sa vie dans une petite exploitation agricole. Lepelletier, qui s'étonne à bon droit d'une entreprise aussi peu raisonnable, est persuadé que l'idée venait de Mme Verlaine, inquiète de voir qu'à Paris son fils n'avait pas, en six mois, réussi à trouver une situation. Delahaye est plus formel : c'est elle qui insista pour que Verlaine retournât à la campagne, il obéit avec le sentiment que sa mère commettait une erreur. Ce séjour à Coulommes devait durer un peu plus de vingt mois, jusqu'en juin 1885. Plus tard, lorsqu'il racontait sa vie, Verlaine plaçait à ce moment précis l'abandon de ses longs efforts de dignité et de vertu. Vie très bien, avant, disait-il ; après, vie de bâton de chaise. Nul doute en effet qu'il s'est alors abandonné. A l'ivrognerie, d'abord. Mais aussi à ces amours que l'on soupçonne plusieurs fois à travers sa vie, mais que le plus souvent il réussissait à cacher. A Coulommes il ne dissimule plus guère. Il faisait venir de Paris même, nous apprend-on, d'inquiétants garnements. Autour de lui circulaient des « galopins aux yeux de tribades « et la Dernière Fête Galante annonçait, dans un mouvement de défi,

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« ruine, Verlaine mettait la captation d'un ecclésiastique spéculateur et indélicat.

Il a dit aussi qu'il y avait euescroquerie et qu'elle avait privé Verlaine de ses dernières ressources.

Il s'agissait d'un abbé Salard.

Sa detteremontait, pour le moins, à l'époque de Coulommes.

En septembre 1884, Verlaine s'était inutilement adressé àl'archevêché de Paris.

La dette s'élevait à cette époque à 1.300 francs.

En 1888, ce débiteur récalcitrant n'avaitpas encore remboursé à Verlaine ce qu'il devait.

Le notaire de Juniville montra aussi peu d'empressement à.s'acquitter de ses obligations envers le poète.Au début de juillet 1886 des ulcères apparurent aux jambes.

Verlaine se présenta à l'hôpital Tenon et y restajusqu'au 2 septembre.

Il faut croire que l'espoir et l'énergie étaient enracinés en lui.

Un peu d'argent comptant,l'attente des sommes que lui devaient le prêtre et le notaire suffisaient à lui donner du courage.

Il retourna à l'hôteldu Midi, il retrouva son misérable logis.

Mais dès le 3 novembre il lui fallut reprendre le chemin de l'hôpital.

Ce futcette fois Broussais qui l'accueillit.

L'ankylose du genou gauche était complète, les ulcères ne se fermaient pas.

LeDr Nélaton, qui le soignait, déclara qu'il n'y avait rien à faire.

Il attribuait les ulcères à, une ancienne syphilis.

Unelettre de cette époque prouve la violence du désespoir chez le malade.Il s'était juré, en quittant la Cour Saint-François, qu'il n'y retournerait jamais.

Lorsqu'il sortit de Broussais, en février1887, il lui fallut pourtant regagner l'abri misérable.

Cette année 1887 fut celle de la plus grande détresse et, danstout le reste de sa vie, Verlaine ne connaîtra plus si profond, si total dénuement.

« Misère et presque corde », a-t-ilécrit sur cette horrible période de mars-avril 1887.

Il envisagea le suicide.

L'hôpital le sauva.

Son éditeur et ami,Léon Vanier, était intervenu auprès du Dr Nélaton.

Le 19 avril il entra à Cochin et au mois de mai on l'envoya àVincennes.

Les idées de mort se dissipèrent.

Mais l'avenir restait effrayant.

Toute sa pensée se tendait vers unsalut qu'il fallait trouver à tout prix.D'hôpital en hôpital, de Vincennes à Tenon et de Tenon à Vincennes, il gagna les premiers jours de septembre.

Cefut alors, selon son expression, « le plongeon, le débat dans les roseaux, presque l'anéantissement, mi-enlisement,mi-noyade ».

La correspondance, lorsqu'on rétablit la date et l'ordre exact des lettres, confirme les souvenirs dupoète.

Vers le 15 septembre 1887, Verlaine a, très littéralement, failli mourir de faim.

Quelques amis vinrent à sonsecours, et Coppée envoya 5o francs.

Cette charité, faite à temps, permit à Verlaine de gagner quelques jours, etvers le 25 septembre Broussais l'accueillit une fois de plus.

Il y resta tout l'hiver.C'est en 1888 que l'on commença de voir, au Quartier Latin, un homme claudicant, martelant le pavé de sa canne.

Ilarpentait chaque jour le Boulevard Saint-Michel, escorté d'une phalange de jeunes poètes et passant des heures auSoleil d'or, au Cluny, au François Ier.

