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Madame de Staël écrit en 1800 dans De la Littérature (Première Partie, chap.11) : «Ce que l'homme a fait de plus grand, il le doit au sentiment douloureux de l'incomplet de sa destinée. Les esprits médiocres sont, en général, assez satisfaits de la vie commune ; ils arrondissent, pour ainsi dire, leur existence, et suppléent à ce qui peut leur manquer encore par les illusions de la vanité ; mais le sublime de l'esprit, des sentiments et des actions doit son essor au besoin d'échapper a

Publié le 08/02/2011

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esprit

2 La mélancolie active. L'attitude qu'elle propose (rechercher la gloire par l'éloquence et les actions héroïques tout en ayant conscience des limites de l'action humaine et de ce que celle-ci comporte toujours de nostalgie d'éternité) sera, à la suite de Byron, celle de bien des romantiques (beaucoup plus qu'un mal du siècle passif qui n'a été qu'occasionnel) ; un Lamartine, un Hugo seront le vivant développement de cet idéal, comme avant eux le contemporain de Mme de Staël, Chateaubriand, homme dont la mélancolie n'a jamais été qu'une ferveur retombée entre deux élans. A noter du reste que, dans le texte de Mme de Staël, la mélancolie n'apparaît pas en tant qu'état d'âme permanent, mais plutôt encadre l'exaltation, la précédant et la suivant, selon un schéma à peu près de cet ordre : mélancolie pour faire ressentir ce qui manque à la destinée humaine, puis exaltation pour y atteindre, et de nouveau retombée mélancolique parce que ce qu'on a atteint est décevant et en tout cas passager. Cette alternance sera typiquement romantique. Elle a dominé la vie de Châteaubriant. Et ne la retrouve-t-on pas chez un Baudelaire (l'Élévation et le Spleen), chez un Flaubert, chez un Barrés, un Gide, un Montherlant ?

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esprit

« action ne soit pas la médiocre réussite financière et sociale, et l'accent est très antibourgeois chez cette fille debanquier (Necker) : elle souffre certainement d'appartenir à cette classe qui va médiocrement dominer le XIXe siècleet, bien qu'elle ait été suspecte aux révolutionnaires et ne doive pas tarder à l'être à l'empereur, elle regarde avecnostalgie du côté des héros de la Révolution et des guerres de Bonaparte, toujours bondissant vers un inaccessibleidéal. 3 La naissance de la mélancolie moderne.

Cependant il est impossible de nier que notre texte est «mélancolique»(l'adjectif est prononcé) et qu'il suggère fondamentalement un dégoût du réel.

Des causes sociales éclatent, facièsà déceler, mais indispensables à rappeler : vivant dans une société qui, après avoir paru stable pendant des siècles,est en pleine mutation, située aux confins de la noblesse et de la bourgeoisie, sans qu'on sache trop quel avenirexact est réservé à ces deux classes, Mme de Staël, Chateaubriand, comme Senancour, comme bien d'autresécrivains de sa génération, est en pleine incertitude, a l'impression d'un glissement universel et qualifie aisément de«passager» le spectacle du monde.

Certes on n'avait pas attendu la Révolution et l'Empire pour découvrir lamélancolie et Mme de Staël trouvait chez son maître Rousseau, voire chez Diderot (XVIIIe Siècle, p.

171 et 176),chez Gœthe (songer à Werther, 1774), chez les poètes anglais, toutes les exaltations passionnelles possibles pourbriser tous les cadres rationnels de la civilisation, pour s'unir lyriquement aux grandes angoisses cosmiques,érotiques, mystiques dans un décor de nuages, de mer, de vent et d'infini et pour se livrer à la contradictionfondamentale d'un individualisme exacerbé et d'un sentiment diffus du Tout mystérieux du monde.

Mais elle a lemérite de tirer nettement de cette mélancolie une théorie critique (le beau moderne sera mélancolique) et surtoutd'en faire, par une sorte de retournement philosophique, le point de départ pour un nouvel art de vivre où l'hommesera sans cesse au bord de l'Infini, actif et ardent certes, mais conscient de tout ce qu'il y a de relatif et deprovisoire dans l'humain et réclamant, comme le fera Baudelaire, le saut hors du monde, anywhere ont of the world(Petits Poèmes en prose, XLVIII). II L'inauguration d'un état d'âme moderne Ce texte en effet n'est pas un simple bilan, mais est véritablement une charnière entre le passé et l'avenir, entrel'ancien et le nouveau. 1 La nouvelle esthétique.

