LES ENFANTS NE COMPRENNENT PAS TOUT
Publié le 10/08/2014
Extrait du document
1. Lecture du sujet
A plusieurs reprises nous vous avons déjà montré que les professeurs qui vous proposent des sujets ne cherchent pas à vous tendre des pièges et qu'au contraire, connaissant les travers auxquels vous êtes enclins, ils cherchent à vous aider.
C'est le cas ici. Beaucoup d'élèves, d'un premier mouvement, éviteraient ce sujet parce qu'ils ne savent rien sur La Fontaine.
On en verrait meme s'en défier parce qu'ils ne savent pas très bien qui est Alain. Le rédacteur du sujet rappelle gentiment que ce ne sont pas les noms des auteurs apparaissant dans un sujet qui comptent, mais le problème qui s'y trouve formulé.
2. L'introduction
Le candidat qui a une belle plume se lance immédiatement dans le développement. L'attaque est vive, entraînante. Mais remar¬quons qu'elle porte bien sur le problème posé par le sujet.
Sujet :
On voulait démontrer à Alain que les Fables de La Fontaine
ne conviennent pas aux écoliers :
« Ils ne peuvent en saisir tout la beauté. «
«Je l'espère bien ! « répondit-il.
«
20 capacités de compréhension.
Il arrive, en effet, que la subtilité
d'une page échappe à des esprits immatures même quand elle
n'est
pas volontairement tronquée par une «condensation,.
abusive.
Sur ce point, Les voyages de Gulliver de Swift
constituent un exemple frappant.
La lecture au premier degré de
25 cette œuvre critique pétrie d'ironie dévastatrice est tout aussi
absurde que
le serait l'assimilation des Contes de Voltaire aux
contes traditionnels, moins corrosifs de beaucoup.
Par quels
détours d'une littérature affadie, Gulliver, voyageur de l'ab
surde, ô combien satirique, s'est-il égaré dans l'imagerie
30 inoffensive des nains espiègles et des bons géants ?
Nous sommes nombreux, sans doute, à avoir lu les mêmes
ouvrages et éprouvé
le même sentiment d'impatience et
d'émotion contenue en tournant la page rutilante du livre neuf
ou celle, fragile comme une aile de papillon, du vieux livre
35 qu'on a toujours vu dans la famille, de mémoire d'enfant.
Les
Contes de Perrault appartenaient à cette dernière
catégorie et
je me rappelais avoir lu, non sans frayeur, les
aventures prodigieuses du chat botté.
Le propre de l'enfance est
d'admettre le fantastique
avec cette facilité qui est sa force : que
40 le chat portât des bottes, qu'il y eût des marquis appelés
Carabas et
des meuniers changés en marquis, voilà qui entrait
dans la logique quotidienne
des choses.
C'est avec surprise que
j'ai appris,
des années ayant passé, que Perrault, homme de
Cour,
se souciait moins d'enchanter les enfants que les
45 marquises et les marquis, bien réels ceux-là, par un divertisse
ment dans
le goût de l'époque.
Une telle révélation, quelque
décevante qu'elle soit, fait gagner en raison
ce qu'elle fait perdre
en rêve.
En contrepartie, l'enfance apporte à toute lecture
nouvelle et approfondie de pages déjà connues cette fraîcheur et
50 cette puissance d'imagination qui enrichissent la réflexion de
sensibilité.
Il
ne s'agit pas de substituer à une vision naïve une
analyse pointilleuse : l'une et l'autre sont complémentaires.
Peu
importe que l'enfance mêle les personnages et les époques,
oublie l'essentiel pour
se consacrer à un détail insignifiant de
55 l'intrigue : cet insignifiant-là devient capital s'il réussit à faire
aimer l'œuvre.
Avec
la curiosité avide de l'enfance, j'ai lu les
Fables comme des récits brefs et passionnants, j'ai lu La guerre
de Troie n'aura pas lieu, Antigone et des nouvelles de
Maupassant; j'ai lu
!'Avare, n'en retenant que le souvenir d'une
60 cassette perdue et retrouvée et quelques reparties d'un domesti-.
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