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LES FEMMES D'ULYSSE

Publié le 06/10/2018

Extrait du document

Au départ d’Ulysse, elle ne montre pas la possessivité de Calypso, bien qu’elle s’éloigne en «répandant à foison des larmes»21. Plutôt, elle s’efface sans que

 

personne ne l’aperçoive, ayant prodigué conseils, avertissements et animaux sacrificiels.

 

Circé l’enchanteresse est donc la femme dans toute sa puissance créatrice, puissance à double-face comme nous l’avait déjà montrée Calypso. Cependant, plus que la rencontre avec la nymphe jalouse, la rencontre avec Circé est une image de la complémentarité entre les hommes et les femmes, un lien de confiance qui surpasse l’hostilité de la différence entre les sexes. Finalement, Circé est la figure de l’aspect instinctif, de la corporalité de la personne humaine, qui ne devient utile qu’une fois alliée à la mètis, à l’intelligence d’Ulysse. Cette figure s’oppose à celle d’Athéna, représentante de l’ordre et de la rationalité.

 

Les deux Sirènes

 

Les Sirènes font partie des obstacles contre lesquels Circé prévient Ulysse. Elles sont deux, femmes-oiseaux qui charment de leur chant délicieux les marins imprudents pour ensuite les dévorer. L’enchanteresse lui conseille donc d’emplir de cire les oreilles de ses marins et de se faire attacher à son mât, en recommandant à ses hommes de ne pas lui obéir alors qu’il les suppliera de le délivrer. Les choses se passent d’ailleurs tout à fait comme Circé le prédit22.

 

L’île des Sirènes est une prairie fleurie où elles se tiennent, entourées des os et des corps pourrissants des marins qui ont

 

succombé à la douceur de leur chant et à la voracité de leur appétit. Lorsque la nef noire d’Ulysse arrive à la hauteur des côtes, les Sirènes, tel que prévu, entonnent leur chant : « Viens ici, voyons, Ulysse tant célébré, la grande gloire des Achéens, arrête ta nef pour écouter nos deux voix! Personne encore, poussant sa nef noire, n’a dépassé ces lieux sans écouter la voix qui sort de notre bouche avec la douceur du miel! On s’en va rassasié, et l’on sait davantage; car nous savons, n’en doute pas, tout ce qu’ont enduré Argiens et Troyens dans la large Troade, de par la volonté des dieux; et nous savons tout ce qui arrive sur la terre qui tant d’êtres nourrit!23 »

 

L’épisode des Sirènes a son importance propre, bien qu’il soit l’un des plus courts du poème. En outre, les Sirènes ont à ce point marqué l’imaginaire des auditeurs/lecteurs de l’Odyssée que leur figure a été maintes fois reprise, transformée au fil du temps, mais comportant toujours pareille étrangeté et continuant de leur donner ce corps monstrueux, qu’elles soient femmes-oiseaux ou femmes-poissons. Elles ont

fidélité, sa confiance en l’avenir et encore maintes autres qualités «féminines », Pénélope est l’image, voire l’icône, de la femme par excellence. Les personnages de l’Odyssée eux-mêmes disent sa grandeur27, tout comme bon nombre d’analystes.

 

Pénélope prend forme dans l’Odyssée d’après trois statuts : mère, femme à marier et épouse. Pierre Bacry28

 

soutient qu’elle adhère complètement, sinon presque, aux conventions sociales et aux caractéristiques qui participent à chacun de ces statuts et que cela sert à mettre en évidence ses traits les plus marquants.

 

Comme épouse, elle est celle qui attend Ulysse et, par là même, donne sens à son retour et à la quête de l’Odyssée. Sa confiance en l’avenir lui permet de poursuivre cet espoir et de trouver le courage de vivre les souffrances qu’il suscite. Pénélope l’épouse vit dans les larmes, qui ne cessent que dans les occupations quotidiennes, évidemment typiquement féminines (tissage, broderie), et reprennent la nuit, jusqu’à ce qu’Athéna fasse couler le sommeil sur ses yeux. Cette confiance est celle qui la fait reculer devant la consigne d’Ulysse, donnée à son départ, de se remarier, s’il n’est pas revenu de Troie, alors que leur fils est devenu un homme29.

 

Elle est aussi celle qui, en l’absence de son mari et devant la vieillesse de son beau-père et la jeunesse de son fils, dirige le royaume d’Ithaque. Elle est donc celle qui, refusant un nouvel hymen, lui conserve sa place de roi.

