L'oeuvre de Paulhan
Publié le 21/04/2012
Extrait du document
POÉSIE
LES HAIN-TENYS MERINAS, poésies populaires malgaches (1913)
ROMANS
LE GUERRIER APPLIQUÉ (1915)
LE PONT TRAVERSÉ (1920)
LA GUÉRISON SÉVÈRE (1927)
NOUVELLES
AYTRÉ QUI PERD L'HABITUDE (1943)
L'AVEUGLETTE (1953)
ESSAIS
JACOB COW OU LE PIRATE, OU SI LES MOTS SONT DES SIGNES (1921)
EXPÉRIENCE DU PROVERBE (1925)
SUR UN DÉFAUT DE LA PENSÉE CRITIQUE (1928)
ENTRETIENS SUR DES FAITS DIVERS (1930)
LES FLEURS DE TARBES, OU LA TERREUR DANS LES LETTRES (1941)
FAUTRIER L'ENRAGÉ (1944)
CLEF DE LA POÉSIE QUI PERMET DE DISTINGUER LE VRAI DU FAUX EN TOUTE OBSERVATION OU DOCTRINE TOUCHANT LA RIME, LE RYTHME, LE VERS, LE POÈTE, LA POÉSIE (1944)
F.F. OU LE CRITIQUE (1945), sur Félix Fénéon
BRAQUE LE PATRON (1946)
LA MÉTROMANIE, OU LES DESSOUS DE LA CAPITALE (1946)
SEPT CAUSES CÉLÈBRES (1946), sous le pseudonyme de Maast
SEPT NOUVELLES CAUSES CÉLÈBRES (1947), sous le pseudonyme de Maast
GUIDE D’UN PETIT VOYAGE EN SUISSE (1947)
DE LA PAILLE ET DU GRAIN (1948)
LE BERGER D’ÉCOSSE, LA PIERRE PHILOSOPHALE, LES PASSAGERS (1948)
LETTRE AU MÉDECIN (1949)
PETIT LIVRE - A DÉCHIRER (1949)
TROIS CAUSES CÉLÈBRES (1950)
PETITE PRÉFACE A TOUTE CRITIQUE (1951)
LES GARDIENS (1951)
LE MARQUIS DE SADE ET SA COMPLICE, OU LES REVANCHES DE LA PUDEUR (1951)
LA PREUVE PAR L’ÉTYMOLOGIE (1953)
LES PAROLES TRANSPARENTES (1955)
LE CLAIR ET L'OBSCUR (1958)
DE MAUVAIS SUJETS (1958)
LETTRE AUX MEMBRES DU COMITÉ NATIONAL DES ÉCRIVAINS (du 6 juillet 1947) (1947)
DERNIÈRE LETTRE (du 22 septembre 1947) AUX MEMBRES DU COMITÉ NATIONAL DES ÉCRIVAINS SUR LA LÉGITIMITÉ DE LEUR LISTE NOIRE (1947)
LETTRE AUX DIRECTEURS DE LA RÉSISTANCE (1952)
L’AFFAIRE SADE, TÉMOIGNAGE AU PROCÈS INTENTÉ PAR LE MINISTÈRE PUBLIC AUX ÉDITIONS J.-J. PAUVERT (1957)
ANTHOLOGIES
LA PATRIE SE FAIT TOUS LES JOURS, TEXTES FRANÇAIS (1939- 1945) (1947), avec Dominique Aury
POÈTES D’AUJOURD’HUI (1947), avec Dominique Aury
«
Ce qui le trouble le plus peut-être, c'est la diversité qu'il voit en l'homme; paradoxalement,
c'est ce que certains lui reprochent, d'être plus que quiconque divers.
Alors qu'il fait un effort,
je dirai presque dramatique, pour être compris, on le prétend obscur; et tandis qu'il va au fond
des problèmes
qu'il traite, on l'accuse de demeurer à la surface.
Quoi d'étonnant si les questions
de
langage le passionnent?
Pourquoi les hommes ont-ils tant de difficulté à se comprendre? C'est là ce qui l'obsède,
toute son œuvre en témoigne.
Il revient sans cesse là-dessus.
Il pense que cette clef du langage il la
trouvera, il
la forgera à force de patience, d'application, de ténacité.
Depuis son
premier livre jusqu'à son dernier, sur Saint-John Perse, cette recherche de la
pierre philosophale de la sémantique est au cœur de l'œuvre paulhanienne.
Si les hommes, pense-t-il,
commençaient à s'entendre sur les mots, à leur donner un sens commun, à comprendre exactement
de quoi ils parlent, leurs divisions s'atténueraient, tendraient à disparaître.
Jean Paulhan raisonne d'une manière socratique, procédant par élimination, épuisant les
hypothèses
pour conduire le lecteur au terme de la réflexion qui lui était proposée.
On l'accuse
de brouiller sans cesse le
jeu, ce qu'il fait en effet en refusant les règles imposées par la routine, que
nous suivons par paresse ou par ce qu'il est convenu d'appeler conformisme; on sait que celui-ci
peut prendre les aspects les plus inattendus.
La voix de Paulhan a un son discordant; elle gêne ceux qui sont assis autour de la table et
serrent dans leurs mains les vieilles cartes, sans s'être jamais demandé si elles ne sont pas biseautées.
Ce qu'on nomme en lui le goût du paradoxe consiste presque toujours dans le rappel de vérités
évidentes et subtiles à
la fois, si parfaitement oubliées ou méconnues que leur énoncé prend
une allure de provocation.
Et c'en est une, à n'en pas douter.
Comment continuer à jouer
avec une bonne conscience si quelqu'un est derrière vous qui dénonce à tout coup la sottise
des conventions admises
par chacun? On lève la tête, gêné, un court instant, mais la passion,
l'humeur reprenant leurs droits, l'unanimité se fait vite contre l'interrupteur.
Où irions-nous,
grand Dieu, si nous devions sans cesse remettre en cause le bien-fondé de notre pensée!
Jean Paulhan a publié pendant des années, dans la Nouvelle Revue Française, le « Carnet du
Spectateur».
Spectateur d'une étrange sorte.
Il lui suffit d'écrire une« Lettre à un jeune partisan»
pour que les valeurs politiques les plus communément admises se vident de leur substance, qu'elles
paraissent dérisoires.
Il n'est personne d'autre qui puisse ainsi, en quelques pages, mettre en évi
dence
une confusion aussi parfaitement établie, universellement acceptée; plus grave encore :
dans laquelle chacun semble se complaire.
Quel homme de bonne foi ne se sentirait troublé en
lisant cette « lettre »? Tout à coup, au-dessus des clans à la fois rivaux et complices, une voix
s'élève
et montre le peu de sérieux de la dispute, de quel désordre du langage et des idées elle naît.
Nietzsche distingue plusieurs sortes de courages;
je ne suis pas loin de croire que Paulhan
les a tous : celui devant les hommes et celui « devant le papier ».
Rien ne l'arrête, aucune pudeur,
aucune concession, aucun tabou de quelque espèce qu'il soit.
A sa façon, qui paraît faussement
insinuante et douce, et qui est en réalité obstinée, il s'avance vers la vérité, et quand il la tient rien
ne peut l'empêcher de la dire.
C'est là, me semble-t-il, sa plus grande jouissance.
C'est pourquoi
aussi son œuvre est un objet de scandale.
Elle exige de la patience, de l'attention, je dirai même
une sorte de complicité; c'est à ce prix qu'elle livre son secret et sa vertu à nulle autre comparable.
57.
»
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