MASQUE ET THEATRE chez MARIVAUX

Si le théâtre est un reflet du réel, on peut alors se poser la question de savoir si nous sommes en fait capables d’atteindre la vérité de nous-mêmes. Il n’est plus question de dire que le faux est le vrai, mais d’affirmer que nous ne connaissons plus les limites entre le faux et le vrai. L’opposition entre fiction et réalité, entre vrai et faux, disparaît faute de distance entre les deux. Seule la réflexion, l’introspection quotidienne peut rétablir cette distance, mais en sommes-nous capables?

■ Si le masque apparaît comme une tradition en cette première moitié du XVM‘siècle, il n’en est pas moins vrai qu’il fait la grande originalité de l’œuvre de Marivaux. L ’omniprésence du thème, l’emploi systématique du déguisement renvoient à la richesse de l'exploitation de cette figure. Marivaux semble en avoir saisi toute la polyvalence : le masque signifie aussi bien le jeu que le sérieux d’une réflexion sur la nature humaine; il nous permet de jouir de deux grandes facultés : l’imagination et la raison. Le masque en soi est déjà philosophique, même si l’on a refusé cet adjectif à Marivaux. Et si cet auteur était inclassable parce qu’il n’a toujours procédé que masqué?

II n’est pas une pièce qui ne mette en scène un personnage qui se cache soit par la parole soit par un déguisement. Le masque apparaît comme la matrice du théâtre marivaudien. À des stades différents, toutes les pièces de Marivaux organisent des comédies dans la comédie. Ce théâtre dans le théâtre reflète la structure du monde qui lui-même n’est qu’une comédie. Le masque, c’est-à-dire le mensonge, sert paradoxalement la vérité des êtres et des sentiments. Enfin, le stratagème permet à Marivaux de réfléchir sur les rapports entre « la vérité feinte et la réalité vraie «, et de s'interroger sur le travail même du comédien.