Cette idée que la grande beauté, notamment en poésie, n'est pas dans le monde, maisdans une sorte d'arrachement à la condition humaine, à ses limites spatio-temporelles, constitue une innovation deportée illimitée.

Certes nous avons vu (cf.

Réflexions préliminaires) que Mme de Staël ne l'a pas vraiment inventée etqu'en la développant elle traduit peut-être obscurément des inquiétudes sociales et politiques (cf.

I).

Mais en lamettant en évidence elle ouvre la voie à toute une lignée poétique qui va de Chateaubriand aux surréalistes etsuivant laquelle l'artiste est le contraire du sage qui cherche à jouer pleinement son rôle d'homme et rien qued'homme : lorsque, par exemple, les surréalistes proclameront qu'il faut prendre ses désirs pour des réalités, qu'ilfaut chercher le point sublime d'où s'effacent les antinomies de la condition humaine, ils ne feront que développer(sans le savoir ou sans le dire) les principes posés par Mme de Staël. 2 La mélancolie active.

L'attitude qu'elle propose (rechercher la gloire par l'éloquence et les actions héroïques touten ayant conscience des limites de l'action humaine et de ce que celle-ci comporte toujours de nostalgie d'éternité)sera, à la suite de Byron, celle de bien des romantiques (beaucoup plus qu'un mal du siècle passif qui n'a étéqu'occasionnel) ; un Lamartine, un Hugo seront le vivant développement de cet idéal, comme avant eux lecontemporain de Mme de Staël, Chateaubriand, homme dont la mélancolie n'a jamais été qu'une ferveur retombéeentre deux élans.

A noter du reste que, dans le texte de Mme de Staël, la mélancolie n'apparaît pas en tant qu'étatd'âme permanent, mais plutôt encadre l'exaltation, la précédant et la suivant, selon un schéma à peu près de cetordre : mélancolie pour faire ressentir ce qui manque à la destinée humaine, puis exaltation pour y atteindre, et denouveau retombée mélancolique parce que ce qu'on a atteint est décevant et en tout cas passager.

Cettealternance sera typiquement romantique.

Elle a dominé la vie de Châteaubriant.

Et ne la retrouve-t-on pas chez unBaudelaire (l'Élévation et le Spleen), chez un Flaubert, chez un Barrés, un Gide, un Montherlant ? 3 L'individualisme et le panthéisme.

Enfin notre texte est délibérément tourné vers l'avenir par son hésitation sourdemais évidente entre un individualisme forcené et un lyrisme panthéiste et cosmique : en effet jusqu'au XVIIIe siècle,le moi et le monde ont des rapports à peu près clairs et harmonieux, sinon heureux, parce que toutes les médiationssont assurées : Église, cadres sociaux, etc.

A l'époque de Mme de Staël, ces médiations s'effritent et le moi setrouve seul et sans relais en face du monde.

Il s'exalte tout naturellement alors et cherche à se dilater directementaux mesures, ressenties du reste comme insuffisantes, de ce vaste monde.

L'art va dès lors avoir comme tâched'exprimer l'affrontement de ce moi hypertrophié et d'un Tout dont le moi veut désespérément se distinguer tout ensouhaitant profondément s'y fondre.

Voilà pourquoi Mme de Staël exalte à la fois les âmes héroïques etexceptionnelles (qu'elle oppose aux médiocres) et un besoin de sortir de soi, de son imagination pour atteindre à cetAbsolu dont le romantisme sera une vaste quête (tout autant que de ce fameux moi auquel on prétend trop leréduire). On voit donc que Mme de Staël a défini non seulement, avant la lettre, tout un état d'esprit romantique, mais uncertain nombre de malaises modernes, d'antinomies qui ne sont pas encore vraiment résolus (par exemple uneimportante partie de la jeunesse contemporaine souhaite à la fois l'expansion libre de l'individu et sa fusion avec degrandes aspirations planétaires collectives). III Le retour au monde. »

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