 

Lorsqu’elle apparaît devant les hommes, modeste et accompagnée, comme il se doit, de ses servantes30, elle est cependant imposante et tous de se taire à son arrivée, éblouis comme devant Artémis ou Aphrodite dorée, auxquelles elle est comparée31. C’est aussi elle qui rend définitivement son identité à Ulysse en le reconnaissant, lui redonnant sa place comme époux, comme père et comme roi d’Ithaque.

 

Le départ de Télémaque, parti à la recherche d’information sur la mort de son père, est l’occasion d’apprécier la violence de son amour maternel. C’est aussi le moment où, par elle, le fils est associé à son père.

 

Par les prétendants, toutefois, Pénélope est aussi une femme, notamment une femme à marier. C’est sous ce trait qu’apparaît sa grande ruse, sa mètis à elle, qui la rend comparable à Ulysse. Antinoos, meneur des prétendants déclare : « Elle possède au suprême degré la science des ruses, Voilà trois ans, bientôt quatre ans qu’elle fait souffrir le coeur des Achéens. Elle donne de l’espoir à tous et promet à chacun, expédiant des messages... Mais d’autres pensées animent son esprit! » Ainsi va-t-il du linceul qu’elle tisse chaque jour et défait

« Le personnage de Calypso, comme son nom l’indique, est ambigu, c’est-à-dire fait de caractères positifs et négatifs.

Son rapport à Ulysse l’est tout autant : elle lui est d’abord une aide puis un obstacle, ce qui fait d’elle, entre autres, une figure de l’ambivalence féminine, de l’aspect double du pouvoir féminin. L’origine grecque du nom de la nymphe, kaluptein, signifie « cacher », « recouvrir » ou encore « la cacheuse », termes qui évoquent à la fois le mystère, la dissimulation, la protection.4 Cette diversité des aspects se reflète dans le comportement de Calypso, le rôle qu’elle joue dans le voyage d’Ulysse ainsi que dans les divers épithètes qui lui sont attribués par le poète. En effet, Calypso recueille Ulysse après son dernier naufrage et la perte des derniers de ses compagnons : « En vérité, je l’ai sauvé, moi, quand il était seul, à cheval sur la quille de sa nef.

La foudre éclatante de Zeus avait frappé et fendu sa nef rapide, au milieu de la mer vineuse.

Alors le vent et les vagues, après l’anéantissement de tous ses compagnons, le portèrent dans ces parages.

Je le traitai avec amitié, le nourris et lui déclarai que je le rendrais immortel et qu’il passerait ses jours sans connaître la vieillesse …5 » Cependant, bien qu’elle lui ait été en ce sens d’un secours inestimable et que, selon les dires d’Ulysse luimême, elle le traitât comme un dieu, ce qu’elle souhaite vraiment, c’est en faire son époux, le garder auprès d’elle pour l’éternité, ce pourquoi elle use auprès de lui de « molles et trompeuses paroles », visant à lui faire oublier Ithaque.

Ulysse, quant lui, ne goûte vite plus aux charmes de la nymphe et ne partage plus sa couche que parce qu’elle le souhaite.

Il passe toutes ses journées à pleurer, à littéralement se liquéfier, toutes ses pensées et ses regards portés vers la mer et, au-delà, vers son oikos. Ainsi, elle est celle qui, possessive et autrement solitaire, le retient pendant sept longues années.

Plus encore, durant ces sept ans passés dans la grotte de la déesse, Ulysse est dissimulé au regard des autres mortels.

Ne rencontrant plus personne, il devient impossible d’en avoir des nouvelles, de les rapporter à Pénélope ou Télémaque.

Ulysse fait alors face à l’oubli : il ne vit pas tout à fait, il est « comme mort » à lui -même et aux autres. D’après Jean-Pierre Vernant6, en le plaçant dans une telle position, l’épisode de Calypso présente dès le départ l’enjeu de l’Odyssée : « le retour ou le non -retour du héros, à travers sa patrie, au monde des vivants.

Tant qu’Ulysse est dissimulé chez Calypso, il est, nous le disions à l’instant, « comme mort », perdu en mer, il n’est plus lui -même.

» Ainsi, accepter la proposition d’immortalité de Calypso, c’est renoncer, au fond, à son statut de héros épique.. »

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