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Littérature et médecine : Formes de la narration médicale (XVIIIe – début XIXe)

Publié le 23/08/2012

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Parmi ces quatre textes, nous pouvons établir plusieurs correspondances et différences. D’un côté, nous avons les textes de Petit et Caillau qui tendent par le biais de conseils à humaniser l’image du médecin et à en atténuer l’aspect scientifique. Le fait que Petit et Caillau fassent eux-mêmes partie du cercle médical justifie cette tentative de mise en valeur de leur profession. De l’autre côté, Alhoy et Lesage n’hésitent pas à attaquer les sciences médicales et à donner des médecins une image d’hommes ignorants et ridicules, qui considèrent leurs patients comme de simples clients à qui ils infligent les pires tortures, à savoir la saignée et l’absorption d’énormes quantités d’eau. Alhoy et Lesage recourent en fait à la littérature satirique et aux procédés d’ironie et d’humour noir comme instruments pour révéler au lecteur de l’époque la vraie nature de ceux qui se prétendent médecins. Ces deux textes présentent une image de mauvais médecin pour mettre ainsi en avant les qualités d’un bon médecin.    D’un point de vue plus thématique maintenant, Caillau s’inspire d’un aspect de la deuxième épître de Petit pour écrire son Traité sur l’Espérance. Tous deux évoquent en effet l’importance de susciter l’espoir chez le patient. Il y a cependant une différence entre l’usage que veulent faire ces deux auteurs de cette ressource.

« Avec l'Histoire de Gil Blas de Santillane, Lesage acquiert toute sa notoriété.

Ce roman de douze livres est publié en trois parties : livres I-VI en 1715, livres VII-IXen 1724 et livres X-XII en 1735.

Il raconte les aventures de Gil Blas, jeune homme de dix-sept ans qui part pour un voyage censé le mener à l'Université deSalamanque et qui se retrouve mêlé malgré lui à plusieurs situations bizarres et comiques.

Le second livre- celui qui nous intéresse- est principalement consacré àl'apprentissage de Gil Blas du métier de médecin et au récit des crimes perpétrés par Gil Blas et le docteur Sangrado.

Lesage s'inspire directement de la traditionmoliéresque (Le Médecin malgré lui ; Le Malade imaginaire) pour dénoncer les faux médecins. III.

Lecture personnelle des textes par rapport à la problématique a) Sous plusieurs aspects, l'Essai sur la médecine du cœur de Petit est un texte intéressant par rapport à notre problématique.

En effet, en recommandant à Forlisd'exploiter ses qualités de coeur dans sa profession, Petit cherche à donner des médecins une image plus humaine, car pour lui, bien que la médecine soit une pratiquescientifique, elle implique des rapports inter-humains.

Il explique donc comment une attitude et des vertus sensibles peuvent être mises en pratique dans l'exercicemédical.

Ces conseils, s'ils sont appliqués, attireront sur le médecin la confiance et la reconnaissance des patients.

Dans son essai, Petit essaie de mettre en gardeForlis contre les difficultés du métier de médecin à l'aide de tableaux dissuasifs et effrayants, mais il évoque également à plusieurs reprises les différents rôles que doitsavoir jouer un médecin vis-à-vis du patient, notamment celui d'un ami ou de celui qui saura lui redonner espoir.

Il encourage aussi vivement les médecins à s'investircomplètement dans leur mission de guérir les patients.

Ainsi, non seulement ils s'attireront la gratitude des malades et cela consolidera la relation qui les lie, mais ilséprouveront la satisfaction d'avoir pu sauver des vies une réelle satisfaction à l'idée d'avoir sauvé des vies.

Le médecin se doit donc d'être rassurant et bienfaisant. Précédemment, nous avons vu que l'essai de Petit avait une fonction pédagogique pour les jeunes médecins (et plus précisément pour Forlis) et qu'il pouvait servir àredorer le blason de la profession médicale.

Au-delà de l'image générale du médecin que ce texte a pour fonction de rehausser, il sert également de publicitépersonnelle à l'auteur.

En effet, dans sa préface, ce dernier se pose lui-même comme un homme sensible, expérimenté en matière de sensibilité et donc apte à donnerdes conseils.

Grâce à son essai, Petit retire un bénéfice : il donne une image positive de lui-même. b) De par son aspect singulier, l'image du médecin développée par Caillau est celle qui a retenu le plus mon attention.

Dans ce traité, le médecin apparaît comme unhomme qui, lorsqu'il est arrivé au bout des ressources scientifiques, ne doit pas hésiter à recourir aux mensonges.

Ceux-ci, s'ils peuvent opérer une réaction positivesur le malade, perdent leur connotation péjorative.

Les illusions ont ici une fonction utilitaire.

Dans ce texte, la parole du médecin a une portée fortementthérapeutique et son effet est immédiat sur le patient.

La théorie de Caillau repose sur un fait : le patient n'a aucune envie d'entendre dire que son cas est sans issue.Cela ne ferait que précipiter sa chute.

Voyons la préface : « au physique comme au moral, il est une franchise cruelle dont les hommes ne veulent point, et la vérité,dont la connaissance doit leur être funeste, n'est pas celle qu'ils désirent ».

Le médecin doit donc dire au malade qu'il sera bientôt guéri, ainsi le patient s'en persuaderaet cela favorisera son rétablissement (effet placebo).

Nous pouvons établir un rapport entre le rôle du médecin qui doit bercer son patient d'illusions (Caillau recourtmême aux termes « Dieu de la fable » p.12) à l'aide des charmes de l'espérance, et la poésie qui tend, dans la tradition classique, à procurer de l'enchantement.

