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Commentaire d'une Saison en Enfer d'Arthur Rimbaud

Publié le 29/08/2012

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rimbaud

Toutefois, ce balancement entre l'univers païen et l'univers chrétien n'est pas réalisé de façon explicite mais au sein d'un parcours hallucinatoire propre à déconcerter le lecteur. Ce trajet s'élabore à travers un discours diglossique exploitant le dédoublement, la déconstruction narrative et ce jusqu'à la crise d'un nynegocentrisme multiple. Dès lors, le poète s'adonne à des dédoublements variés : le prosaïsme se confronte au lyrisme, les syllepses décuplent les possibilités de sens, de même que les jeux d'antithèses, de sorte que l'interprétation est rendue difficile. En premier lieu, le lyrisme le dispute au prosaïsme de façon circulaire et imprévisible. Les prosaïsmes de langue sont tous marqués par une ponctuation expressive : « assez ! « « Ah ça ! «, « Bah !« et désamorcent systématiquement un élan lyrique. Ainsi, l'accumulation « c'était des millions de créatures charmantes, un suave concert spirituel, la force et la paix, les nobles ambitions ! « est désamorcée par « que sais-je ? « ; ou encore, la phrase « les délices de la damnation seront plus profondes « est désamorcée par « un crime, vite «. Les exemples peuvent se multiplier. En outre, la même analyse peut être faite sémantiquement. En effet, une « lanterne « ou « un oreiller « se nichent au sein du poème au même titre que les « ronces purpurine «s ou les « eaux irrités «. En somme, et au-delà de la recherche esthétique comme nous le verrons par la suite, l'identité poétique souffre de la même manière que l'identité du poète. En deuxième lieu, les syllepses jouent un rôle primordial dans le dédoublement du discours, et elles se déploient en grand nombre. Aussi, l'épithète antéposée « fameuse « se décline en deux sens : d'une part elle signifie « grande «, augmentant la quantité de la « gorgée  de poison «, d'autre part, elle est un rappel de l'apologue au lecteur dans la mesure où son étymologie fama veut dire ‘la réputation', de sorte que le poison est déjà connu du lecteur. En outre, « l'éternelle peine « induit deux compréhensions différentes : soit il s'agit de la souffrance, soit il s'agit de la punition. Le poète exprime alors soit sa douleur, soit sa colère envers une religion qui le condamne. Il en est de même pour « l'exécution du catéchisme « qui peut être entendue comme la mise à mort du catéchisme ou comme l'action du catéchisme, c'est-à-dire des lois religieuses. Enfin, « je m'en vais aux vers « semble jouer de la polysémie du mot « vers «.

rimbaud

« d'antithèses, de sorte que l'interprétation est rendue difficile.En premier lieu, le lyrisme le dispute au prosaïsme de façon circulaire et imprévisible.

Les prosaïsmes de langue sont tous marqués par une ponctuation expressive :« assez ! » « Ah ça ! », « Bah !» et désamorcent systématiquement un élan lyrique.

Ainsi, l'accumulation « c'était des millions de créatures charmantes, un suaveconcert spirituel, la force et la paix, les nobles ambitions ! » est désamorcée par « que sais-je ? » ; ou encore, la phrase « les délices de la damnation seront plusprofondes » est désamorcée par « un crime, vite ».

Les exemples peuvent se multiplier.

En outre, la même analyse peut être faite sémantiquement.

En effet, une« lanterne » ou « un oreiller » se nichent au sein du poème au même titre que les « ronces purpurine »s ou les « eaux irrités ».

En somme, et au-delà de la rechercheesthétique comme nous le verrons par la suite, l'identité poétique souffre de la même manière que l'identité du poète.En deuxième lieu, les syllepses jouent un rôle primordial dans le dédoublement du discours, et elles se déploient en grand nombre.

Aussi, l'épithète antéposée« fameuse » se décline en deux sens : d'une part elle signifie « grande », augmentant la quantité de la « gorgée de poison », d'autre part, elle est un rappel del'apologue au lecteur dans la mesure où son étymologie fama veut dire ‘la réputation', de sorte que le poison est déjà connu du lecteur.

En outre, « l'éternelle peine »induit deux compréhensions différentes : soit il s'agit de la souffrance, soit il s'agit de la punition.

Le poète exprime alors soit sa douleur, soit sa colère envers unereligion qui le condamne.

Il en est de même pour « l'exécution du catéchisme » qui peut être entendue comme la mise à mort du catéchisme ou comme l'action ducatéchisme, c'est-à-dire des lois religieuses.

Enfin, « je m'en vais aux vers » semble jouer de la polysémie du mot « vers ».

Le poète aiguille le lecteur versl'interprétation léthifère en précisant « c'est le tombeau », mais il se pourrait que le poète utilise une écriture cathartique pour rompre avec la « lassitude » del'existence.En troisième lieu, le poète s'en remet aux figures d'antithèses pour parfaire le discours diglossique.

