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Les fonctions du monologue au théâtre ?

Publié le 17/01/2022

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« abattement, hallucinations, le parcourent en vagues successives, sans que rien ni personne ne puisse le ramener àplus de raison, plus de calme.

Argan, seul, peut lui aussi laisser libre cours à sa folie des médicaments mais aussi àsa parcimonie, quand il conteste à son apothicaire absent ses factures! Dans le registre pathétique, le lamento de l'héroïne de La Voix humaine coïncide aussi avec une crise psychologique profonde.

C'est d'ailleurs par les termes « Voici l'instant de la crise...

» que Figaro conclut son monologue d'uneexceptionnelle longueur à l'acte V, scène 3 du Mariage de Figaro.

Figaro est littéralement en état de choc après les rebondissements de cette «folle journée », après l'infidélité dont il croit Suzanne coupable: seul, dans l'ombre, dansun moment clé de son existence, il se retourne sur sa vie passée pour un bilan désabusé qu'il généralise à lacondition humaine.

L'action ne progresse pas dans ce «flash-back»: c'est un retour sur lui-même, un essaid'expliciter pour lui-même — et pour le spectateur — ses propres mystères.

Le monologue permet au spectateur uneintrusion à l'intérieur du personnage qui se dévoile hors de ses relations à autrui. [2.2.

Le moyen privilégié de la délibération] Le monologue d'Hamlet va au-delà de la seule expression lyrique: en effet, c'est un héros déchiré et ses hésitationscélèbres «être ou ne pas être?...

» ouvrent les deux voies qui se présentent à lui: subir ou agir et se venger? Onvoit combien sa décision aura d'influence sur la suite de la pièce. Les stances de Rodrigue, dans Le Cid (I, 6) de Corneille, appartiennent à ces monologues à alternatives où le héros analyse un état d'âme ou une situation complexe; Rodrigue est « balancé» entre son « honneur» et son « amour»:venger son père en se battant en duel contre le père de Chimène et perdre l'amour de sa maîtresse, ou perdre sonhonneur en renonçant à la vengeance; mais le héros voit progressivement se dessiner la voie qu'il doit suivre :«J'attire ses mépris en ne me vengeant pas».

Chimène, pense-t-il, ne pourra continuer à l'aimer mais lui conserveraau moins son estime; quant à lui, il gardera son honneur.

À la fin de la scène, sa résolution est prise.

Momentd'extrême tension, de lutte entre deux sentiments et de solitude du héros, le monologue est le lieu privilégié de ladélibération avec soi-même devant un choix difficile, sorte de dialogue intérieur qui, le plus souvent, engage àprendre et assumer sa décision.

Dans le théâtre moderne, qui met en question l'unité de la personne, lesdramaturges se servent du monologue pour symboliser «une double impossibilité du héros, se saisir lui-même et communiquer avec son semblable».

(M.-C.

Hubert, 1988).

«Le monologue est le lieu où le personnage exprime une solitude extrême» et fait face aux enjeux majeurs del'existence.

Le Tueur sans gages, pièce de Ionesco où apparaît pour la première fois le personnage de Bérenger que l'on retrouve dans Rhinocéros, «se clôt par la tirade pathétique de Bérenger, qui n'en finit plus de s'adresser au Tueur, réel ou halluciné, dont on ne perçoit que les ricanements, le priant de l'épargner.

Le Tueur incarne la mort —mystère que l'homme questionne vainement —, vers laquelle s'avance tragiquement Bérenger.» (Ibid.) [3.

D'autres fonctions variées: un type de scènes à part] Les deux fonctions majeures du monologue que l'on vient d'analyser ne suffisent pas à rendre compte de la diversitédes emplois du monologue, des effets qu'un auteur peut en tirer, des plaisirs que peut y trouver le spectateur. PI.

Le monologue «donne le ton»] Le monologue permet aussi au dramaturge de «donner le ton» ou de donner un certain ton.

Le Malade imaginaire qui s'ouvre sur le long décompte qu'Argan fait de ses dépenses médicinales et sur son dialogue fictif avec sonapothicaire M.

Fleurant, l'obsession caricaturale de ce vieillard et ses ergotages, créent, dès l'ouverture du rideau,une atmosphère comique qui sera celle de toute la pièce.

Le monologue d'Harpagon dans L'Avare avec ses gesticulations, ses jeux de scène, ses interpellations du public — constitue un des sommets du théâtre comiquedont Molière avait trouvé l'essentiel dans la scène correspondante de l'Aulularia de l'auteur latin Plaute.

Emporté dans ce mouvement étourdissant — et pour peu que l'acteur se donne à fond —, le monologue devient un grandnuméro de folie burlesque.

Dans un autre registre, la méditation et la prière de Polyeucte qui, à l'acte IV (scène 2),renonce aux joies de la terre et aspire au Ciel, toute empreinte de lyrisme, créent l'émotion. Enfin, dans une tonalité totalement différente, on ne peut omettre le fameux Lamento du Jardinier qui occupel'entracte séparant les premier et deuxième actes d'Électre de Giraudoux.

En rupture totale avec l'illusion théâtrale, renouvelant le statut de l'entracte, le jardinier s'avance sur scène et, devant le rideau baissé, s'adresse au public,qu'il prend à parti et à témoin: « Écoutez», leur dit-il, avant de les remercier pour leur attention...

Dans ce longmonologue, le jardinier introduit l'élégie quand il peint son sort d'éternel perdant ; c'est une méditation humanistequand il évoque les autres avec sa devise « joie et amour», c'est aussi un critique littéraire et dramatique quand ildéfinit l'essence paradoxale du tragique: «C'est cela que c'est la Tragédie, avec ses incestes, ses parricides: de lapureté, c'est-à-dire en somme de l'innocence.» [3.2.

Le monologue donne un statut au spectateur] Enfin, le monologue change la donne de l'énonciation théâtrale et, un temps, donne au spectateur un statutinhabituel. La convention théâtrale veut que le public n'ait aucune part à ce qui se passe sur scène: exclu, il accepte de nepas exister, de ne pas faire partie de l'action qui se déroule sans lui.

Lorsque survient un monologue, il se trouve. »

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