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MIRBEAU Octave : sa vie et son oeuvre

Publié le 26/11/2018

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MIRBEAU Octave (1848-1917). Il est né à Trévières dans le Calvados. Après de tristes années d’enfance passées en Normandie, où, tout jeune, il a perdu sa mère, et où il a vécu dans la compagnie d’un père qui le terrifiait, Mirbeau connaît le temps amer du collège des jésuites à Vannes, puis commence des études de droit, interrompues par la guerre de 1870, à laquelle il prend part. En 1872, il s’initie au journalisme dans les pages bonapartistes de l'Ordre : il y passe de la critique artistique, où il défend Monet et Cézanne contre les académiciens, à la critique dramatique. Le voilà bientôt lancé dans la politique, mais, après avoir été quelque temps — au lendemain du 16 mai 1877 — sous-préfet de Saint-Girons (Ariège), il abandonne la carrière administrative et rejoint Paris, dont la vie mouvementée correspond à son tempérament. Collaborateur du Gaulois et du Figaro, il fait scandale par un violent article sur les comédiens (1882). En 1883, il fonde avec Alfred Capus, Étienne Grosclaude et Paul Hervieu, un hebdomadaire satirique, monarchiste et antisémite, les Grimaces. Il a des duels avec Paul Déroulède, avec Catulle Mendès...

 

En 1886 paraît son premier recueil de nouvelles, Lettres de ma chaumière, suivi de trois romans, tout à la fois réalistes et lyriques : le Calvaire (1887), l'Abbé Jules (1888), Sébastien Roch (1889). D’un individualisme sensible et passionné, qui ne se plaît que dans le

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« paroxysme, Mirbeau est devenu anticlérical et antimilita­ riste, avec la même fougue qu'au temps où il luttait pour l' É glise, l'armée et Je roi, et Je même goût pour les scandales, les polémiques et les duels ...

Il sympathise avec les milieux anarchistes et, à la fin du siècle, l'ancien antisémite sera résolument dreyfu­ sard.

Ses romans ne cessent alors de dénoncer les tares de la société contemporaine : le fameux Jardin des sup­ plices (1899) et le Journal d'une femme de chambre (1900) obtiennent de gros tirages; puis ce seront les Vingt et Un Jours d'un neurasthénique (1901), la 628-E 8 (1907), récit d'un voyage en automobile dont Je titre donne l'immatriculation, et enfin Dingo ( 191 3).

Au théâ­ tre se succèdent des pièces anarchisantes : les Mauvais Bergers (1897), l'Épidémie (1898), une série de comé­ dies qu'il réunira dans Farces et moralités (1904).

Son plus grand succès dramatique devait être Les affaires sont /es affaires (1903).

É criva l"n engagé et rebelle, dont l'internationalisme ne résistera pourtant pas à la guerre de 1914, il n'abdique pas la lucidité de l'artiste.

Membre de l'académie Gon­ court depuis 1896, il fut aussi un critique de talent, avo­ cat des impressionnistes, et il apparaît comme un trait d'union entre les naturalistes et les symbolistes.

Réalisme et lyrisme Naturaliste, Mirbeau? Il s'en est toujours défendu, et, bien gue son esthétique s'apparente à celle du mouve­ ment réaliste des années 1880, elle ne saurait se confon­ dre avec elle.

Ainsi, dès les nouvelles des Lettres de ma chaumière, la satire est-elle étroitement mêlée à 1 'observation : l'at­ trait du grotesque et de l'excès, mais aussi la sensibilité à la poésie de la nature imprègnent déjà ces portraits de paysans normands, hantés -comme ceux de Maupas­ sant -par l'appât du gain et par la présence de la mort.

Ironie, outrance et lyrisme resteront les constantes du réalisme de Mirbeau; ses trois premiers romans : le Calvaire, l'Abbé Jules et Sébastien Roch, en tirent une puissance particulière.

Ce sont trois romans biographi­ ques, âpres et denses, lourds d'expérience personnelle (souvenirs de collège ou de guerre) et de violence satirique.

Histoire d'une liaison amoureuse, écartelée entre la passion, la lucidité et le mépris, le Calvaire révèle des qualités d'analyse gui suscitèrent l'admiration de Bour­ get, mais il exprime aussi la révolte contre la guerre, la haine de l'armée et l'horreur de toute autorité.

La dénonciation des méfaits de 1 'ordre social entreprise par Mirbeau se poursuit dans l'Abbé Jules, en même temps que s'approfondit l'attirance de l'auteur pour les abîmes psychologiques : à travers 1 'étude de ce prêtre mysté­ rieux et torturé, hanté par ses désirs refoulés, à la fois prisonnier et rebelle, Mirbeau a sans doute écrit son roman le plus fort, un roman à la construction plus thé­ matique que narrative, qui fait le procès d'une société de répression, incapable de respecter le développement individuel et la liberté de l'instinct.

