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Les personnages dans La guerre de Troie n'aura pas lieu de Giraudoux

Publié le 23/01/2020

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troie

est au service de la guerre, non de l’amour, et il est temps d’attribuer à Démokos la véritable profession qui est la sienne, ou qu’il aurait du moins de nos jours : c’est un journaliste chargé de la propagande. Il écrit des articles, il parle à la radio. C’est le belliciste de l’arrière. Il se définit par cette phrase terrible dans son inconscience ou son cynisme : « Puisque Page nous éloigne du combat, servons du moins à le rendre sans merci » (p. 97). Vindicatif, haineux, il veut « porter au comble l’enthousiasme des soldats », et leur verser une ivresse morale à la mesure de l’ivresse physique que leur procure le vin à la résine à l’instant de l’assaut. C’est dire qu’il ne ménage pas les grands mots. Son langage est à l’image de son physique,' prétentieux, arrogant, boursouflé. Le Courage, la Lâcheté, l’Héroïsme, l’Honneur, autant de majuscules derrière lesquelles s’installent le mensonge et l’imposture. Il aime les formules solennelles : « Le sexe à qui je dois ma mère »; il pontifie : « La lâcheté est de ne pas préférer à toute mort la mort pour son pays. » Tous les moyens lui sont bons pour chatouiller l’orgueil et l’amour-propre des combattants. C’est lui qui à l’aide d’un adjectif peut inquiéter, alarmer, exciter l’opinion. Il est chargé de composer le chant de guerre en exaltant le sang versé. Il propage les fausses nouvelles. Il insulte ses adversaires, les traite de brutes et d’ivrognes, et il sait user de tout l’appareil de la provocation, de toutes les déformations de la propagande, et de toutes les calomnies du racisme.

Mais il n’est pas seulement odieux, il est ridicule. C’est le capitan de la farce, ou le clown grotesque. Tout le monde se moque de lui, à part les vieillards. Le concours d’épithètes proposé par le Géomètre tourne à sa confusion. Il est l’objet de la risée des femmes, des servantes mêmes. Hécube ne perd pas une occasion de lui exprimer son mépris. A la fin, giflé par Oiax, giflé par Hector, il criej il hurle : on dirait d’un enfant qui rage et trépigne : nous sommes pour un instant au cirque.

Pas pour longtemps. Le drame reparaît avec le coup de théâtre du dénouement. Frappé à mort par Hector au moment où il ameutait la ville et criait à la trahison, Démokos est capable avant- de mourir d’un geste extraordinaire, qui, s’il était affecté d’un autre signe, s’il n’était pas mis au service de la guerre, serait grandiose. Accusant le Grec Oiax de sa

subir affronts et humiliations, recevoir une gifle sans broncher, résister à l’envie de châtier le Grec ivre Oiax, tant est farouche sa volonté d’assurer la paix, pour échouer finalement tout près du but, au moment même où il semblait avoir triomphé de tous les obstacles.

Il avait cependant laissé échapper une phrase dangereuse qui montre à quel degré d’exaspération il en était arrivé : « A mesure que j’ai plus de haine pour elle (pour la guerre), il me vient d’ailleurs un désir plus incoercible de tuer » (p. 176). Il ne croyait pas si bien dire. Paradoxalement, c’est la mort de Démokos qui rendra la guerre inévitable.

Quand, dans la première scène, Cassandre, pour faire peur à Andromaque, décrit la marche effrayante du destin qu’elle compare à celle d’un fauve, elle termine par ces mots :

Cassandre : Et il monte sans bruit les escaliers du palais. Il pousse du mufle les portes... Le voilà, le voilà.

La voix d’Hector : Andromaque!

Andromaque : Tu mens!... C’est Hector.

Cassandre : Qui t’a dit autre chose? (p. 14)

Nous voilà prévenus dès le début de la pièce : Hector est un des serviteurs du destin.

Hector est le seul homme d’abord à lutter en faveur de la paix. Mais il a avec lui toutes les femmes de Troie.

Et d’abord la sienne.

® Andromaque

Elle personnifie traditionnellement la fidélité et l’amour conjugal. Il n’était pas question pour Giraudoux de modifier sur ce point le comportement de l’épouse d’Hector. Elle sera donc la digne et tendre compagne de son mari, et elle l’aidera de son mieux dans sa tâche. Mais elle va évoluer.

Elle est au début de la pièce pleine de confiance et d’optimisme. ' Hector va revenir. Elle attend un enfant. Elle est « l’espérance toutes voiles dehors », comme dira Montherlant d’Inès de Castro. Mais peu à peu Cassandre va lui faire peur en annonçant à mots couverts la marche du destin.

Cependant Hector arrive, et c’est une délicieuse scène d’amour que l’on serait presque tenté de trouver badine dans son élégant marivaudage.

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