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MICHELET: La France

Publié le 04/05/2011

Extrait du document

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Jules Michelet, après une enfance laborieuse et pénible, entra dans l'Université, fut professeur à Sainte-Barbe et maître de conférences à l'École normale. Il publia en 1826 son Précis d'histoire moderne, en 1831 son Histoire romaine. Nommé en 1831, chef de la division historique aux Archives, il commence en 1833 la publication de son Histoire de France qui paraît d'abord de 1833 à 1844; puis, après un intervalle rempli par l'Histoire de la Révolution (1847-53) il la continue, de 1855 à 1867. Il y joint des ouvrages descriptifs, poétique et polémiques : l'Oiseau, l'Insecte, la Mer, la Montagne, le Peuple, etc...

TEXTE COMMENTÉ

La France (1846).

La nationalité, la patrie, c'est toujours la vie du monde. Elle morte, tout serait mort. Demandez plutôt au peuple, il le sent, il vous le dira. Demandez à la science, à l'histoire, à l'expérience du genre humain. Ces deux grandes voix sont d'accord. Deux voix ? non, deux réalités, ce qui est et ce qui fut, contre la vaine abstraction. J'avais là-dessus mon cœur et l'histoire ; j'étais ferme sur ce rocher; je n'avais besoin de personne pour me confirmer ma foi. Mais j'ai été dans les foules, j'ai interrogé le peuple, jeunes et vieux, petits et grands. Je les ai entendus tous témoigner pour la patrie. C'est là la fibre vivante qui chez eux meurt la dernière. Je l'ai trouvée dans des morts.... J'ai été dans les cimetières qu'on appelle des prisons, des bagnes, et 'là j'ai ouvert des hommes ; eh ! sien dans ces hommes morts, où la poitrine était vide, devinez ce que je trouvais... la France encore, dernière étincelle par laquelle peut-être on les aurait fait revivre. Ne dites pas, je vous prie, que ce ne soit rien du tout que d'être né dans le pays qu'entourent les Pyrénées, les Alpes, le Rhin, l'Océan. Prenez le plus pauvre homme, mal vêtu et affamé, celui que vous croyez uniquement occupé des besoins matériels. Il vous dira que c'est un patrimoine que de participer à cette gloire immense, a cette légende unique qui fait l'entretien du monde. Il sait bien que s'il allait au dernier désert du globe, sous l'équateur, sous les pôles, il trouverait là Napoléon, nos armées, notre grande histoire, pour le couvrir et le protéger, que les enfants viendraient à lui, que les vieillards se tairaient et le prieraient de parler, qu'à l'entendre seulement nommer ces noms ils baiseraient ses vêtements. Pour nous, quoi qu'il advienne de nous, pauvre ou riche, heureux, malheureux, vivant, et par delà la mort. nous remercierons toujours Dieu de nous avoir donné cette grande patrie, la France. Et cela, non pas seulement à cause de tant de choses glorieuses qu'elle a faites, mais surtout parce qu'en elle, nous trouvons à la fois le représentant des libertés du monde et le pays sympathique entre tous, l'initiation à l'amour universel. Ce dernier trait est si fort en la France, que souvent elle s'en est oubliée. Il nous faut aujourd'hui la rappeler à elle-même, la prier d'aimer toutes les nations moins que soi. Sans doute, tout grand peuple représente une idée importante au genre humain. Mais que cela, grand Dieu, est bien plus vrai de la France ! Supposez un moment qu'elle s'éclipse, qu'elle finisse, le lien sympathique du monde est relâché, dissous, et probablement détruit. L'amour qui fait la vie du globe, en serait atteint en ce qu'il a de plus vivant. La terre entrerait dans t'âge glacé où déjà tout près de nous sont arrivés d'autres globes. (Le Peuple, IIIe partie, ch. IV.)

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« seul évoque : Napoléon, nos armées, notre grande histoire; b) La France ne doit pas être seulement aimée d'unefaçon orgueilleuse et égoïste; elle est la nation par excellence : « en elle, nous trouvons le représentant des libertésdu monde et le pays sympathique entre tous, l'initiation à l'amour universel ».Ces deux arguments amènent la conclusion, qui est une sorte de syllogisme: L'amour fait la vie du globe; or, laFrance, plus que toute autre nation, représente et incarne cet amour; donc, sans la France, la vie du globe seraitcompromise.— Ainsi à nos motifs généraux et nationaux d'aimer la France, vient s'ajouter une raison suprême, d'unhumanitarisme bien compris, d'un internationalisme imprévu : c'est que, par la France, vit essentiellement le genrehumain. Le style.— 1° L'éloquence.

— On voit, par l'analyse précédente quelle est l'allure oratoire du morceau.

Michelet estvivement convaincu d'une vérité qui lui tient au coeur; il la démontre avec une logique pressante, rigoureuse etpassionnée.

— Cette éloquence apparaît : a) dans les formules, où se trahit le geste, où se lit la physionomie : «Demande; au peuple...

Demande; à la science...

Eh bien devinez,..

Ne dites pas...

Prenez...

Il vous dira...

Que celaest bien plus vrai.., Suppose; un moment...

»b) dans le ton individuel : « J'avais là-dessus...

J'ai 'été dans la foule...

Je l'ai trouvée...

J'ai été dans le cimetière...Pour nous...

nous remercierons toujours Dieu...

»2° La poésie.

— Michelet est encore plus poète qu'orateur ; il l'est à la façon de Chateaubriand et de V.

Hugo,c'est-à-dire qu'il transforme l'abstrait en concret, et la pensée en sensation.

Essayez de ramener à son thèmerationnel tout ce passage : « Mais j'ai été dans la foule,..» Un historien comme Guizot dirait : «J'ai interrogé deshommes de toutes les classes; à tous leurs sentiments survivait l'amour de la patrie.» Et Michelet à cette réflexiond'économiste ou de statisticien, substitue : « C'est là la fibre vivante qui chez eux meurt la dernière.

» La prison etle bagne deviennent pour lui des cimetières...

Les prisonniers, des morts, qu'il a ouverts...

La poitrine était vide,mais il y a trouvé une dernière étincelle.

— La France est définie par l'indication rapide et large de ses limites.

— Aulieu de cette réflexion banale : «La France est connue et respectée dans tous les pays », Michelet dit :« Il sait ques'il allait au dernier désert du globe, sous l'équateur, sous les pôles » (série d'hyperboles poétiques), « il trouverait...» Que trouverait-il ? une idée ? un sentiment ? Non ; « il trouverait là...

Napoléon, nos armées, nôtre grandehistoire...

» — Et, enfin, cet émigré, cet exilé, Michelet le voit, au moment même où il parlerait de la France; c'esttout un tableau : « Les enfants viendraient à lui...

etc.

» — Dans la conclusion, l'image 's'agrandit, devient aussivaste que possible : elle est empruntée à l'histoire naturelle et à l'astronomie.

Le mot éclipse, si souvent banal, laprépare : « L'amour qui fait la vie du globe....

La terre entrerait dans l'âge glacé où déjà tout près de nous sontarrivés d'autres globes.

» On sent la force vraiment sublime de cette exagération poétique, qui fait sentir tout ceque perdrait la vie morale du monde, si la France cessait de le réchauffer et de le vivifier par son amour.. »

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