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Marguerite GURGAND, Nous n 'irons plus au bois

Publié le 25/02/2011

Extrait du document

 Marguerite GURGAND L'auteur assiste à de grands travaux nécessités par le remembrement (regroupement rationnel des parcelles cultivables).

Les femmes n'avaient pas menti : c'était l'apocalypse1. Deux bulldozers gigantesques avançaient comme des monstres préhistoriques, lentement, sans se soucier de rien, ouvraient au maximum leurs mâchoires d'acier et broyaient tout dans leur gueule formidable, les arbres, les taillis, les bornes, tout, tout, tout. (...) Les serpents, les lézards, les mulets, affolés, éperdus, fuyaient sur le goudron de la route. Deux ou trois gamins excités cassaient à coups de bâton les reins des couleuvres. Les oiseaux, chassés des nids, volaient bas dans le ciel; corbeaux et passereaux, pour une fois réconciliés, tournaient en criant la mort au-dessus de nos têtes. Et les monstres avançaient toujours, indifférents, inarrêtables — avaient-ils même besoin d'un conducteur? Je regardais la terre ouverte et j'avais le cœur dévasté. Ce gâchis était inexpiable2... Dans ma tête, des bulles d'enfance crevaient l'une après l'autre. Il n'y aura plus d'aubépine, ni de cerises aigres... Plus de menu bois pour allumer les flambées, ni de fagots d'épines pour tourner les crêpes... Plus de palisses profonds pour garder les troupeaux, pour abriter les amours secrètes ou protéger les marcheurs des vents (...) Mais nous aurons de l'argent. Encore plus d'argent, grâce aux moissons mirobolantes de nos super-plaines, de l'argent pour acheter d'autres bulldozers, d'autres tracteurs, des autos, des congélateurs, des télévisions, des machines à laver, des machines à traire, des machines à mieux vivre, à dessécher les cœurs, des machines par quoi, pour quoi nous finirons bien par mourir, j'imagine. Marguerite GURGAND, Nous n 'irons plus au bois (Éd. Mazarine). 1. Apocalypse : synonyme ici de destruction totale. 2. Gâchis inexpiable : une faute irréparable. sujets au choix 1) Présentez, en les ordonnant, les impressions que ce texte produit sur vous. 2) Imaginez, à partir d'un des thèmes fournis par le texte, un développement de votre choix.

3) Un ingénieur, favorable à cette opération de remembrement, assiste à la même scène. Imaginez ses réactions et ses réflexions.

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