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LES NOUVELLES (histoire littéraire)

Publié le 14/07/2011

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histoire

La nouvelle, en principe, se distingue du conte par son caractère vraisemblable et du roman par sa brièveté. L'action est réduite à l'essentiel, les personnages peu nombreux, et l'auteur s'attache à créer en peu de lignes un climat particulier. Le genre s'épanouit au 19e siècle avec Mérimée et Maupassant et prospère au 20e s., abordant tous les registres : réaliste, fantastique, sentimental, policier, science-fiction, etc. (Daniel Boulanger, Julio Cortazar, etc.)

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« LesNouvelles exemplaires (1613) réunies par ce"ïmême Cervantespeuavant sa mortattestent bien le caractère de laboratoirelittéraire qu'elles ont pu avoir pour lui : les points de vue et les techniques narrativesvarient, scrutentau plus près le détail de la société, approfondissant ainsi l'approche réaliste du monde qui éclate dans Don Quichotte. L'ECLIPSE CLASSIQUE •L'heure n'est pourtant guère à la prose : les siècles baroque et classiquessepassionnent pour les genres nobles, et le théâtre aspire toutes les énergies. Laquerelledes Anciens et des Modernes, dans la secondemoitié duxviie siècle, remet en selle le genre du conte, entre ceux à l'antique de Jean deLa Fontaine et ceux de Charles Perrault,le défenseur des « modernes », c'est-à-dire d'une tradition française opposée àl'imitation des Grecs etdes Latins. • Peude place pour la nouvelle dans ce champ de bataille, et le genre tend alors à se recroqueviller sur son sujetd'élection:l'érotisme.

Non sans quelques belles réussites : on pourrait citer Brantôme (v. 1540-1614) et ses Vies des dames galantes, unrecueil composé au début du xvne siècle et qui circule longtemps sous le manteau. • Le xvme siècle voit le triomphe du roman sous lesdeux formes concurrentes de l'extrême longueur (CilBIas deSantillane, d'Alain René Lesage, 1668-1747) et de l'extrême brièveté(Pointde lendemain, de VivantDenon, 1747-1825). Un roman bref, c'est presque une nouvelle, et les deux genres se mêlent quelquefois de si près que le seul critère de distinctionest la publication du texte en volume. •Lesromans longs, inspirés des romans précieux du xvirsiècle et duroman picaresque espagnol, étendent le récitjusqu'aux dimensions d'une vie, adoptant souvent la techniquedu roman de formation, mené à lapremière personne par un narrateur parvenu au seuil de la vieillesse. Ce type de roman donne alors à la nouvelle un double niveau, sous laforme du récit enchâssé : au cours de telvoyage, le narrateur a rencontré un marin qui lui a raconté...

C'est ainsi que le genre de la nouvelle disparaît des étals de libraire, pour mieux se retrouver caché aucœur des romans fleuves qui passionnent le siècle; les Mémoires etAventures d'un homme dequalité (1728-1731) de l'abbé Prévost (1697-1763) regorgent de nouvelles, tout comme les romans erotiques,propices à l'insertion d'anecdotespiquantes.

Le Marquis de Sade (1740- 1814) donne avec ses Cenf Vingt Journées de Sodome,écrit dans les années 1780- 1790, à la fois •]e^J \letexte le ££ffiîï- personnelle et l'un des plus grandsrecueils denouvelles dusiècle. C'est encore un roman, et le principedegradation dans l'horreurassure la solidité de sa structure :mais iln'est en fait constitué que de nouvelles.• ie Manuscrit trouvé à Saragosse (1804-1805), du Polonaisd'expression française Jan Potocki (1761-1815), constituelui aussi un bon exempledeceretour de la nouvelle dans lecadre du roman : les nouvelles se bousculent,s'enchâssent lesunes dans lesautres etfinissent par faire disparaître totalement lastructure initiale, faisantdelalecture decechef-d'œuvre mal connu une expérience vertigineuse. ES NOUVELLES FANTASTIQUEUXIX'SIÈCLE Le livre de Potocki ouvre aussi lavoie à l'une des grandes rencontreslittéraire du xixesiècle, la nouvelle et lefantastique.• Apparu dans une série de romansanglaisdans les années 1770, cet univers littéraire se distingue du merveilleux des contes par son rapport à la réalité : on a pu le définircomme un moment d'hésitation entre l'étrange et le merveilleux. Quelquechose apparaît, quelque chose arrive, que l'on ne comprend pas et qui ne laisse pas d'étonner - car nous sommes dansle monde normal, celui de la réalitéquotidienne et de la raison.• Ce «quelque chose», soit il seraexpliqué rationnellement et ramené aux dimensions du réel - par exemple dans les nouvelles (LeChat noir,LeCœurrévélateur)del'AméricainEdgarAllan Poe (1809- 1849), soitilamènera la preuve del'existence,insoupçonnéedunarrateur, d'une dimension nouvelle et irrationnelle du monde -comme dans lesnouvelles (La Vénus d'Ille, par exemple) deProsper Mérimée (1803- 1870).

