L'OEUVRE DE LA FONTAINE
Publié le 31/05/2012
Extrait du document

Ne voulait-il pas aller au séminaire pour avoir lu la Bible? N'était-ce pas une ode de Malherbe qui avait fait jaillir la source profonde de poésie jusque-la cachée sous l'épaisse jovialité du bourgeois de province ? Et ne le voit-on pas raffoler de Baruch toute une semaine ? Dans cette vivacité et cette mobilité d'impressions, une vie s'en va à vau-l'eau : mais l'étoffe est riche pour la poésie. Avec cela, il n'a rien d'un fou, d'un inconscient, d'un irresponsable. Ses légendaires distractions ne l'empêchaient pas de voir clair dans la vie : le caractère était mou et ployable en tous sens, mais l'intelligence était aiguisée et pénétrante. Il était observateur, et toute réalité entrait profondément en lui. Il voyait si clair, le bonhomme, qu'il a été le premier à noter, dès 1660, que le temps de la fantaisie était passé, que le temps de la vérité était venu dans la littérature. Il avait aussi un sens exquis de l'art :

«
humeur et de son génie, il plonge en quelque sorte dans le sol natal, et l'on saisit en lui le goût du terroir champenois.
Il faut se garder des illusions enthousiastes, comme des exagé rations dénigrantes, quand on parle de l'homme et de la façon
dont il vécut.
On a poétisé la vie de ce bourgeois de province,
sensuel ct flànenr, qui n'eut ni volonté, ni sens moral, ni énergie
pour aucun devoir, qui ne sut faire ni sa charge de maître des eaux et forêts, ni sa fonction de chef de famille.
En pleine force du corps ct de l'esprit,·illàcha tout, charge, femme et fils, pour venir à Paris, et vivre à la solde d'amateurs généreux.
Il fut fon
cièrement égoïste; il ne sut résister jamais ni à son désir ni a son plaisir, et s'abandonna à toutes les impulsions de sa nature.
D'où vient cependant que ce caractère assez laid en somme
s'est prêté aux idéalisations de la critique? C'est que La Fontaine
a un égoïsme d'une qualité particulière, cet égoïsme des enfants,
qui n'est que l'instinct naturel, que l'éducation n'a pas entamé ni
complété, et dans lequel la civilisation n'a point mêlé ses com
plications corruptrices.
Il ne contient ni ambition, ni avarice, ni
intérêt : il est tout spontané et de premier mouvement.
Le calcul et la réflexion en sont absents; et dans ce total abandon a la nature, si la nature a des instincts de tendresse, de sympathie,
d'amitié, l'homme sera tendre, affectueux, et capable de préférer
ses sympathies a ses intérêts.
C'est Je cas de La Fontaine; il a le
cœur primesautier, et le sentiment peut tout sur ce grand enfant
ingénu.
Aucun devoir ne Je retient, quand il n'aime pas : aucun
intérêt, quand il aime.
Parce que cela lui fait plaisir, il aime ses amis; il leur est dévoué, tendrement, délicatement, à Fouquet, à Mme de la Sablière, à M.
d'Hervart.
Si incapable de réflexion et de bon conseil pour lui
même, il est attentif, clairvoyant, prudent sur les affaires de ses
amis.
Aussi se fait-il aimer, comme il aime.
Ce n'est pas la seule
fois où l'on voie l'égoïsme radical faire un caractère charmant :
ces libres déploiements de la nature primitive, antérieure à toute
morale, ont d'infinies séductions.
Le fond de la poésie de La Fontaine, c'est cette spontanéité, cette
richesse des émotions, qui, dans la vie réelle, en font le plus
incorrigible des fantaisistes; c'est la simplicité, l'absolue et immo-
la connaissance de son génie 1 l'Eplhv! â fluet et le Discours à Mme de la Sablière.
Éditions : Les Fables : 1re ct 2c partie:;;, 1668, in-4; 1668, 2 vol.
in-12.
réimp.
avec une 3e ct 11110 ,Je partie, 1678 el1679.
4 vo1.
in-12; Le XII,., livre.
Paris, 1692, in-12.
Œuvres complètes (Coll.
des Grands Écriv.
de la France), llachelte, 11 Yol.
in-8, 1883-
1893.
-A consulter : Wulckenaer, Rist.
de la vie et des ouvrages de La F., Paris, 1820, in-8.
Marty-Laveaux, b'ssai sur la langue de La F., 1853, Paris.
Taine, La Fontaine et ses fables..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- AMOURS DE PSYCHÉ ET DE CUPIDON (Les) Jean de La Fontaine. Roman, 1669 (exposé de l’oeuvre)
- L'OEUVRE DE LA FONTAINE
- LA FONTAINE Jean de : sa vie et son oeuvre
- FONTAINE Charles : sa vie et son oeuvre
- L'OEUVRE ET LA PHOTOGRAPHIE DE LA FONTAINE