Lethème de l'espérance ayant un lien direct avec l'intimité et le domaine des affects, il apparaît clairement que la poésie lyrique se prêtait davantage à traiter ce sujet. c) L'aspect qui a retenu mon attention dans ce poème est l'évolution que subit la représentation du médecin au fur et à mesure de la progression du texte.

Au début dupoème, la figure du scientifique nous est présentée de façon positive par le malade naïf et désespéré ; en effet, le patient place une confiance aveugle dans lesmédecins, ceux-ci étant vus comme des dieux omnipotents.

Cette image se révélera ensuite fausse, puisque Purgon et Sangrado sont tout, sauf de bons médecins.Ensuite, les images négatives que nous avons du médecin suivent une courbe ascendante.

Avant d'apparaître au lecteur à la fin du poème comme un animal affaméde sang- comme c'est le cas de Sangrado qui atteint le sommet de la sauvagerie avec sa méthode de la saignée- la figure du médecin passe par différents stades telsque la mégalomanie, le charlatanisme et l'impiété.

C'est sous cet axe-là que ce poème entretient un rapport étroit avec la problématique initiale. d) Dans son roman, Lesage recourt à plusieurs motifs pour construire l'image des mauvais médecins que sont Sangrado et son apprenti Gil Blas.

Nous allons voir queces motifs peuvent être d'ordres différents.

Commençons par Sangrado : il intervient pour la première fois lorsque le chanoine chez qui Gil Blas travaille tombemalade.

C'est le malade lui-même qui demande à être soigné par ce médecin, considéré par tous comme un Hippocrate.

La première mention relative à Sangrado estdonc élogieuse, mais la chute n'en est que plus brutale.

Hormis quelques détails, le lecteur ignore pratiquement tout de Sangrado : il existe donc uniquement à traversson rôle.

Mais comme c'est déjà le cas chez Alhoy, c'est surtout par l'intermédiaire de la méthode utilisée par Sangrado pour soigner ses patients que l'auteur critiqueles faux médecins : celle-ci repose sur de fréquentes saignées et sur l'absorption de grandes quantités d'eau.

Au 18ème siècle, la question de la saignée était sujette àcontroverse.

Les médecins de l'époque ignoraient s'ils devaient recourir à cette opération.

Sangrado, quant à lui, n'hésite pas un seul instant : il est convaincu que lasaignée représente le remède à tous les maux, c'est pourquoi il y recourt automatiquement sans se demander si cela est adapté ou non au cas du patient.

Ici, la saignéenous montre un Sangrado ignorant, méchant et agent de mort.

Le faux-médecin saigne sans scrupules et ne remet jamais en question sa théorie, même lorsque tousses patients meurent à cause de lui.

Il a une idée fixe : lui seul détient le secret de la guérison, tandis que les autres médecins qui n'appliquent pas les mêmes procédésque lui passent pour des charlatans.

En ce qui concerne le rapport qui lie le médecin à son patient, nous n'en trouvons aucune trace- contrairement aux textes de Petitet Caillau dans lequels il occupait une place fondamentale.

Le patient est déconsidéré et n'est envisagé que parce qu'il peut être source de revenus : en définitive, c'estdavantage un client qu'un patient.

Lesage nous présente donc une autre facette de Sangrado : un homme avide d'argent qui en vient même à espérer qu'il y aitbeaucoup de malades à « soigner ».

Sangrado est comparable à un vampire : il saigne pour subsister. Intéressons-nous maintenant à Gil Blas, l'apprenti médecin.

Sangrado lui ayant tout appris, nous pouvons dire qu'il le représente en « miniature ».

Mais bien qu'ilmette en application les méthodes de Sangrado, au fur et à mesure que les morts se suivent, on décèle chez lui une certaine lucidité quant à leur bien-fondé.

C'estgrâce aux procédés d'ironie et d'humour noir que nous comprenons que Gil n'est pas complètement dupe de sa responsabilité et de celle de son maître dans les crimescommis.

A plusieurs reprises, il fait preuve d'humour alors que la situation, plutôt macabre, ne prête que peu à cette attitude.

A travers ces procédés et le personnagede Gil Blas, Lesage nous incite à engager une réflexion sur les médecins qui ignorent tout de la science prétendument exercée et qui se résument à leur robe et à leurignorance. IV.

Liens Parmi ces quatre textes, nous pouvons établir plusieurs correspondances et différences.

D'un côté, nous avons les textes de Petit et Caillau qui tendent par le biais deconseils à humaniser l'image du médecin et à en atténuer l'aspect scientifique.

Le fait que Petit et Caillau fassent eux-mêmes partie du cercle médical justifie cettetentative de mise en valeur de leur profession.

De l'autre côté, Alhoy et Lesage n'hésitent pas à attaquer les sciences médicales et à donner des médecins une imaged'hommes ignorants et ridicules, qui considèrent leurs patients comme de simples clients à qui ils infligent les pires tortures, à savoir la saignée et l'absorptiond'énormes quantités d'eau.

Alhoy et Lesage recourent en fait à la littérature satirique et aux procédés d'ironie et d'humour noir comme instruments pour révéler aulecteur de l'époque la vraie nature de ceux qui se prétendent médecins.

Ces deux textes présentent une image de mauvais médecin pour mettre ainsi en avant lesqualités d'un bon médecin. D'un point de vue plus thématique maintenant, Caillau s'inspire d'un aspect de la deuxième épître de Petit pour écrire son Traité sur l'Espérance.

Tous deux évoquenten effet l'importance de susciter l'espoir chez le patient.

Il y a cependant une différence entre l'usage que veulent faire ces deux auteurs de cette ressource.

Ladeuxième épître de Petit aborde le thème de la confiance considérée dans l'exercice de la médecine.

Dans la théorie de Petit, l'espérance sert de moyen au médecin. »

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