L'oeuvre de Montaigne

« 98 HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE voyage dans un Journal de voyage, qui fut publié pour la première fois en 1774.

Maire de Bordeaux pendant quatre ans, il retourne ensuite dans son château, con­ tinuant et corrigeant ses Essais qui furent publiés en trois fois; les deux premiers livres en 1580; en 1588, nouvelle édition dans laquelle ces deux livres sont farcis de développements nouveaux et sont complétés par un troisième; enfin, en 1595, paraît, posthume, une nouvelle édition de ces trois livres, avec de nouvelles adjonctions.

Les Essais sont d'abord un portrait de l'auteur par lui-même; portrait d'un homme, non d'un philosophe; portrait de cc bonne foi », où le peintre ne flatte pas le modèle, mais s'efforce de le saisir en ses singularités.

Or il se trouve qu'en cherchant en lui son originalité, Montaigne a trouvé non seulement un individu, mais l'homme.

La justesse de son coup d'œil, décelant derrière l'apparence la réalité psychologique, lui a permis de dessiner, sans le vouloir peut-être, une image de l'homme vrai, comme aucun texte littéraire n'en offrait encore -comme bien peu en ont offert depuis.

Mais cet homme, Montaigne le trouve aussi ailleurs qu'en lui : il va fouillant les récits de voyage, les bio­ graphies antiques, les œuvres morales fertiles en anec­ dotes, non pour y chercher un type universel, mais pour y trouver mille traits curieux, révélateurs de la diversité morale de l'homme selon les climats et les époques.

Par ce double aspect : éclairage varié du moi, dissociation de la personnalité : cc Moi à cette heure et moi tantôt sommes bien deux n, impudeur toute scientifique de l'observation intime, d'une part, et, d'autre part, enquête aussi étendue que possible sur la diversité des hommes à la surface de la terre et dans le temps, Mon­ taigne est le créateur, plutôt que de la psychologie classique, de la psychologie la plus moderne.

Cette psychologie est la base d'une morale.

Morale type de l'humaniste nourri de l'expérience des Anciens, à l'affût de toutes les découvertes que son temps lui apporte, et par là imprégné de ce sens du relatif qui remet l'homme à sa place dans l'espace et dans le temps.

Morale de l'homme, fondée sur l'exercice de la raison et visant à un équilibre tout terrestre, qui enseigne à cc faire bien l'homme » en pleine connaissance des lois de la nature.

Sans doute, Montaigne, parfois, donne des. »