La première strophe se dédouble entre enfer et paradis.

En disant« trois fois béni soit le conseil qui m'est arrivé », Rimbaud met en place une forme de prière.

De plus, le chiffre « trois » est biblique, il désigne la trinité.

Il ajoute àcela deux tripartitions rhétoriques : « tord, me rend difforme, étouffe » et « meurs, étouffe, puis crier », pour rester dans un système de trois éléments.L'herméneutique chrétienne est donc établie.

Toutefois ces tripartitions sont combinées à des paroles relatives à l'enfer et ce qui s'y passe : le poète est supplicié.

Desurcroît, des figures antinomiques sont mises en exergue : « mystères religieux ou naturels, mort, naissance, avenir, passé, cosmogonie, néant ».

Elles démontrent quele poète dit tout et son contraire, que son discours est dédoublé et diglossique.

Enfin, l'expression « nid de flammes » est contradictoire et représentative de saperception de la vie sur terre.

En effet, « nid » semble référer à un cocon confortable.

Or, le complément du nom « de flammes » télescope ce premier sens dans lamesure où les flammes rendent ce cocon invivable.

Cette antithèse est alors une sorte d'allégorie de la vie sur terre qui se résume par « l'extase » et le « cauchemar »,deux expériences contraires et combinées.

En somme, les dédoublements et les herméneutiques forment cependant un tout.Néanmoins, le dédoublement du poème n'est pas le seul facteur de l'égarement du lecteur.

De fait, ces contradictions sont creusées par une déconstruction narrativemêlant un monologue halluciné à une syntaxe approximative, mettant à l'épreuve la cohérence du poème.La déconstruction narrative est due d'emblée à un monologue halluciné.

L'hallucination est introduite par « le poison », autrement dit, la drogue.

Son effet est puissantpuisque les « hallucinations sont innombrables ».

S'en suit un monologue entrecoupé d'interventions intimes qui le tiraillent et de questions rhétoriques telles que« puis-je décrire la vision ? », « faisons toutes les grimaces imaginables », « suis-je las ! » ou encore « jamais personne ne pense à autrui ».

De cette façon, le poètesemble vouloir faire parler l'ineffable et faire ressentir l'impalpable au lecteur.

De même, l'hallucination lui fait affirmer deux choses contraires au sein d'une mêmephrase : « il n'y a personne ici et il y a quelqu'un » et « je suis caché et je ne le suis pas ».

De même, « je ne voudrais pas répandre mon trésor » semble s'opposer à « jevais dévoiler tous les mystères ».

Son monologue s'ancre alors dans l'hallucination, faisant douter du fait qu'un sens raisonné ait voulu être donné au poème.Par là même, la syntaxe se fait approximative voire non construite.

On note un problème syntaxique dans la phrase « que de malices dans l'attention dans lacampagne ».

En effet, elle est composée de deux compléments circonstanciels de lieu.

On eût lu plus volontiers « que de malices dans l'attention, dans la campagne »,c'est-à-dire une juxtaposition des compléments.

Ainsi on peut comprendre qu'il y a de la malice dans l'attention de Satan, qui devient alors mauvais, et qu'il y a de lamalice dans la campagne, puisqu'il court avec les graines sauvages.

En outre, la syntaxe semble parfois correcte alors qu'elle est erronée.

Lorsqu'il dit « je m'entairai », le pronom « en » ne se réfère à rien et l'expression n'existe pas.Aussi, la cohérence du poème est mise à l'épreuve et témoigne d'une pensée en train de se dérouler.

Le poème est lacunaire et n'est pas construit narrativement, lesimages, les idées et les pensées se succèdent en désordre.

Souvent, le lecteur est en proie à une suite d'images qui ne peuvent s'expliquer que si l'on considère cepoème comme témoignant d'une pensée en train de se dérouler.

Par exemple « « faisons toutes les grimaces imaginables » est une pensée qui le l'assaillesoudainement, de même que « suis-je las ! ».L'hallucination se poursuit jusqu'à la crise du « je », qui devient polymorphe.

En effet, le « je » allie la schizophrénie au fantasme de toute-puissance.Tout d'abord, le « je » poétique change d'identité et d'état d'esprit.

S'il désire l'enfer, il paraît partagé entre le regret d'une harmonie perdue et la complaisance dans unmonde de chaos.

En outre, ses identités changeantes, même si certaines sont reconnaissables, sont parfois inconnues.

La plus perceptible est celle de la figurechristique à la strophe 11.

Il semble ensuite départagé lorsqu'il dit « il n'y a personne ici et il y a quelqu'un » ainsi que « je suis caché et je ne le suis pas ».

Le je n'aalors plus d'identité fixe, il est divisé.

Il se pourrait que ce soit le sujet lyrique mais sa position est cristallisée et échappe toujours à l'analyse.

Finalement, le poèterécupère son identité et revient au je rimbaldien.

