L'oeuvre de Whitman
Publié le 22/04/2012
Extrait du document
POÉSIE
FEUILLES D'HERBE (1855‑1891)
INSCRIPTIONS
LES ENFANTS D'ADAM
CALAMUS
CHANT DE LA ROUTE OUVERTE
OISEAUX DE PASSAGE
CE QU'APPORTE LE FLOT
SUR LE BORD DE LA ROUTE
ROULEMENTS DE TAMBOUR
COMMÉMORATION DU PRÉSIDENT LINCOLN
RUISSEAUX D'AUTOMNE
CE QUE CHUCHOTE LA MORT DIVINE
DE MIDI A LA NUIT ÉTOILÉE
CHANTS D'ADIEU
HEURES DE MES SOIXANTE‑DIX ANS
ADIEU MA FANTAISIE‑ COUP D'ŒIL EN ARRIÈRE SUR LA ROUTE
COMME UN OISEAU PUISSANT SUR SES LIBRES AILES,
ET AUTRES POÈMES (1872)
DEUX RUISSEAUX (1876)
POÈMES ET PROSES INÉDITS (1921)
PROSE
FRANKLIN EVANS OU L'ALCOOLIQUE (1842)
PERSPECTIVES DÉMOCRATIQUES (1871)
ÉCHANTILLONS DE JOURS ET RECUEILS (1882‑1883)
RAMEAUX DE NOVEMBRE (1888)
VOYAGE AU CANADA (1904)
ESSAI CRITIQUE (1913)
CORRESPONDANCE AVEC ANNE GILCHRIST (19I8)
LA MOISSON DES FORCES (1920)
L'ATELIER DE WALT WHITMAN 1 (1928)
JE M'ASSOIS ET REGARDE (1932)
TEXTES SUR LA GUERRE CIVILE (1933)
«
et nuit sous l'empire d'une sainte extase, supérieure à tous les plaisirs que peuvent donner la richesse,
les amusements, et même une intelligence comblée par l'érudition ou la jouissance artistique.
»
Cette
vue, si totalement étrangère au monde dit moderne, est absolument polynésienne.
Et c'est
à ce monde-là
qu'appartient Whitman, bien au-delà des plus lointaines frontières du monde occi
dental, ni à l'ouest, ni à l'est, mais dans un royaume intermédiaire, un archipel flottant, où seraient
accessibles
la paix, le bonheur et le bien-être ici et maintenant.
Je maintiens résolument que la perspective de Whitman n'est pas américaine, non plus que
chinoise, hindoue ou européenne.
C'est uniquement celle d'un individu émancipé, exprimée
dans l'idiome
américain le plus commun, compréhensible aux gens de toutes langues.
Bien qu'abso
lument américain, son langage a une saveur qu'on n'a jamais retrouvée depuis et ne retrouvera
sans
doute plus.
Universel dans la mesure même de son unicité, il est, en ce sens, tout nourri de
tradition.
Mais Whitman, ai-je dit, ne respectait pas la tradition; s'il a forgé un langage nouveau,
c'est à cause
de l'originalité de sa vision et parce qu'il se sentait un être nouveau.
Entre le premier
Whitman et le Whitman « réveillé », il n'y a aucune sorte de ressemblance.
En scrutant ses écrits
anciens, personne
n'y peut découvrir les germes du génie futur.
Whitman s'est refait lui-même
des pieds à
la tête.
Je m'aperçois que, en parlant de ses œuvres, j'ai employé à plusieurs reprises le terme
« message ».
Et, certes, le message y est implicite autant qu'explicite.
C'est le message qui les
éclaire : ôtez le message, la poésie s'effondre.
On peut dire de lui, comme de Tolstoï, qu'il a fait
de son art une sorte de propagande.
Mais à moins d'être utile à la vie, d'être mis au service de la
vie, l'art n'est-il pas dépourvu de tout sens? Whitman n'est ni moraliste, ni fanatique.
Son projet
est
d'élargir le champ visuel de l'homme, de le conduire au cœur d'un nulle part où il puisse trou
ver sa propre voie.
Il ne prêche pas, il exhorte.
Il ne se contente pas de dire sa pensée, ilia chante,
il la clame triomphalement.
S'il regarde en arrière, c'est pour montrer que passé et avenir se
confondent.
Il ne voit aucun mal où que ce soit : il voit toujours à travers ou au-delà.
On l'a appelé un panthéiste.
Certains ont vu en lui un grand démocrate.
D'autres ont affirmé
qu'il avait une conscience cosmique.
En fin de compte, tout essai de poser sur lui une étiquette ou
de l'enfermer dans une catégorie ne peut qu'échouer.
Pourquoi ne pas admettre qu'il est un
phénomène pur? Pourquoi ne pas convenir qu'il est sans pareil? Je n'essaie pas de le diviniser,
lui
si profondément humain.
Si j'insiste sur l'unicité de sa nature, n'est-ce pas pour montrer le
fil qui dénouera les revendications mystérieuses de la démocratie?
Place à l'homme est le titre d'un poème de son fidèle ami et biographe Horace Traubel.
Quel obstacle l'homme a-t-il donc rencontré sur son chemin? L'homme seul.
Whitman démolit
toutes les inconsistantes barrières derrière lesquelles la
créature humaine a cherché refuge.
Il
place toute sa confiance dans l'homme lui-même.
Ce n'est pas un démocrate, c'est un anarchiste.
II
avait la foi innée dans l'amour.
Il ignorait le sens des mots haine, peur, envie, jalousie, rivalité.
Né à Long Island, établi à Brooklyn au commencement de sa carrière, il fit, tour à tour, les métiers
de charpentier, d'entrepreneur, plus tard de reporter, de typographe, d'éditeur; il soigna les
blessés
pendant la sanglante guerre civile.
Pour finir, il s'installa à Camden, endroit très peu
brillant.
Il a fait des voyages à travers une grande partie de l'Amérique, et ses poèmes conservent
ses impressions, ses espoirs, ses rêves.
Rêve grandiose,
en vérité.
Dans ses écrits en prose, il donne à ses compatriotes maints aver
tissements, qu'ils ont naturellement négligés.
Que dirait-il s'il voyait l'Amérique d'aujourd'hui?
Je suppose que ses imprécations seraient encore plus passionnées.
II écrirait, je pense, un encore
plus
grand Feuilles d'herbes.
Il découvrirait des virtualités plus vastes infiniment que celles qu'il
put alors apercevoir.
Il verrait « le berceau se balancer sans fin ».
Depuis son départ, nous ont été
donnés
les« grands poèmes de la mort» dont il a parlé, et nous avons vécu ces poèmes.
Le poème
de la vie est encore à vivre.
En attendant, le berceau se balance sans fin..
»
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