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Les Poissons et le Berger qui joue de la flûte Livre X, fable 10

Publié le 27/03/2015

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fable

Tircis, qui pour la seule Annette Faisait résonner les accords D'une voix et d'une musette Capables de toucher les morts,

5               Chantait un jour le long des bords

D'une onde arrosant des prairies,

Dont Zéphire habitait les campagnes fleuries.

Annette cependant à la ligne pêchait;

Mais nul poisson ne s'approchait.

10             La Bergère perdait ses peines.

Le Berger qui par ses chansons,

Eût attiré des inhumaines,

Crut, et crut mal, attirer des poissons.

Il leur chanta ceci: Citoyens de cette onde,

15 Laissez votre Naïade en sa grotte profonde.

Venez voir un objet mille fois plus charmant.

Ne craignez point d'entrer aux prisons de la Belle:

Ce n'est qu'à nous qu'elle est cruelle:

Vous serez traités doucement,

20             On n'en veut point à votre vie:

Un vivier vous attend plus clair que fin cristal.

Et quand à quelques-uns l'appât serait fatal,

Mourir des mains d'Annette est un sort que j'envie.

Ce discours éloquent ne fit pas grand effet:

25 L'auditoire était sourd aussi bien que muet.

Tircis eut beau prêcher: ses paroles miellées

S'en étant aux vents envolées,

Il tendit un long rets. Voilà les poissons pris,

Voilà les poissons mis aux pieds de la Bergère.

30 Ô vous Pasteurs d'humains et non pas de brebis,

Rois qui croyez gagner par raisons les esprits

D'une multitude étrangère,

Ce n'est jamais par là que l'on en vient à bout;

Il y faut une autre manière:

 

35 Servez-vous de vos rets, la puissance fait tout.

L'humour du poète participe à cette atmosphère de légèreté : il joue avec les références littéraires et mythologiques et nous présente son Berger comme un nouvel Orphée (v. 4; dans la mythologie grecque, Orphée, le premier des poètes, passait pour avoir séduit toutes les créa­tures terrestres par l'éloquence de son chant, un chant si beau qu'il avait su émouvoir les puissances surnaturelles, les dieux et les monstres du 

fable

« LES FABLES DE LA FONTAINE (COMMENTAIRE) Eaj_e_tJ~ du_ text_~_: ~~t:i! .P!~_s-~!fi~~~!!_c!~a_&Ï!_ qlJ_e_c!~~~~ll!_E!E~ Voici une fable pleine de charme, de surprises et de pièges ...

Un récit galant (v.

1 à 29) entre un Berger et une Bergère: l'un amoureux, élo­ quent, qui chante aux poissons son amour, l'autre muette, apparemment absorbée par la pêche aux poissons.

Une morale (v.

30 à 35) qui tire une leçon politique de cette histoire galante.

Dans un cas comme dans l'autre, il est question de l'efficacité du discours et des vertus de l'éloquence.

0 L'univers d_e la pastorale La Fontaine, dans l'invention des fables, puise avec délices dans des lec­ tures qu'il partage avec le public mondain de l'époque.

Ici il nous trans­ porte dans l'univers de la pastorale.

Cet univers est emprunté à des tradi­ tions littéraires antiques (le poète grec Théocrite, imité par La Fontaine dans une fable du livre XII; le poète latin Virgile, auteur de Bucoliques) mais aussi plus récemment illustrée, notamment par l'Astrée d'Honoré d'Urfé, un roman pastoral qui a connu un immense succès et dont la lec­ ture a enthousiasmé le jeune La Fontaine (voir Approche 1, p.

8).

La pas­ torale (poésie ou pièce de théâtre) a pour cadre une campagne de fantai­ sie, dans laquelle se développent des idylles amoureuses entre bergers et de bergères.

Pas de souci de réalisme: ces personnages s'expriment selon les règles de la préciosité mis en vogue au xvne siècle par les salons.

Les personnages de la pastorale: un couple (v.

1); deux prénoms (Tircis, à connotation antique, prénom masculin traditionnel du genre bucolique et pastoral comme Daphnis, Tityre; Annette, prénom avec dimi­ nutif à connotation paysanne, comme Perrette).

Un couple que le vers 1 réunit et désassemble (oppositions des voyelles i/a).

La situation amou­ reuse est suggérée dès le début: l'amour du berger s'est fixé («Seule») sur la bergère, mais on ne sait si cet amour est partagé.

Un décor champêtre: le décor est stylisé (il comporte peu d'éléments), il est non réaliste et plutôt orienté vers le merveilleux (les créatures mytho­ logiques sont là: « 'Zéphyre '» personnification d'un vent doux; «Naïade'" créature aquatique, divinité des sources).

Quelques éléments de caractéri­ sation pour suggérer une atmosphère de légèreté: le mouvement de l'eau avec l'enjambement vers 5-6 et les jeux de sonorités «on/ d »; le mouve­ ment du vent, v.

27, avec le changement de mètre qui souligne la très belle et claire harmonie du vers (les répétitions de «en»).

71. »

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