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Les idées de Molière sur la Comédie

Publié le 08/03/2011

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   Le premier service que rendent à Molière ses « utiles « ennemis, c'est de l'amener à s'expliquer sur sa conception de la comédie et, partant, à préciser pour lui-même l'idée qu'il en porte en lui.    Avant toute chose, il tient à rompre avec le préjugé qui fait de la comédie un genre inférieur. L'opinion est si bien établie, si indiscutée, qu'on abandonne à cette parente pauvre les mois d'été, tandis que la belle saison théâtrale, la saison d'hiver, appartient à la tragédie.    C'est ce dédain des habiles pour la comédie qu'exprime M. Lysidas quand il la traite de « bagatelles « et de « sottises «, pour n'accorder son estime qu'aux pièces dites sérieuses. Et c'est contre quoi Molière proteste par la bouche d'Uranie et de Dorante...

« Halles et de la place Maubert ! La jolie façon de plaisanter et qu'un homme montre d'esprit, lorsqu'il vient vous dire :« Madame, vous êtes dans la place Royale et tout le monde vous voit de trois lieues de Paris, car chacun vous voitde bon œil », à cause que Bonneuil est un village à trois lieues d'ici ! Cela n'est-il pas bien galant et bien spirituel ? Une plaisanterie qui ne choque ni les convenances ni le goût, qui n'altère pas la vérité, mais plutôt qui la fasseressortir en tout son jour...

Dorante a raison de déclarer : « C'est une étrange entreprise que celle de faire rire leshonnêtes gens.

» Qui sera juge ? La réponse s'impose : ceux-là justement qu'il s'agit de faire rire, — les honnêtes gens.

Leur plaisir est la règle. Mais ici pesons bien les mots, si nous voulons comprendre dans son vrai sens la formule fameuse, que «le grand artest de plaire ».

On l'interprète souvent à faux et en un sens qui la rabaisse.

On prend texte de l'emportement aveclequel Molière s'élève contre le dogmatisme des pédants : Vous êtes de plaisantes gens, avec vos règles dont vous embarrassez les ignorants et nous étourdissez tous lesjours.

Il semble, à vous ouïr parler, que ces règles de l'art soient les plus grands mystères du monde ; et cependantce ne sont que quelques observations aisées que le bon sens a faites sur ce qui peut ôter le plaisir que l'on prend àces sortes de poèmes ; et le même bon sens qui a fait autrefois ces observations les fait aisément tous les jours,sans le secours d'Horace et d'Aristote.

Je voudrais bien savoir si la grande règle de toutes les règles n'est pas deplaire, et si une pièce de théâtre qui a attrapé son but, n'a pas suivi le bon chemin. On en conclut qu'il nie l'existence de toutes « règles » de l'art. Il n'en est rien et lui-même prend soin de nous en avertir : Je dis bien que le grand art est de plaire et que cette comédie ayant plu à ceux pour qui elle est faite, je trouve quec'est assez pour elle et qu'elle doit peu se soucier du reste.

Mais, avec cela, je soutiens qu'elle ne pèche contreaucune des règles dont vous parlez. Telle est la position très nette que prend Molière.

Il dénonce la superstition des règles, devenues, entre les mainsdes théoriciens, des préceptes abstraits, des cadres vides, un vain formalisme.

Il proteste plus encore contre ceuxqui de ces règles se font une arme au service de leur jalousie et d'un parti pris de dénigrement.

Mais il reconnaît lebien-fondé d'observations qui sont celles du bon sens, — Boileau dira : de la raison, — et qui valent aujourd'huicomme elles valaient pour les anciens.

Homme de théâtre, au point qu'il est la vivante personnification du théâtre,n'admettons pas que Molière ait pu enseigner que le théâtre n'a pas ses lois. Ne lui prêtons pas davantage l'opinion commode que l'unique critérium soit le succès, sans égard à la qualité de cesuccès.

Dorante dira : « Laissons-nous aller de bonne foi aux choses qui nous prennent par les entrailles et necherchons point de raisonnement pour nous empêcher d'avoir du plaisir.

» Et Uranie : « Pour moi, quand je vois unecomédie, je regarde seulement si les choses me touchent.

» Reste à savoir qui est Dorante et qui est Uranie.Musset vante « le mélodrame où Margot a pleuré », et Victor Hugo veut que nous admirions le génie « comme unebête ».

Mais Dorante n'est pas une bête et de Margot à Uranie il y a la différence de la foule illettrée au publiccultivé.

Le jugement littéraire est un jugement de goût.

Tout est là. Ces gens de goût, vous les trouvez d'abord au parterre. Pour la raison qu'entre ceux qui le composent, il y en a plusieurs qui sont capables de juger d'une pièce selon lesrègles et que les autres en jugent par la bonne façon d'en juger qui est de se laisser prendre aux choses. Ceux qui « composent le parterre » ce sont, — à défaut des médecins, magistrats et avocats que l'usage d'alorsécarte des salles de spectacle, — bourgeois, marchands, officiers, c'est-à-dire gens de bureau, gens de lettres etde ces petites gens du peuple de Paris qui ont le théâtre dans le sang. Vous les trouvez ensuite et surtout à la Cour. Sachez, Monsieur Lysidas,...

que la grande épreuve de toutes vos comédies, c'est le jugement de la Cour, que c'estson goût qu'il faut étudier pour trouver l'art de réussir, qu'il n'y a point de lieu où les décisions soient si justes. C'est de même que le Clitandre des Femmes savantes, s'adressant à Trissotin, prendra contre lui la défense decette « pauvre Cour » et attestera : Qu'elle a du sens commun pour se connaître à tout, Que chez elle on se peut former quelque bon goût Et que l'espritdu monde y vaut sans flatterie Tout le savoir obscur de la pédanterie. Ce que Molière apprécie dans la Cour, — dont il ne s'est pas fait faute, à l'occasion, de railler les travers ou lesvices, — c'est qu'elle est, en dehors des coteries d'école ou de salon, la plus haute expression de la société polie.«Du simple bon sens naturel et du commerce de tout le beau monde, on s'y fait une manière d'esprit qui, sans. »

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