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Les modalités et les enjeux du lyrisme dans Ethiopiques

Publié le 14/08/2014

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L'écriture de Senghor n'est pas faite d'une mosaïque de thèmes ou d'images. Une unité s'impose, celle d'un projet poétique : la quête d'un lyrisme nègre. Éthiopiques montre bien l'ambivalence et l'originalité de ce lyrisme, qui oscille entre l'inventaire poétique du monde et la création d'un monde en devenir.

I - « MANIFESTER L'AFRIQUE « : UN LYRISME DE LA CÉLÉBRATION

La nomination

Dans la Postface d'Éthiopiques, « Comme les lamantins vont boire à la source «, Senghor définit la spécificité du lyrisme auquel il aspire : « [il] est dans la simple nomination des choses « (p. 158). La nomination est en effet le moteur es­sentiel d'une parole poétique inédite qui donne au lyrisme une dimension nouvelle. 

« E X P 0 S É S F C H E S quer l'Afrique : moment crucial qui marque le retour aux « prétemps du monde » (p.

154), la nuit est ambivalente.

Elle est d'abord une menace, car l'ombre et l'ab­ sence de mouvement sont des figures de la mort, tout comme le sommeil.

Elle est aussi promesse de l'aube et de la révélation, au terme de l'initiation : « C'était l'heure de la rosée, le premier chant du coq avait percé la brume [ ...

] Ce fut un grand déchirement des apparences, et les hommes restitués à leur noblesse, les choses à leur vérité»(« Teddungal »,p.

109).

Le rythme Mais ni la nomination ni l'évocation ne produiraient leur effet sans le rythme : il est en effet, selon Senghor,« consubstantiel à l'image; c'est lui qui l'accomplit, en unissant, dans un tout, le signe et le sens, la chair et l'esprit.[ ...

] C'est le verbe de Dieu, c'est-à-dire la parole rythmée, qui créa le monde».

C'est pourquoi le tam­ tam et tous les instruments de musique mentionnés au début de chaque poème ont bien plus qu'une simple fonction d'accompagnement.

Ils sont le support fonda­ mental du lyrisme nègre, et aussi le garant de son authenticité: «C'est la voix du tam-tam qui bat le rythme essentiel, qui dit les choses essentielles.

Et ce sont ces choses essentielles qu'écoute le poète dans le silence et dont il se nourrit, et qu'il rendra sous forme de paroles rythmées et chantées.

Sous forme de poème, pour dire l'essentiel, qui est le permanent» (Liberté Ill, p.

385).

Il -ANNONCER « LA BONNE NOUVELLE » UN LYRISME PROPHÉTIQUE Il ne suffit pas au poète de nommer les choses et ainsi de les faire exister : sa mission est aussi de « prophétiser la Cité de demain, qui renaîtra des cendres de l'ancienne» (Postface, p.

160).

Éthiopiques témoigne de cette dimension spécifi­ quement nègre du lyrisme que Césaire a, lui aussi, explorée dans Cahier d'un retour au pays natal.

Assumant parfaitement le statut du griot, « celui qui accom­ pagne » (p.

128).

Senghor se fait aussi prophète, pour que « du tam-tam surgisse le soleil du monde nouveau » (p.

132).

L'évocation du « Royaume d'enfance » ( « Teddungal », p.

109) ne se dissocie donc pas, dans la poésie de Senghor, de l'an­ nonce de« la Bonne Nouvelle»(« L'absente», p.

111), car son travail de poète tend en permanence à la création d'un « troisième temps » qui soit à la fois fu­ sion et dépassement de l'antagonisme entre passé et futur : « Je ne sais en quels temps c'était, je confonds toujours présent et passé/ Comme je mêle la Mort et la Vie -un pont de douceur les relie»(« D'autres chants», p.

149).

Conclusion : Le lyrisme de Senghor est donc profondément ancré dans les valeurs africaines primordiales, qui rattachent la parole à la magie : incantation et prophétie, il fait du poète à la fois un griot et un homme d'action.

Cette ambivalence est bien à l'image de celui qui s'est choisi une « récade* bicéphale » (p.

107).. »

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