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Maupassant: Fort comme la mort: IIe partie, chapitre VI

Publié le 17/01/2022

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maupassant

Olivier pensait: « Quelle bonne blague ! Voilà Faust, le mystérieux et sublime Faust, qui chante l'horrible dégoût et le néant de tout; et cette foule se demande avec inquiétude si la voix de Montrosé n'a pas changé. « — Alors, il écouta, comme les autres, et derrière les paroles banales du livret, à travers la musique qui éveille au fond des âmes des perceptions profondes, il eut une sorte de révélation de la façon dont Goethe rêva le coeur de Faust.

Il avait lu autrefois le poème qu'il estimait très beau, sans en avoir été fort ému, et voilà que, soudain, il en pressentit l'insondable profondeur, car il lui semblait que, ce soir-là, il devenait lui-même un Faust.

Un peu penchée sur le devant de la loge, Annette écoutait de toutes ses oreilles; et des murmures de satisfaction commençaient à passer dans le public, car la voix de Montrosé était mieux posée et plus nourrie qu'autrefois !

Bertin avait fermé les yeux. Depuis un mois, tout ce qu'il voyait, tout ce qu'il éprouvait, tout ce qu'il rencontrait en sa vie, il en faisait immédiatement une sorte d'accessoire de sa passion. Il jetait le monde et lui-même en pâture à cette idée fixe. Tout ce qu'il apercevait de beau, de rare, tout ce qu'il imaginait de charmant, il l'offrait aussitôt, mentalement, à sa petite amie, et il n'avait plus une idée qu'il ne rapportât à son amour.

Maintenant, il écoutait au fond de lui-même l'écho des lamentations de Faust ; et le désir de la mort surgissait en lui, le désir d'en finir aussi avec ses chagrins, avec toute la misère de sa tendresse sans issue. Il regardait le fin profil d'Annette et il voyait le marquis de Farandal, assis derrière elle, qui la contemplait aussi. Il se sentait vieux, fini, perdu! Ah! ne plus rien attendre, ne plus rien espérer, n'avoir plus même le droit de désirer, se sentir déclassé, à la retraite de la vie, comme un fonctionnaire hors d'âge dont la carrière est terminée, quelle intolérable torture!

Des applaudissements éclatèrent, Montrosé triomphait déjà. Et Méphisto-Labarrière jaillit du sol. Olivier, qui ne l'avait jamais entendu dans ce rôle, eut une reprise d'attention. Le souvenir d'Obin, si dramatique avec sa voix de basse, puis de Faure, si séduisant avec sa voix de baryton, vint le distraire quelques instants.

Mais soudain, une phrase chantée par Montrosé, avec une irrésistible puissance, l'émut jusqu'au coeur. Faust disait à Satan:

 

Je veux un trésor qui les contient tous, Je veux la jeunesse.

Et le ténor apparut en pourpoint de soie, l'épée au côté, une toque à plumes sur la tête, élégant, jeune et beau de sa beauté maniérée de chanteur.

 

 

Ayant emmené Annette à l'Opéra, Olivier Bertin redécouvre Faust et s'identifie au personnage, vieil homme qui fait appel au diable pour retrouver sa jeunesse.

 

 

maupassant

« sans en avoir été ému», « et voilà que», « car»).

Dans les paragraphes suivants, à partir de « Bertin avait fermé les yeux», la pensée du personnage prend un tour obsessionnel: les tournures anaphoriques (« tout ce» répété cinq fois en un seul paragraphe ; «ne plus» répété trois fois), le rythme binaire de certaines phrases soulignent le caractère inexorable du malheur (« il écoutait au fond de lui même l'écho des lamentations de Faust »/ «et le désir de la mort surgissait en lui»; « il regardait le fin profild'Annette. »

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