Sébastien Roch continue cette œuvre de vengeance : récit d'une éducation malheureuse, il évoque la décou­ verte de l'injustice et de la corruption pendant les années de collège et décrit le viol par un prêtre d'un adolescent à jamais désabusé, dont Je marasme moral et les difficultés affectives ne trouveront d'issue que dans la mort à la guerre.

Critique véhémente des contraintes et des perversions de la religion, de l'éducation et des normes sociales, satire caricaturale de la bourgeoisie, mais aussi, pudique­ ment exprimées, tendresse et pitié à l'égard des vaincus : un équilibre instable se manifeste dans ces récits dont la compOSitiOn, parfois éclatée, et le travail de l'écriture trahissent 1' admirateur des Goncourt.

Entre le roman pamphlétaire ...

Les séductions de l'anarchisme, d'abord, la dureté des luttes dreyfusardes, ensuite, vont entraîner Mirbeau vers d'autres genres littéraires, tels que Je théâtre « social }}, mais aussi vers de nouvelles formes romanesques, sus­ ceptibles d'exprimer avec plus de vigueur l'infamie des classes privilégiées et la bassesse de 1' humanité.

« Pages de meurtre et de sang >> dédiées « aux prêtres, aux soldats, aux juges, aux hommes qui éduquent, diri­ gent, gouvernent les hommes >>, le Jardin des supplices peint Je défilé monstrueux des débauches et des souffran­ ces humaines auquel une femme convie le narrateur.

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Pourriture de la société et corruption de .la femme : ce roman, qui n'en est plus tout à fait un, déroule une série d'anecdotes et de portraits révélateurs de l'hypocrisie sociale, avant de se muer en un long poème cauchemar­ desque, entremêlant le sadisme et la misogynie; une végétation luxuriante et orientale s'y nourrit du sang des suppliciés et des plaisirs de la cruauté.

Ce livre où se conjuguent tous les excès de J'esprit fin de siècle rem­ porta un succès de scandale mais ne fut guère compris.

S'ils témoignent d'un retour vers plus de réalisme, les autres romans de Mirbeau continueront à stigmatiser les médiocrités ou les ignominies de la société -et avec un mépris toujours croissant pour la composition romanes­ que.

Ainsi, le Journal d'une femme de chambre tourne­ t-il à la chronique scandaleuse, tant le violent réquisitoire dressé par Célestine contre la sottise des classes domi­ nantes accumule les tares, les perversions, les ridicules et les mesquineries des mœurs bourgeoises -sans gue Mirbeau soit beaucoup plus tendre pour les classes popu­ laires -dans une succession linéaire d'épisodes.

Désormais la veine pamphlétaire l'emporte sur les nécessités de la fiction; la caricature prend le pas sur l'observation; la tirade ironique ou passionnée se substi­ tue à la mise en acte romanesque comme si, devant tant d'injustices à combattre, Je roman perdait sa raison d'être, se réduisait à une suite d'anecdotes significatives ou de propos véhéments, qui n'échappent pas toujours à la redondance.

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et la satire Reste aussi le théâtre.

Soucieux de trouver une nou­ velle tribune où poursuivre ses combats et défendre ses thèses, Mirbeau s'est fait dramaturge : des neuf pièces qu'il a écrites, les premières ont beaucoup perdu de leur force, en raison de leur schématisme et de leurs inten­ tions trop ouvertement polémiques; ainsi les Mauvais Bergers, violente critique des hommes politiques.

Plus incisives sont ses comédies, des Amants à Vieux Ménage, pièces courtes et acerbes qui, par la caricature des exis­ tences bourgeoises, évoquent les duperies de 1' amour et les injustices de la société.

Son chef-d'œuvre théâtral, Les affaires sont les affai­ res, s'inscrit dans la lignée de Jules Renard et d'Henry Becque : vraisemblance des caractères, dominés par la figure de l'homme d'affaires Isidore Lechat, gui néglige les siens pour mieux songer à ses intérêts et conserve son cynisme au milieu des pires tragédies familiales; unité et rapidité de J'action; et ironie amère.

Tout aussi épris de vérité que d'excès, ce réalisme de Mirbeau ne serait-il pas un lointain avatar du roman­ tisme? Dans une œuvre inégale, mais souvent forte, il mêle l'imagination du lyrique à la virulence du pam­ phlétaire.. »

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