Les portraits que nous avons de lui prouvent que c'est cette année-là qu'il apris son aspect définitif, cette physionomie qui tient de Socrate et du faune, où se discernent la conscience dugénie, le mépris des convenances, l'acuité de l'intelligence et la redoutable sensualité. Il partageait sa vie entre les hôpitaux et les garnis du Quartier latin.

Il était devenu un habitué de Broussais.

Aprèsle Dr Jullien et le Dr Nélaton, le Dr Chauffard l'avait pris en amitié.

Il l'emmenait parfois avec lui dans un petitrestaurant où il lui offrait un repas.

La salle Lasègue, où il avait été placé, devint un moment une sorte de salon où ilrecevait ses admirateurs.

L'administration dirigeait sur la même salle les poètes faméliques et malades qui seprésentaient.

A ce que prétend Cazals, il arriva que sur les dix lits de la petite salle, quatre fussent occupés par desnourrissons des Muses.A l'hôpital, Verlaine travaillait.

Au cours de ses longues insomnies il composait les vers de Bonheur et de Liturgiesintimes.

Il avait obtenu le privilège d'avoir une lampe de chevet.

Mais parfois aussi il passait des journées entièresdans de très vives souffrances et ne pouvait plus alors ni se lever, ni lire, ni travailler.

L'état de sa jambe nes'améliorait pas.

En 1887 il parlait de son « atroce claudication », il se plaignait des ampoules et des écorchures quien étaient la conséquence.

Son coeur donnait des signes de fatigue et les médecins avaient découvert unepéricardite.

A la fin de 1888 il ne pouvait presque plus marcher.Lorsqu'il n'était pas à l'hôpital, il logeait dans quelque hôtel de la Rive Gauche.

Il avait quitté la Cour Saint-Françoissans esprit de retour.

A en croire Cazals, il alla d'abord se réfugier rue de la Huchette.

Puis il passa à l'hôtel Royer-Collard, au 14 de la rue du même nom.

Une fiche du service des garnis prouve qu'il s'y trouvait le 25 mars 1888.

Il yresta jusqu'à la fin de novembre.

Il avait pris conscience de sa gloire grandissante et réunissait, chaque mercredi,dans sa chambre, ses plus fervents admirateurs.

Ces soirées, simples mais décentes, rassemblèrent parfois jusqu'àune quarantaine d'invités.

On y voyait Villiers, Barrès, Vicaire, Ary Renan, Rachilde, Moréas, sans parler de Cazals,de Jules Tellier, de Paterne Berrichon, du romancier D'Argis et de Fernand Clerget.De l'Hôtel Royer-Collard, Verlaine passa vers la fin de novembre 1888 à l'Hôtel des Nations, au 216 de la rue Saint-Jacques.

Il a décrit, en quelques lignes pittoresques, l'escalier terrible, la rampe et ses supports d'arbres à peineéquarris, peints en rouge sang, la bougie qui restait allumée sur le rebord d'une fenêtre pour éclairer les invités dupoète.

Car les mercredis continuaient, arrosés parfois de bière, parfois d'eau sucrée et de rhum.

De très fortesdouleurs rhumatismales, en décembre 1888, obligèrent Verlaine à reprendre le .

chemin de Broussais.

Lorsqu'il ensortit, au mois de février 1889, Maurice Barrès lui trouva une chambre à l'hôtel de Lisbonne, 4, rue de Vaugirard.C'était un hôtel confortable où Gambetta avait jadis logé.

Le grand ami de Verlaine à cette date, le jeune peintreCazals, y occupait avec sa femme une pièce avec alcôve et cuisine.

Le poète se contenta d'une simple chambre.Mais souvent il partageait le repas du ménage et Marie Cazals soignait sa jambe avec un amical dévouement.

A latable d'hôte, il rencontrait des habitués sympathiques, parmi lesquels se trouvaient quelques femmes jeunes etspirituelles.

La gérante de l'hôtel aimait la poésie et voyait avec indulgence les allées et venues des trop nombreuxamis du poète ; les mercredis continuaient.

Mais lorsqu'elle voulut empêcher d'autres visites qui pouvaient nuire aubon renom de son hôtel, Verlaine s'en alla.Au mois de février 189o, après un séjour de six mois à Broussais, nous le retrouvons à l'Hôtel des Mines, 125,boulevard Saint-Michel.

C'était une maison d'aspect sérieux, strictement confortable.

La clientèle était bourgeoiseet calme, et l'atmosphère de l'hôtel comme celle du voisinage faisait penser au quartier Saint-Sulpice plutôt qu'auQuartier latin.

L'éloignement découragea les habitués des mercredis.

Ils disparurent.

Verlaine ne s'en plaignit pas.Cette période fut une des plus laborieuses de sa vie, et il put achever d'anciennes choses jadis ébauchées.

Il se. »

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