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MAUVAIS SANG DE RIMBAUD (commentaire)

Publié le 12/04/2012

Extrait du document

rimbaud

Mauvais sang

     J'ai de mes ancêtres gaulois l'œil bleu blanc, la cervelle étroite, et la maladresse dans la lutte. Je trouve mon habillement aussi barbare que le leur. Mais je ne beurre pas ma chevelure.      Les Gaulois étaient les écorcheurs de bêtes, les brûleurs d'herbes les plus ineptes de leur temps.      D'eux, j'ai : l'idolâtrie et l'amour du sacrilège ; —oh ! tous les vices, colère, luxure, — magnifique, la luxure ; — surtout mensonge et paresse.      J'ai horreur de tous les métiers. Maîtres et ouvriers, tous paysans, ignobles. La main à plume vaut la main à charrue. — Quel siècle à mains ! —Je n'aurai jamais ma main. Après, la domesticité mène trop loin. L'honnêteté de la mendicité me navre. Les criminels dégoûtent comme des châtrés : moi, je suis intact, et ça m'est égal.      Mais ! qui a fait ma langue perfide tellement qu'elle ait guidé et sauvegardé jusqu'ici ma paresse ? Sans me servir pour vivre même de mon corps, et plus oisif que le crapaud, j'ai vécu partout. Pas une famille d'Europe que je ne connaisse. — J'entends des familles comme la mienne, qui tiennent tout de la déclaration des Droits de l'Homme. — J'ai connu chaque fils de famille !

- «Vous vous trompez«, «Oui, j'ai les yeux fermés«,

«Mais je puis être sauvé« amènent un renversement de

l'accusation:« votre lumière«,« Vous êtes de faux nègres«.

Le «vous« revient avec, en apposition, des adjectifs péjoratifs

«maniaques, féroces, avares«, qui précisent l'accusation

puis la prise à parti, catégorie par catégorie, des

composantes majeures de la société civilisée.

rimbaud

« Mauvais sang 1 1 79 à gauche, à droite, toutes les richesses flambant comme un milliard de tonnerres.

Mais l'orgie et la camaraderie des femmes m'étaient interdites.

Pas même un compagnon.

Je me voyais devant une foule exaspérée, en face du peloton d'exécution, pleurant du malheur qu'ils n'aient pu comprendre, et pardonnant! - Comme Jeanne d'Arc! - «Prêtres, professeurs, maîtres, vous vous trompez en me livrant à la justice.

Je n'ai jamais été de ce peuple-ci; je n'ai jamais été chrétien; je suis de la race qui chantait dans le supplice; je ne com­ prends pas les lois; je n'ai pas le sens moral, je suis une brute: vous vous trompez ...

>> Oui, j'ai les yeux fermés à votre lumière.

Je suis une bête, un nègre.

Mais je puis être sauvé.

Vous êtes de faux nègres, vous mamaques, féroces, avares.

Mar­ chand, tu es nègre; magistrat, tu es nègre; général, tu es nègre; empereur, vieille démangeaison, tu es nègre : tu as bu d'une liqueur non taxée, de la fabrique de Satan.

-Ce peuple est inspiré par la fièvre et le cancer.

Infirmes et vieillards sont telle­ ment respectables qu'ils demandent à être bouillis.

- Le plus malin est de quitter ce continent, où la folie rode pour pourvoir d'otages ces misérables.

J'entre au vrai royaume des enfants de Cham.

Connais-je encore la nature? me connais-je?- Plus de mots.

J'ensevelis les morts dans mon ventre.

Cris, tambour, danse, danse, danse, danse! Je ne vois même pas l'heure où, les blancs débarquant, je tom­ berai au néant.

Faim, soif, cris, danse, danse, danse, danse !. »

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