Unécrivaincomme Gérard de Nerval(1808-1855),amateurd'hermétisme,trouve dans lanouvelle le moyen idéal d'ouvrir brièvement une porte sur le mystère du monde, avant de larefermer prudemment (Les Filles du feu, 1854).• La nouvelle, par sa brièveté, sa concentration dramatique, maisaussi par sa capacité à suggérer le mystère,apparaîtvitecomme le cadre le plus adapté à la littérature fantastique, qui explose au xixesiècle.

C'est un phénomène mondial,dont les meilleurs représentants sont allemands (ErnstHoffmann, 1776-1822) ouanglais (Horace Walpole, 1717-1797), mais qui trouve égalementde splendides illustrations chez des écrivainsappartenant à des peuples «vierges»littérairement, ayant vécu jusque-là sous le régimede l'imitation. Ainsi le Russe Nikolaï Gogol{KU91852) donne- t-ilavec ses Récits deSaint-Pétersbourg(composésdans les années 1830) l'un des meilleurs exemples du genre. Lefantastique est chez lui associéà une modernité littéraire, liée à l'urbanité, qui peut s'opposer aufolklore exploréau début de sa carrière dans lescontes des Veillées du hameau. • La nouvelleapparaît au XIXesiècle comme un genre plein d'avenir.

Dans unmonde où les écrivains tentent de plusen plus fréquemment devivre de leur plume,elle représenteaussi une alternative à la critique ou au roman- feuilleton, une façon de gagner sa vie sans pour autant céder sur ses exigences littéraires. MAUPASSANTET LA NOUVELLE RÉALISTE •Avec Guy de Maupassant (1850- 1893), sans *%* «s* aucun doute le |l ^ 1 plus grand â nouvellistefrançais, le L^ genre atteint à ^ lafindu Hxixesiècle un mÊÊB sommet :s'ilne dédaignepas le fantastique, qui lui permet d'exprimerses angoisses lesplus profondes (LeHorla, 1887), l'auteur de Boulede suif et d'Une partie decampagne utilise surtout la nouvelle pour sonextraordinaire précision : en quelques traits, c'est un aspect du comportement humain qui se trouve misà nu. Nourri decomique etd'effroi devant lalaideur del'âme humaine et de la société moderne, le naturalismedont se réclame Maupassanttrouve ainsi dans la nouvellesa forme la plus efficace, plusacérée que les longs romansdémonstratifs qui font alors la gloire d'Emile Zola (1840-1902). C'est d'ailleurs àtravers un recueil denouvelles.

Les Soirées de Médan(1880), que se constitue officiellement autour deZola une école naturaliste dont Maupassant est le représentantle plus doué. L'ÉCOLE DU ROMAN Le Français Marcel Proust (1871 - 1922) etl'Irlandais James Joyce (1882-1941) ont donné avec4/orecherche dutemps perdu pour l'un et Ulysse pour l'autre deux des romans lesplus ambitieux - et les plus longs- du siècle, mais c'est en écrivant des nouvelles qu'ils ont fait leurs armes. Gens deDublin (1914), deJoyce, est un chef-d'œuvre, mais les Pastiches et Mélanges deProust sont peut-être plus remarquables, pour la méthode qu'ils mettent enœuvre :série denouvelles écrites «à la manière de», ces pastiches ontpermis à Proustde son propre aveu, de se débarrasser de l'influencede ses prédécesseurs pour forger ensuiteson style personnel.

• Ivan Tourgueniev (1818-1883), proche de Zola lui aussi, donne à la mêmeépoque de nombreux récits qui attestent la vigueur de l'école russe;téon 7bbfoï(1828-1910) et plustard Vladimir Nabokov (1899-1977)feront de la nouvelle l'un deleurs modes d'écriture favoris,àcôté duroman. ChezTolstoï,lanouvelle permet de donner une dimension plus didactique, plus morale au texte.

