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Molière à un ami

Publié le 13/02/2012

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Lettre de Molière à un ami qui lui a reproché d'attaquer les gens de cour. Le poète explique les railleries dont il a poursuivi certains marquis et il proteste de son respect pour la noblesse, respect dont il a donné maintes preuves dans ses comédies.

Monsieur,

Vous m'adressez beaucoup d'éloges sur mes pièces et en particulier sur les Femmes savantes que ma troupe joue en ce moment avec succès : votre amitié pour l'auteur vous rend sans doute indulgent pour l'oeuvre; néanmoins je suis sensible à vos louanges, comme à un précieux encouragement. Vous voulez bien me faire part d'une critique sévère qui court sur mon compte : «Molière, dit-on, ne pourrait-il laisser en paix les marquis?...

« lites; je les dauberai taut, et en toutes rencontres, qu'a la fin ils se rendront sages ou se tairont.

Et ne croyez pas, Monsieur, que j'aie, sur le theatre, epuise tous les ridi- cules de la Cour.

Combien y compte-t-on de ces adulateurs a outrance, insipides fiatteurs qui ennuient Sa Majeste du bruit de leurs exploits? de ces hommes meprisables qui accablent de leur dedain tout ce qui n'est pas ne ? de ces pieds plats gui, par de honteux exploits, se poussent aux charges lucratives? de ces Inches courtisans de la faveur, qui nous encen- sent dans la prosperite et nous accablent dans la disgrace? de ces prudes enfin, qui, singeant la vraie devotion, feraient de la Cour une stole de four- berie et de mechancete? Vous mes Bites, Monsieur, qu'il n'est point d'impies a la Cour et qu'on ne saurait surtout y rencontrer un don Juan.

Je n'en suis pas aussi assure que vous, et s'il en faut croire les, vantardises de quelques jeunes gens, le cynisme du mal et l'audace du blaspheme n'y sont pas inconnus.

Mais alors meme qu'en certains portraits j'aurais trop accuse in grimace, c'est une exageration permise et necessaire au theatre.

J'estime beaucoup in noblesse, et n'ai garde de la confondre avec de teller Bens; j'aime la Cour et, pour son honneur, je la veux debarrasser des ambi- tieux qui lui nuisent par leurs intrigues, des importuns solliciteurs qui tentent d'attirer sur eux toutes les faveurs du Roi, des turlupins dont les manieres affecties choquent le bon goat, et rendraient meprisable aux strangers l'entourage du monarque.

D'ailleurs, Monsieur, s'il fallait me justifier davantage, je vous prierais de remarquer que j'ai souvent decerne, dans mes comedies, des marques d'estime aux courtisans.

J'ai affirms, dans la Critique de l'Ecole des Femmes, qu'ils ont d'aussi bons yeux que d'autres qu'on peut etre habile avec un point de Venise et des plumes aussi bien qu'avec une perruque courte et un rabat uni; que la grande epreuve de toutes les comedies, c'est le jugement de la Cour; que c'est son goat gull faut etudier pour trouver Part de reussir; qu'il n'y a point de lieu ou les decisions soient si justes, et que du simple bon sens et du commerce de tout le beau monde, on s'y fait une maniere d'esprit qui, sans comparaison, juge plus finement des choses que tout le savoir enrouille des pedants.

Et quand Trissotin pretend que La Cour comme l'on sait, ne tient pas pour l'esprit. Ne lui ai-je pas fait repondre : ...Vous feriez fort bien, vos confreres et vous, De parler de la Cour d'un ton un peu plus doux; A le bien prendre, au fond, elle n'est pas si bete Que vous autres, Messieurs, vous vous mettez en tete; Elle a du sens commun pour se connaitre a tout?... Cela ne suffit-il pas a montrer que je sais distinguer la fatuite du vrai merite, et que, si je suis le premier a fronder les vices ou les ridicules de la Cour, nul n'a plus que moi rendu justice au grand nombre de gens honnetes et de bon gout ,qui servent le Roi? Et si je n'ai pas lone davantage a la scene les gens de merite, c'est que leur vertu merne ne permet pas d'en faire des personnages de comedie.

Je n'ai pas non plus discredits la noblesse.

Ceux-la seuls la rabaissent, qui croient suffisant de porter la livree et les armes d'un gentilhomme pour etre estime; qui, honores par un grand nom, mais vivant en infames, ont justement irrite le souverain, et ruins aupres de lui le merite de leurs parents et le credit de leurs amis.

Par ses vices, don Juan deshonore la gloire qui lui vient de sa naissance; mais don Louis represente la vraie noblesse, et beaucoup feraient bien de mediter l'apostrophe qu'il adresse son fils indigne c La naissance n'est rien ou la vertu n'est pas; nous n'avons part a la gloire de nos aleux qu'autant que nous nous efforgons de leur ressembler.

La vertu est le premier titre, de noblesse, et l'on regarde bien moins au nom qu'on signe qu'aux actions qu'on fait.

Celui qui a ecrit ces lignes peut-il etre accuse de mepriser la noblesse et la Cour? Vous en jugerez, Monsieur, ainsi que par la faveur dont Sa Majeste daigne rn'honorer.

