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MARIVAUX (1688-1763) - Le Paysan parvenu – Incipit

Publié le 11/11/2013

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marivaux

Ce roman prend la forme de pseudo-mémoires : le narrateur, qui a réussi une ascension sociale remarquable dans la société du XVIIIe siècle, se rappelle comment, jeune Champenois de dix-neuf ans, il est allé chercher fortune à Paris.

« Le titre que je donne à mes mémoires annonce ma naissance «

Le titre que je donne à mes Mémoires annonce ma naissance; je ne l'ai jamais dissimulée à qui me l'a demandée, et il semble qu'en tout temps Dieu ait récompensé ma franchise là-dessus; car je n'ai pas remarqué qu'en aucune occasion on en ait eu moins d'égard et moins d'estime pour moi.

J'ai pourtant vu nombre de sots qui n'avaient et ne connaissaient point d'autre mérite dans le monde, que celui d'être né noble, ou dans un rang distingué. Je les entendais mépriser beaucoup de gens qui valaient mieux qu'eux, et cela seulement parce qu'ils n'étaient pas gentilshommes; mais c'est que ces gens qu'ils méprisaient, respectables d'ailleurs par mille bonnes qualités, avaient la faiblesse de rougir eux-mêmes de leur naissance, de la cacher, et de tâcher de s'en donner une qui embrouillât la véritable, et qui les mît à couvert du dédain du monde.

Or, cet artifice-là ne réussit presque jamais; on a beau déguiser la vérité là-dessus, elle se venge tôt ou tard des mensonges dont on a voulu la couvrir; et l'on est toujours trahi par une infinité d'événements qu'on ne saurait ni parer, ni prévoir; jamais je ne vis, en pareille matière, de vanité qui fît une bonne fin.

C'est une erreur, au reste, que de penser qu'une obscure naissance vous avilisse, quand c'est vous-même qui l'avouez, et que c'est de vous qu'on la sait. La malignité des hommes vous laisse là; vous la frustrez de ses droits; elle ne voudrait que vous humilier, et vous faites sa charge, vous vous humiliez vous-même, elle ne sait plus que dire.

 

Les hommes ont des mœurs, malgré qu'ils en aient; ils trouvent qu'il est beau d'affronter leurs mépris injustes; cela les rend à la raison. Ils sentent dans ce courage-là une noblesse qui les fait taire; c'est une fierté sensée qui confond un orgueil impertinent.

marivaux

« « Le titre que je donne à mes mémoires annonce ma naissance » Commentaire composé Présentation du texte La réflexion sur l'inégalité sociale, reflet d'une organisation qu e l'on commence sérieusement à contester, parcourt le XVIIIe siècle sous des formes aussi diverses que le roman, la lettre, le conte ou le théâtre. Dans Le Paysan parvenu, Marivaux met en scène un personnage qui, sous la forme d'une autobiographie fictive, raconte son ascension sociale et le passage difficile d'une classe à une autre.

Le titre du roman est à cet égard très significatif puisqu'il résume à lui seul un itinéraire de réussite à partir de la condition la plus basse de la société.

Dans une sorte d'avant -propos, le narrateur (le paysan Jacob) explique le titre donné à son récit et le justifie par un souci constant de sincérité : même « arrivé », il a décidé de ne jamais dissimuler la médiocrité de ses origines.

Cette prise de position courageuse es t particulièrement intéressante : outre qu'elle pose clairement l'existence reconnue de conditions différentes et hiérarchisées, elle propose une véritable leçon d'authenticité et de morale sociale, fruit d'une expérience acquise tout au long d'une vie et d'une observation précise des comportements.

Le ton est nouveau et contestataire : s'il annonce Voltaire, Diderot et Beaumarchais, on peut remarquer qu'il s'inscrit dans une ligne déjà illustrée par Molière dans Dom Juan.

N'y était -il pas dit, en effet, qu 'il ne saurait y avoir de noblesse sans mérite ? Pour Jacob, comme pour beaucoup d'hommes du XVIIIe siècle, une certitude nouvelle se fait jour : le mérite n'est pas l'apanage des grands.

L'INÉGALITÉ SOCIALE La première affirmation du texte, assez pérempt oire, pose l'existence d'un problème relatif à la « naissance ».

Ce mot, dont la polysémie est socialement très révélatrice, met l'accent d'emblée sur un thème qui domine le texte, celui de l'inégalité de naissance, donc de condition.

Le fait qu'il soit qu estion de « dissimuler » ou d'avouer sa naissance souligne des différences que l'on peut retrouver tout au long du texte à travers un lexique de la hiérarchie. Le problème de la naissance Le mot revient comme un leitmotiv dans le texte (« ma naissance » ; « leur naissance » ; « une obscure naissance »), relayé par des termes proches (« être nés nobles »).

L'intégration du mot à un contexte lexical significatif met l'accent sur les diverses significations du terme et surtout sur des connotations valorisante s ou dépréciatives : l'association « naissance »/titre (le paysan parvenu) marque une origine médiocre.. »

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