Chez Nabokov, c'est l'occasion de saisir unrefletde la réalité, un fragment du monde, un simple éclat qui résumeraità luiseul le mystère d'une existence. Lanouvelle fixe cet éclat,quand ses romans l'analysent et en retracent lesorigines. LES SHORT STORIES ANGLAISES C'est dans le monde anglo-saxon,àla fin du xixesiècle, que le genre de la nouvelle trouve à la fois sesmeilleurs représentants et son public le plusattentif.•Thomas Hardy (1840-1928) alterne lesromans désespérés | et des nouvelles plus légères et plus optimistes (Contes et Récits duWessex, 1888).•Hector Hugh Munro, dit Saki (1870-1916), estl'auteur denouvelles follement drôles, petits moments d'absurditésdans uncontexte victorien. • Mais le grand maître du genre estassurément Rudyard Kipling (1865-1936). Àl'aube de sa carrière, lefutur auteur du Livre de la jungle donne une série de recueils qui luivalent une renommée fulgurante et seront plus tard salués comme des chefs-d'œuvre.

Simples Contes des collines(1888) ou, dans un autre registre, Histoires commeça pour les enfants (1902) jouent surl'exotisme etl'exaltation des valeurs impériales pour construire un mondetissé de faits signifiants. Les nouvelles permettent de faire saillir les traits les plus colorés, les plus représentatifs de l'existence moderne et lui confèrent ainsi un sens.

En passant de l'une àl'autre, on découvre un tableau humaincomposé d'individus héroïques, isolés, mais qui tous ensemble portent les valeurs de l'empire. Telle nouvelle campe tel individu, telle autre soncamarade de promotion, et ainsi desuite : l'allure qui se dégage de ce portraitde groupe en petits morceaux est saisissant de cohérence, suggérantla force morale qui anime l'Empire britannique.

Làoù un roman introduirait davantage de nuance ou d'ambiguïté, la nouvelle permet d'isoler ce qui, dans le monde, fait sens. AU NOUVEAU MONDE • Là où le roman s'aventurera du côté de l'angoisse et de l'absence de sens, la 0.HENRY,MAÎTRE DE LA NOUVELLE Tout l'Américain William Sydney Porter, dit 0.

Henry (1862-1910), est dans l'histoire de son pseudonyme sans prénom, emprunté à l'un de ses gardiens de prison, rocambolesqueet plein d'humour comme ses nouvelles, les Quatre Millions (1899), La Chasse à l'homme (1902), Choux etRois (1904), LaVoix de la cité (1908), etc.,sont les recueils sansprétention de celui qui entendait pourtant donner toute sa dignité à l'art de la nouvelle, et pour ce faire fonda en 1918 un prixdédié à son genre de prédilection. nouvelle apparaît comme un lieu de résistance littéraireau sentiment moderne par excellence, l'indifférence. Faceà un roman où l'on n'attend plusrien et qui s'étend démesurément surcette absence d'événement,la nouvellereste associée à la vision d'un monde où «quelque chose arrive», ellecélèbre l'action.• De là, sans doute, son succès dans unmondeanglo-saxon et singulièrement une Amériqueencore animés par l'esprit de conquête.

Les nouvellistes qui animent les magazinesanglais et américains du xxesiècle conçoivent leur art comme un délassement, unsupplément d'âme offert à une société mue par un idéal d'action.

Là où le roman analyse, déconstruit, contemple, la nouvelle permet plus simplement,comme une séance de cinéma, determiner agréablement une journée.• La concurrence du cinéma permetaussi de liredans le succèsde ce genre auxxesiècle une forme de riposte offerte aux nouveaux loisirs culturels ; brève, efficace, concentrée, active,éventuellement fantastique, la nouvellepropose un degré d'intensitécomparable à celui du cinéma.Cette modernité s'exprime en Amérique dans le triomphe des magazines de science- fiction, telAstounding Stories, qui sont presque exclusivement composés denouvelles.• La nouvelleest aussi un moyen de prendre pied dans le milieu littéraire, de se faire unnom et de convaincre ensuite un éditeur de publier desœuvres de plus longue haleine. •Elle est enfin un moyen deconserver un lien avec le public. Lesplusgrands auteurs américains, de TennesseeWilliams (1911-1983) àWilliam Faulkner (1897-1962) en passant par Francis Il WÊÊt -5cott Fitzgerald(1896-1940),ErnestHemingway(1899-1961)etJohn Dos Passos (1896-1970), ont ainsi publiétoute leur viedes nouvelles. • Àleur suite, lesplus grands nouvellistes du siècle setrouventdanslemonde latino-américain, avecnotamment l'Argentin Jorge Luis Borges (1899-1986) et ses Fictions (1944)et l'UruguayenJuan CarlosOnetti (1909- 1994). Mishima Yukio (1925-1970), au Japon, Heinrich Bôll (1917-1985) en Allemagne (Letrain étaità l'heure, 1949)ont montré dans des registres différentsque le staccato de la nouvelle pouvait être adapté à la vitessedumonde moderne.. »

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