L'EXPÉRIENCE DE L'ABSURDE EN LITTÉRATURE
Publié le 30/03/2012
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Toute son oeuvre est parcourue d'une sensibilité marquée par le soleil, la terre, la mer d'Algérie : une fête des sens qui est une expérience «matérialiste« du bonheur, traduite avec acuité et lyrisme, mais hantée par la conscience de sa précarité, voire de sa vanité, pour qui ne croit pas à Dieu et affirme l'absolu de la mort. Cette fascination pour une terre immobile et éblouie n'est pas sans ancrage dans l'attitude métaphysicienne qu'adopte Camus quand il s'interroge sur le réel : Le Mythe de Sisyphe propose dans un face à face intemporel «le Monde« et «la Raison«, d'où naît l'absurdité du premier: l'appétit de rationalité totale fait apparaître la contingence de la réalité. A quoi s'ajoute l'horizon définitif de la mort qui inclut la condition humaine dans une absurdité encore plus fondamentale, hors de tout finalisme religieux. Meursault, l'anti-héros de L'Étranger, incarne avec suffisamment de chair pour qu'on ne songe jamais à une simple illustration de l'essai le sentiment de cette « étrangeté « du monde qui, s'il ne doit pas conduire au suicide, conduit, le soleil aidant, au meurtre : de l'annonce de la mort de sa mère à son procès pour le crime d ·un Algérien sur une plage, une forme d'indifférence l'habite en permanence. Camus, certes, refuse de se placer sur les positions philosophiques du matérialisme dialectique qui rejette cette immobilité des deux termes (« le « Monde, « la « Raison) ....
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poétique (Noces, 1938), de la nouvelle (L'Exil et le Royaume, 195 7), du récit (L'Étranger, 1942 ; La Peste, 194 7 ; La
Chute, 1956) que du théâtre, passion de toute une vie (Caligula, 1944 ; Les Justes, 1949).
C'est que cette œuvre elle-même incarne des attitudes à l'égard du réel, échos d'un itinéraire personnel, s'exprimant dans des essais intellectuels,
plus que proprement philosophiques (Le Mythe de Sisyphe, 1942, et L'Homme révolté, 1951), et dont la constance est attestée par les Carnets.
En ce sens, Camus représente un type d'homme offrant le rare privilège de pratiquer une pensée
(sinon une théorie) et de théoriser une pratique, une manière
de vivre.
Aucun risque de schématisme, donc, à affirmer que la clef de son efficace historique se trouve dans le champ de l'idéologie, à condition d'en donner une définition non seulement intellectuelle, qui fait référence aux idées, mais plus largement anthropologique : l'idéologie, ici, élabore un type de sensibilité et de comportement réglé par des va leurs, bref, une forme historique d'individualité dont la « production-reproduction » contribue au maintien des rapports sociaux en place.
C'est à ce niveau que l'on peut comprendre un succès tellement surdéterminé par les contradictions de l'époque qu'il lui valut une postérité inattendue, celle des « nouveaux philosophes » dans les années 70.
Globalement, la démarche de Camus est structurée par une double attention au monde, qu'indique bien le titre de son premier essai : L'Envers et l'Endroit ( 1937).
L'attention à l'endroit - la nature dans sa beauté sensible - nourrit ses
œuvres littéraires, sans en exclure les préoccupations politiques ou sociales.
L'attention à l'envers - cette même nature envisagée métaphysiquement et, surtout, le champ humain de l'histoire et de la politique avec ses drames, ses
injustices, sa « déraison » apparente - alimente plus particu lièrement ses textes théoriques et son théâtre.
Son enfance
rend compte de cette dualité : né à Alger en 1913, dans un milieu populaire, il restera, jusqu'à sa mort accidentelle en 1960, marqué par l'expérience simultanée de la lumière et de la pauvreté.
Étudiant en philosophie, il mènera, très tôt, de front l'activité littéraire et l'action politique, fréquentant les milieux de la gauche intellectuelle, animant une expérience de théâtre engagé, adhérant un temps au Parti communiste.
Sa santé précaire ne lui permettant pas d'enseigner, c'est le journalisme qui lui offrit de quoi vivre.
Il quitte Alger en 1939, et vient à Paris travailler à Paris-Soir.
Il s'installe définitivement en France après la guerre, alors que le retentissement de.
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