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LESAGE : analyse de son oeuvre

Publié le 17/05/2011

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Les idées sont rares chez Lesage, et sa critique, si vive qu'elle puisse être à l'égard de la puissance et de l'argent, ou encore, à un niveau plus idéologique, à l'égard du lien social lui-même, demeure convenue, privée de vertu subversive dans la mesure où elle ne postule pas un ordre neuf. Par tout un côté, c'est encore une oeuvre d'avant les Lumières, et si l'on en voulait confirmation dans un domaine particulier mais significatif, il faudrait retenir la façon froide et négligente dont elle traite les femmes. Le goût est celui d'un "ancien" décidé, comme il est de règle chez les satiriques ses contemporains.  Le style est tout à fait étranger à la néologie audacieuse des Marivaux et des Fontenelle, et Gil Blas n'épargne pas les pointes contre quelques-uns des Modernes les plus en vue, somme Crébillon le père, Fontenelle et Mme de Lambert.   

  • 1707 Crispin rival de son martre. Le Diable boiteux.
  • 1709 Turcaret.
  • 1715 Gil Blas (I - VI).
  • 1724 Gil Blas (suite, VII-IX). 
  • 1735 Gil Blas (suite et fin, X-XII).

« laïc, le gardien d'un ordre que ses maîtres reconnaissent à leur façon pour le leur.

Lesage est un artisan indépendantqui pond de la copie, installé dans un tout petit jardin avec ses quatre enfants dans les jambes, qui vise la recetteimmédiate et pas du tout, assure-t-on, le fauteuil académique.

La gaieté est l'allure naturelle de son oeuvre, et à safaveur peuvent naître les questions et les équivoques sur ses intentions profondes.

On pourrait dire que le sourire deLesage est bien de son siècle. Le théâtre. De son théâtre on retient surtout Crispin rival de son maitre et Turcaret, deux comédies en prose.

La première estune comédie d'intrigue dans le goût de L'Etourdi de Molière et des comiques latins, mais déjà lourde d'intentionssatiriques à l'égard de la justice et des gens de finances.

La deuxième est généralement regardée comme ce qu'aproduit de meilleur cette comédie de moeurs de l'entre-deux-siècles qui se réclame de Molière mais s'écartegrandement de lui en se donnant pour objet principal et explicite la satire sociale.

Sans innover de façon décisivepar rapport à ce que les Baron et lès Dancourt avaient déjà mis sur le théâtre, Lesage réussit parfaitement à rendreodieux et ridicule le fermier général Turcaret, dont la faillite et l'arrestation terminent la comédie.Bien que la seconde soit incomparablement plus consistante, les deux comédies présentent les mêmes qualités ; etd'abord la drôlerie des mots de théâtre, et leur force de percussion, qui imposent le rapprochement avecBeaumarchais.

Ainsi quand il est dit dans Crispin que la justice est une si belle chose qu'on ne saurait l'acheter tropcher, ou quand Turcaret s'écrie : «Il vaut mieux prêter sur gage que de prêter sur rien ».

Les bons sentiments sontbannis ; dans Crispin, le jeune premier Valère n'est amoureux que d'une dot, et le couple qu'il forme avec son valetd'intrigue est loin d'être conforme au modèle classique, puisque le valet ne cherche qu'à rouler son maitre enaffectant de le servir.

Turcaret est plumé par une coquette qui se fait plumer par un chevalier d'industrie, cola faitun ricochet de fourberies le plus plaisant du monde, qui n'enrichit en fin de compte que Frontin, valet du chevalier etaspirant financier.

Si l'on songe aux flots de fadeurs que les rôles de vertueux vont faire déferler dans le dramebourgeois, on saura gré à Lesage de sa cruauté, qui est celle d'un moraliste chrétien.

C'est comme tel, en effet, queLesage condamne en bloc tout son monde en le livrant à la tyrannie de l'universel appétit, dont l'appétit d'argentn'est qu'une forme.

D'où une simplification qui est comme la rançon de la verdeur.

Le moraliste juge, il montre etdonne à reconnaître.

La comédie repose non sur ce que font les personnages mais sur ce qu'ils sont ; sur leurnature davantage que sur leur projet.

On demanderait en vain à Lesage ce qui fait l'une des beautés de Molière,cette dialectique du projet et du monde, dans laquelle le personnage s'éprouve et se découvre aux autres et à lui-même.

D'où les hasards de l'intrigue, qui laisse chacun identique à lui-même, et dont la gratuité a toujours frappéautant que l'entrain.Mention spéciale est à faire du couple Frontin-Lisette dans Turcaret.

L'auteur a beau dire dans une défense de sapièce que Frontin est promis aux mêmes déboires que Turcaret, bien des raisons empêchent d'identifier l'un à l'autre,avant tout l'intelligence et la gaieté du jeune homme et de sa complice, et leur vigueur de volonté.

Seuls ilscherchent à parvenir, quand les trois autres cherchent seulement à faire durer une situation qui en fin de compteleur échappe.

Ici, Lesage, timidement, ouvre la voie à Beaumarchais en mêlant à la satire morale quelque chosecomme une exaltation de l'esprit d'entreprise.On regarde ordinairement comme négligeables les pièces écrites pour le théâtre de la Foire.

Elles sont évidemmentbâclées, mais certaines pourraient encore faire rire, moyennant les lazzi, c'est-à-dire les gags muets.

Une bonnepartie de leur charme devait tenir aux machines et à la musique, pour laquelle cependant on se mettait peu en frais,puisqu'on utilisait ordinairement des airs connus.

Ce sont les turqueries féériques et galantes, comme La Princessede Carizme (1718), représentée la même saison à la Foire et à l'Opéra, ou des facéties morales comme Les animauxraisonnables (Ulysse, interrogeant ses anciens compagnons transformés en animaux, en trouve à grand peine quiveuillent revenir à la forme humaine ; une dame devenue oiseau lui dit notamment qu'elle aime mieux pondre desoeufs que d'accoucher).

L'actualité fournit soit des allusions soit même des sujets, par exemple les démêlés desforains avec les compagnies régulières.

Ici comme dans toute une infralittérature de pamphlets et de chansons quifleurit à la même époque, reviennent les coquettes, les médecins, les financiers, les maris complaisants, les juges,les courtisans ; c'est une sorte de folklore satirique, dont le signe distinctif, comme celui de la littérature moralistedont il est issu, est de ne pas démêler le social du psychologique et du moral.

Sous ce rapport, on ne change pas declimat, chez Lesage, en passant de son théâtre à ses romans. Le roman. Le Diable boiteux. Le Diable boiteux emprunte à son modèle espagnol sa donnée première : le diable Asmodée transporte la nuit sur latour San Salvador le jeune Don Cléophas et lui fait voir les maisons de Madrid sans leur toit.Il complète cette révélation à l'aide d'un commentaire qui fournit le gros de ce petit livre.

Le fond moral et satiriqueest celui qu'on connaît déjà, devant moins à Guevara qu'à La Bruyère et à ses épigones.

Le mérite est surtout dansla justesse de la phrase et dans le rythme de la narration, qui fait succéder les instantanés aux récits étoffés, dontcertains sont de petites nouvelles.

L'humour naît surtout de la personnalité du diable récitant, à qui le narrateurinitial cède presque constamment la parole.

C'est le diable du plaisir amoureux et des fêtes, et beaucoup des actionsqu'il dévoile sont de son ressort : on reconnaît donc ici encore le thème moraliste par excellence l'anathème sur. »

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