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Les Mouches de Sartre, Acte III, scène 6: le départ d'Oreste (lecture méthodique)

Publié le 31/08/2011

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mouches

ORESTE, s'est dressé

Vous voilà donc, mes sujets très fidèles! Je suis Oreste, votre roi, le fils d'Agamemnon, et ce jour est le jour de mon couronnement.

La foule gronde, décontenancée.

Vous ne criez plus? (La foule se tait.) Je sais : je vous fais peur. Il y a quinze ans, jour pour jour, un autre meurtrier s'est dressé devant vous, il avait des gants rouges jusqu'au coude, des gants de sang et vous n'avez pas eu peur de lui car vous avez lu dans ses yeux qu'il était des vôtres et qu'il n'avait pas le courage de ses actes. Un crime que son auteur ne peut supporter, ce n'est plus le crime de personne, n'est-ce pas? C'est presque un accident. Vous avez accueilli le criminel comme votre roi et le vieux crime s'est mis à rôder entre les murs de la ville, eri gémissant doucement, comme un chien qui a perdu son maître. Vous me regardez, gens d'Argos, vous avez compris que mon crime est bien à moi ; je le revendique à la face du soleil, il est ma raison de vivre et mon orgueil, vous ne pouvez ni me châtier ni me plaindre et c'est pourquoi je vous fais peur. Et pourtant, ô mes hommes, je vous aime, et c'est pour vous que j'ai tué. Pour vous. j'étais venu réclamer mon royaume et vous m'avez repoussé parce que je n'étais pas des vôtres. A présent, je suis des vôtres, ô mes sujets, nous sommes liés par le sang, et je mérite d'être votre roi. Vos fautes et vos remords, vos angoisses nocturnes, le crime d'Égisthe, tout est à moi, je prends tout sur moi. Ne craignez plus vos morts, ce sont mes morts. Et voyez : vos mouches fidèles vous ont quittés pour moi. Mais n'ayez crainte, gens d'Argos: je ne m'assiérai pas, tout sanglant, sur le trône de ma victime : un dieu me l'a offert et j'ai dit non. Je veux être un roi sans terre et sans sujets. Adieu, mes hommes, tentez de vivre : tout est neuf ici, tout est à commencer. Pour moi aussi, la vie commence. Une étrange vie.

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« 1.

Un discours solennel La dernière tirade d'Oreste s'adresse aux habitants d'Argos.

Cette dimension vocative de discours est fortement marquée par l'abondance des apostrophes qui scandent la tirade («mes sujets très fidèles», «gens d'Argos», ~ô mes hommes») et surtout du jeu des pronoms de la première et de la deuxième personnes, qui crée une structure binaire très nette dans le discours («Vous voilà»I>, ~vous ne criez plus»/~je vous fais peur», «Vous me regarde~/«je le revendique»).

Plus globalement, le plan général du texte obéit également à un mouvement binaire : le premier mouvement est consacré au rappel du meurtre, de la peur et de la culpabilité, il est centré sur les habitants d'Argos; le second mouvement est consacré au crime libératoire commis par Oreste, il est centré sur Oreste .

La tirade tout entière, dans laquelle Oreste tire la leçon de son acte, est empreinte d'une solennité qui tient surtout au rytlune.

L'abondance des ponc­ tuations fortes (point et deux-points), la brièveté des phrases («Je veux être un roi sans terre et sans sujets.// Adieu, mes hommes, tentez de vivre :// tout est neuf ici, tout est à commencer.// Pour moi aussi, la vie commence.// Une étran­ ge vie.») ou au contraire leur segmentation très régulière (~Dy a quinze ans,/ jour pour jour,/ un autre meurtrier s'est dressé devant vous,/ il avait des gants rouges jusqu'au coude,/ des gants de sang/ et vous n'avez pas eu peur de lui/ car vous avez lu dans ses yeux/ qu'il était des vôtres/ et qu'il n'avait pas le cou­ rage de ses actes») conferent au texte un rytlune lent et très mesuré qui sou­ ligne la gravité du propos.

Ce discours semble être un discours d'intrônisation.

II.

Oreste, roi d'Argos Oreste se fait reconnaître par son acte.

Par cet acte, il se lie au peuple d'Argos en le débarrassant de la faute et du remords .

On pourrait parler à propos de la vengeance d'Oreste d'un acte fondateur, ou plutôt refonda­ teur, puisque Oreste est l'héritier du roi Agamemnon.

Oreste se présente d'abord comme le nouveau roi d'Argos («mes sujets», «je suis Oreste, votre roi», «ce jour est le jour de mon couronnement»).

Les marques discursives de la sujétion des habitants d'Argos sont présentes («Je sais :je vous fais peur», «Ô mes hommes»,. »

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