Et ce notamment à la strophe 12 qui débute par « et pensons à moi ».

Il s'agit d'un retour à l'identité première dupoète.

Par là même, « ma vie ne fut que folies douces, c'est regrettable » est un retour autobiographique, le je est donc une fois encore rimbaldien.

Il y a donc unedifférence entre le je lyrique et le je autobiographique.Outre ses différentes personnalités, le je se fantasme tout-puissant, fait montre d'égocentrisme et s'érige en homme-dieu.

La drogue faisant effet, Rimbaud s'approprieune identité divine.

Il croît tout maîtriser « je vais dévoiler tous les mystères », « je suis maître en fantasmagories » voire, il s'érige en Dieu dans la mesure où ildétient des secrets que seul ce dernier possède.

Il peut répondre à des questions métaphysiques dont seul Dieu connaît les réponses : « mort/naissance ; avenir/passé ;cosmogonie/néant.

» De plus, il fait preuve d'égocentrisme et de supériorité lorsqu'il affirme qu'il « détien[t] la vérité », qu'il a « un jugement sain et arrêté » et qu'ilest « prêt pour la perfection ».

Enfin, il hallucine autour de sa toute-puissance factuelle en disant qu'il a « tous les talents ».En somme, le poète entraîne le lecteur dans un délire hallucinatoire au sein d'un poème dominé par l'incohérence et le délire. Dès lors, l'enjeu du poème n'est pas de prendre parti pour le christianisme ou le paganisme, ni d'égarer totalement le lecteur, mais de définir une esthétique poétiquequi relève de l'écriture de l'ambivalence tout en ironisant et en invitant le lecteur à s'extasier.Tout d'abord, une ironie latente est décelable tout au long du poème, elle concerne la religion, la situation du poète, et l'écriture.

Elle constitue un clin d'œil fait aulecteur.Il ironise en premier lieu sur la religion.

Dès la première strophe, une sorte de prière ou de bénédiction est énoncée (« trois fois béni soit le conseil qui m'est arrivé »),or elle concerne la drogue, ce qui la désacralise.

De surcroît, il s'adonne à une répétition ironique « les nobles ambitions ! », mise en exergue par l'unicité de la phrase.Cela souligne l'idéologie puissante de la chrétienté « force », « paix », « nobles ambitions ».

Toutefois, l'analyse sémantique du terme « ambitions » révèle un aspectnon réalisé.

Pour le poète, ce qui est mis en avant par la religion ne peut advenir.

Il rejette en outre la pratique de la prière lorsqu' il s'exclame « Sainte vierge ! » : ilavait ajouté et précisé « faux sentiment, fausse prière » dans « Fausse Conversion », esquisse de « Nuit de l'enfer ».

Cette lecture originale nous éclaire sur l'ironie decette prière qui peut paraître sincère dans le poème, mais qui ne l'est finalement pas.

De plus, les figures christique et satanique sont désacralisées.

D'une part, lediable est désigné par un prénom populaire, « Ferdinand », ce qui le destitue en quelque sorte de son statut maléfique.

D'autre part, lors de la parodie qu'il fait deJésus, il lui attribue un « cœur merveilleux », néanmoins, cela s'oppose à l'étymologie « d'émeraude », terme utilisé lors de la précédente parodie du Christ, dontl'étymologie signifie « cœur de pierre ».

De fait, l'étymologie latine d'émeraude est smaragdus, qui est elle-même une déformation du mot perse zamarat qui veut dire« cœur de pierre ».

Ainsi, Jésus est d'abord désigné imperceptiblement par un cœur de pierre, puis ouvertement pas un cœur merveilleux, ce qui attribue à cettequalité ostentatoire un statut ironique.Ensuite, Rimbaud se consacre à une ironie plus métapoétique.

En effet, il ironise à propos de l'écriture romantique et du statut de poète.

Il remet en cause l'évidenced'un « je lyrique » romantique, fondé sur la subjectivité et l'introspection sentimentale.

Le sujet de l'énonciation doit être l'instrument d'exploration et de critique dumonde tel qu'il est, ce qui s'explique par l'alternance du je lyrique et du je prosaïque tout au long du poème.

Cette oscillation est ironique en elle-même : le je lyriquen'est sincère que partiellement.

L'écriture romantique est alors considérée comme un repoussoir esthétique car « l'air de l'enfer ne souffre pas les hymnes » ou commeil écrit dans « Fausse Conversion » : « on n'est pas poète en enfer ».

Dès lors, la poésie romantique est décalée, elle n'est pas synergique par rapport à la vie réelle, quiest vécue comme un enfer pour Rimbaud.

Aussi, employer le terme de « saison » ou de « nuit », c'est déjouer les attentes de la littérature romantique et faire jouer laponctualité contre l'éternité.Enfin, il ironise sur sa situation personnelle et rompt ainsi la tonalité lyrique au profit d'une tonalité comique.

Il met en place une distanciation lorsqu'il écrit « je brûle. »

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