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« Lisez pour vivre. » Comment comprenez-vous ce mot de Flaubert ? Qu'en pensez-vous ? Faites référence à des œuvres précises dans vos appréciations.

Publié le 08/03/2011

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flaubert

     Le conseil de Flaubert « lisez pour vivre « donne matière à une double réflexion :

   1) Il pose en effet le problème de la nature des rapports du lecteur (« personnage « du monde réel) au (ou aux) héros (personnage de la fiction).    2) Il appelle également une réflexion sur la finalité de l'art : l'art (en particulier ici, la littérature) doit-il joindre l'utile à l'agréable, ou doit-il n'avoir d'autre finalité que lui-même, et s'affirmer dans la plus pure gratuité ? (Théorie de l'art pour l'art, revendiquée entre autres par T. Gautier, Baudelaire, Mallarmé à laquelle s'opposent Voltaire, Sartre...)

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« effet, Flaubert semble vouloir replonger son lecteur dans le monde réel, et non à le lui faire oublier : la lecture prendalors l'aspect d'un appel du lecteur à la découverte de la vie des autres, qui lui permettra d'aller à la découverte desa vie propre et, au-delà encore, à la révélation de son propre moi. La vie, en effet, ne se concrétise-t-elle pas dans une perpétuelle recherche de soi ? On peut donc supposer que le genre d'œuvres que Flaubert nous propose de lire doit pouvoir nous offrir des instantsde vie réelle, voire des instants du quotidien, des situations, des personnages, en un mot, un monde auquel lelecteur puisse assimiler le sien, et dans lequel, avec un peu d'imagination, il puisse entrer sans difficulté.

A ceschéma répond parfaitement le roman réaliste, et en particulier le roman de Flaubert, qui désirait rester absent deson œuvre : « L'artiste doit s'arranger de façon à faire croire à la postérité qu'il n'a pas vécu.

» L'œuvre, ainsilibérée de la personnalité de son auteur, peut donner l'apparence d'un morceau de vie, découpé dans le réel, que lelecteur est libre de tenir pour tel. Vivre, c'est d'abord s'éveiller au monde extérieur, se poser des questions sous lesquelles perce une certaineinquiétude.

Les romans du xixe siècle posent relativement souvent, bien qu'à l'arrière-plan, les grands problèmespolitiques, économiques, sociaux de l'époque (cf.

Germinal de Zola; conditions de vie et déboires d'un écrivain, LesIllusions perdues de Balzac ; les remous politiques de 1848, L'Éducation sentimentale de Flaubert, mais on pourraitmultiplier les exemples). En pénétrant dans d'autres décors, qu'il s'agisse des mines du Nord, d'un salon aristocratique, des rues de Paris oude paysages champêtres, et parfois le tout à la suite à quelques pages de distances d'un même livre, le lecteur estamené à rencontrer d'autres mentalités, à partager d'autres drames aussi, au sein desquels se débattent d'autresvies, d'autres êtres, qui pourraient être lui.

Vivre, c'est aussi vivre avec les autres, et entretenir avec eux unrapport d'échange et de communication : la lecture joue donc un rôle double d'éveil au monde extérieur etd'échange avec d'autres personnages, même fictifs.

Une phrase de Mauriac souligne bien cet aspect : « C'est lepropre d'une grande œuvre, que ses personnages nous escortent [...] comme si chacun avait quelque chose à nousdire qui fût pour nous seuls.

» Mais, curieusement, si le roman détient cette merveilleuse particularité d'offrir à l'imagination du lecteur une sommeconsidérable de possibles, s'il permet de lui ouvrir les portes de mondes dans lesquels il ne pourra jamais pénétrer, sien une seule heure de lecture, il peut lui faire éprouver tous les bonheurs et les malheurs possibles avec uneintensité que le temps réel ne pourrait lui révéler, si, enfin, une seule heure de lecture renferme plus d'événementsqu'une vie tout entière ne pourrait en contenir, paradoxalement, c'est bien une découverte de soi, une saisie de sonmoi, que le lecteur espère de ses lectures et des expériences vécues par des personnages fictifs.

A ce props, HenriMiller écrit : « A quoi servent les livres, s'ils ne nous ramènent pas vers la vie ? ...

Notre seul espoir en prenant unlivre est de rencontrer un homme selon notre cœur...

» Ainsi, en s'identifiant au personnage fictif, le lecteur essaie de reconstituer sa propre histoire pour donner unecohérence à sa propre vie et à son propre moi.

Il reçoit d'autrui une expérience, un enseignement, voire unephilosophie de la vie, une morale, et sort de l'expérience livresque, comme d'une remise en cause de lui-même,grandi d'une richesse nouvelle, on pourrait dire différent.

Paradoxalement, en vivant les expériences des autres(personnages fictifs) le lecteur procède à une extériorisation de lui-même ; on dévoile à ce sujet le rôle cathartiqueou du moins le rôle de révélateur, de catalyseur, joués par la littérature, qui exprime parfois, mieux que nouspourrions la définir nous-même, la part d'ombre qui nous échappe dans la compréhension de notre propre existence,consciente ou inconsciente. Mais faut-il, par ailleurs, accorder tant d'importance à la lecture, dans l'acquisition d'une meilleure connaissance desoi et des autres ? L'identification à un personnage de fiction, ne risque-t-elle pas de nous faire connaître d'amersdéboires ? Vivre par procuration n'est pas vivre.

Chaque individu est unique, ne serait-ce biologiquement que parson bagage génétique.

Dans la vie réelle, il se trouve soumis par le hasard aux circonstances les plus variées, quiappellent chaque fois, sur le moment même, des réactions différentes, spontanées, dont la clé ne pourrait sechercher au détour de quelque page.

D'ailleurs, le destin d'un héros (employer le terme de destin instaure déjà unécart entre le personnage du roman et le personnage réel) se trouve sur-déterminé par le sens global du livre.

Lepersonnage ne peut être compris, physiquement et psychologiquement, que comme une pure création dont leromancier fait marcher les rouages, selon les besoins et le sens de son œuvre.

On en conclut donc que le rapport «personnage fictif - personnage réel » repose sur un quiproquo, voire sur un mensonge, dont le lecteur risque, s'iltombe dans ce que Proust appelle « l'idolâtrie esthétique », de subir la décevante expérience.

Dans ses Carnets duvieil écrivain, Jean Guéhenno résume ainsi notre point de vue : « La culture n'est qu'un immense détour que nousfaisons pour apprendre ce qu'est la vie, augmenter la conscience.

Mais combien ne sortent jamais de ce détour, s'yperdent, ne reviennent jamais à la vie ? J'ai peut-être ainsi mal vécu.

»D'autre part, à ne regarder dans la littérature qu'un fond purement utilitaire, chargé de nous proposer un exemple devie, on en oublierait que la littérature connaît d'autres buts, notamment celui de l'évasion et du rêve ; commentcomprendre autrement cette remarque d'Aragon : « Tous les livres se lisent comme on s'endort...

C'est le sommeilnommé lecture...

» On en oublierait aussi le langage, l'élément fondamental, qui constitue l'essence même de toute littérature, et quiintercale un écran, ou plutôt un philtre, entre la réalité et la fiction.

Ainsi, à la recherche de son moi «psychologique », le lecteur ne peut espérer aucun appui (en dehors de considérations morales et sociales) puisque. »

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