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Les dialogues dans Une partie de Campagne (Maupassant et Renoir)

Publié le 05/12/2019

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maupassant

L'exclamation de M. Dufour : « C'est naturel au bord de la rivière, quoi 1 » renvoie à une scène* précédente qui a montré les canotiers occupés à commenter1 l'a rr ivée de ces « Parisiens >> qui « seront ravis » d'avoir une friture et qui « vont certainement déjeuner sur l'herbe ». Or, si Mme Dufour obtient la friture désirée, c'est bien parce que les canotiers en ont décidé ainsi : ils manipulent entièrement et à son insu la famille. Mis dans la confidence, le spectateur assiste en complice à leurs stratagèmes. Au « naturel » si naïf de M. Dufour fait écho un peu plus tard le « c'est tout naturel » adressé au même M. Dufour par Rodolphe dont la complaisance (il indique à sa dupe « le meilleur endroit pour pêcher ») n'a rien de naturel puisqu'elle obéit à un plan secret. La formule sonne comme une antiphrase ironique.

 

En revanche, la réplique de Rodolphe « J'prends la fille avec les risques [ ...] d'enfant naturel » qui complète le propos initial d'Henri («si tu lui fais un enfant ») renvoie à l'opposition que le film construit entre nature et société : un tel enfant, issu d'un amour naturel, ne vaudrait-il pas mieux que l'union légitime à laquelle est vouée Henriette ?

 

«< Des responsabilités n

 

La répétition du terme « responsabilités » fait du spectateur le complice du seul Henri qui l'emploie une première fois: à Rodolphe («Oui, tu as peur des maladies »), il répond: « Non, des responsabilités ». Son ami s'empare de la formule : « Moi, les responsabilités ne me font pas peur », affirme-t-il un peu plus tard, pour conclure, avant le départ en yole : « En somme les responsabilités te font de moins en moins peur». Cette ultime réplique met en place trois destinataires : Henriette, qui prend le mot dans son sens propre : « Vous avez des responsabilités ? Une entreprise peut-être ? », Henri, auquel Rodolphe parle dans un

Une hiérarchie de personnages

 

Au sein des deux couples, Renoir introduit une hiérarchie. Des deux canotiers, le plus habile pêcheur sera Henri. Quand Rodolphe en est encore à s'étourdir de mots (« engamé l'êche ! idiot, tu ne comprends donc rien ? •»), Henri a déjà élaboré sa stratégie (« si, mon vieux, mais tu m'ennuies avec tes termes techniques... »). Dépité, Rodolphe use d'une dernière métaphore : « Tu braconnes dans mes eaux ! )).

 

Pareille hiérarchie s'établit entre les deux autres. Anatole trahit par ses questions, exclamations ou confusions (« un brochet ?-Non, un chevesne ! -Un cheval ? ))) sa totale ignorance. M. Dufour étale, lui, un savoir purement livresque (« Sa voracité bien connue l'a fait surnommer le requin d'eau douce )), définition donnée par les dictionnaires à la rubrique « Brochet ))).

 

Au terme de l'action, s'établit un classement: Anatole ne sait qu'attraper son pantalon, M. Dufour pêche un soulier, Rodolphe obtient la mère et Henri enfin la jeune fille. Pourtant, le meilleur pêcheur n'en demeure pas moins, sur le modèle de Maupassant, Anatole, qui a épousé Henriette. S'éclaire ainsi la réplique du tout premier pêcheur du film, le jeune garçon2 : « Y en a qui disent qu'y en a pu ! Y en a qui disent qu'y en a encore ! Le tout c'est de savoir les prendre ! )). Cette formule emblématique prépare la fin du film. Cette Partie de campagne est donc bien une « partie de pêche )).

maupassant

« bo nne ».

Une telle insign ifiance permet à l'écriv ain de me ttre en relie f les commen taires souvent dévalorisa nts du narr ateur.

Dès lors, ce sont les indications sur l'inte nsité (le verbe crier), sur la tonal ité (« gém issait d'une façon mono­ to ne et conti nue »), sur les expre ssions du perso nnage (« articula [ ...

] d'un air imp ortant ») qui sont porteus es de sens plutôt que le cont enu des paroles elles-m êmes.

De la nouve lle au f'ilrn : rep rises et diver gences • Rep rises litté rales Renoir exploite au maxi mum ces données.

M.

Duf our se vante par exemple dans le film de faire du « 25 km à l'heur e », ce qui correspo nd aux « six lieues » de la nou­ ve lle.

Renoir respecte l'identi té des locuteu rs: c' est bien le com mis qui découvre dans les deux œuvres les yoles et qui a le dern ier mo t : « Allons /Alors.

ma bonne, je crois qu'il est temps de nous en aller ».

Le film tient compte aussi des silenc es de la nouv elle : dans la scène* d'amour per­ sonne ne par le.

Les paroles rapportées par le récit passent égalemen t dans le dia logue du film d'où les « Mi net ! Min et ! » de la gr and -mère ou la form ulation de l'invi tati on des canotiers et de la perm ission de M.

Dufour.

D'a utres rép lique s du film s'ex pl iq uent par une explo ita­ tion des détails du récit lui-même.

Les plaintes de Mme Du four (« Il fait bien trop chaud sur la route ») s'appuien t sur la phr ase « Le soleil commenç ait à brûler les visages ».

Le « Vo ulez-vo us bien rester tranquil le, monsieur Dufour ! 11 dév eloppe la phr ase « M.

Dufour.

que la campagne émous­ till ait déjà ...

».Il en va de· même de la mention des fourmis .

« Tu es sûre qu'il n'y a pas de fourmis ? 11 vient de « sous pr étexte que des fourmis lui étaient entrées quelque part 11.

Le. »

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