Je compte sur votre bienveillance pour faire justice a l'occasion des calomnies dont les envieux cherchent a me noircir, et je m'assure que votre amitie durera autant que l'estime que j'ai pour vous.

Je suis, Monsieur, votre tres humble serviteur, Mo lités; je les dauberai tant, et en toutes rencontres, qu'à la fin ils se rendront sages ou se tairont.

Et ne croyez pas, Monsieur, que j'aie, sur le théâtre, épuisé tous les ridi­ cules de la Cour.

Combien y compte-t-on de ces adulateurs à outrance, insipides flatteurs qui ennuient Sa Majesté du bruit de leurs ex,Ploits? de ces hommes méprisables qui accablent de leur dédain tout ce qm n'est pas « né » ? de ces pieds plats ~ui, par de honteux exploits, se poussent aux -charges lucratives? de ees laches courti.sans de la faveur, qui nous encen­ sent dans la prospérité et nous accablent dans la disgrâce? de ces prudes enfin, qui, singeant la vraie dévotion, feraient de la Cour une école de four­ berie et de méchanceté? Vous mes dites, Monsieur, qu'il n'est point d'impies à la Cour et qu'on ne saurait surtout y rencontrer un don Juan.

Je n'en suis pas aussi assuré que vous, et s'il en faut croire les.

vantardises de quelques jeunes gens, le cynisme du mal et l'audace du blasphème n'y sont pas inconnus.

Mais alors même qu'en certains portraits j'aurais trop accusé la grimace, c'est une exagération permise et nécessaire au théâtre.

J'estime beaucoup la noblesse, et n'ai garde de la confondre avec de telles gens; j'aime la Cour et, pour son honneur, je la veux débarrasser des ambi­ tieux qui lui nuisent par leurs intrigues, des importuns solliciteurs qui tentent d'attirer sur eux toutes les faveurs du Roi, des turlupins dont les manières affectées choquent le bon goût, et rendraient meprisable aux étrangers l'entourage du monarque.

D'ailleul's, Monsieur, s'il fallait me justifier davantage, je vous prierais de remarquer que j'ai souvent décerné, dans mes comédies, des marques d'estime aux courtisans.

J'ai affirmé, dans la Critique de l'Ecole des Femmes, qu'ils ont d'aussi bons yeux que d'autres : qu'on peut être habile avec un point de Venise et des plumes aussi bien qu'avec une perruque courte et un rabat uni; que la grande épreuve de toutes les comédies, c'est le jugement de la Cour; que c'est son goût qu'il faut étudier pour trouver l'art de réussir; qu'il n'y a point de lieu où les décisions soient si justes, et que du simJ?le bon sens et du commerce de tout le beau monde, on s'y fait une maniere d'esprit qui, sans comparaison, juge plus finement des choses que tout le savoir enrouillé des pedants.

Et quand Trissotin prétend que La Cour comme l'on sait, ne tient pas pour resprit.

Ne lui ai-je pas fait répondre : ...

Vous .feriez fort bien, vos confrères et vous, De parler de la .Cour d'un ton un peu plus doux; A le bien prendre, au fond, elle n'est pas si bête Que vous autres, Messieurs, vous vous mettez en tête; Elle a du sem commun pour se connaitre à tout? ...

Cela ne suffit-il pas à montrer que je sais distinguer la fatuité du vrai mérite, et que, si je suis le premier à fronder les vices ou les ridicules de la Cour, nul n'a plus que moi rendu justice au grand nombre de gens honnêtes et de bon goût qui servent le Roi 'l Et si je n'ai pas loué davantage à la scène les gens de mérite, c'est que leur vertu même ne permet pas d'en faire des personnages de comédie.

Je n'ai pas non plus discrédité la noblesse.

Ceux-là seuls la rabaissent, qui croient suffisant de porter la livrée et les armes d'un gentilhomme pour être estimé; ~ui, honorés par un grand nom, mais vivant en infâmes, ont justement irrite le souverain, et ruiné auprès de lui le mérite de leurs parents et le crédit de leurs amis.

Par ses vices, don Juan déshonore la gloire qui lui vient de sa naissance; mais don Louis représente la vraie noblesse, et beaucoup feraient bien de méditer l'apostrophe qu'il adresse à son fils indigne : ·«La naissance n'est rien .

où la vertu n'est pas; nous n'avons.

part à la gloire de nos aïeux qu'autant que nous nous efforçons de leur ressembler.

La vertu est le premier titre de noblesse, et l'on regarde bien moins au nom qu'on signe qu'aux actions qu'on fait.

» · Celui qui a écrit ces lignes peut-il être accusé de mépriser la noblesse et la Cour? Vous en jugerez, Monsieur, ainsi que par la faveur dont Sa Majesté daigne m'honorer.

Je compte -sur votre bienveillance pour faire justice à l'occasion des calomnies dont les envieux cherchent à me noircir, et je m'assure que votre amitié durera autant que l'estime que j'ai pour vous.

Je suis, Monsieur, votre très humble serviteur, MoLIÈRE.. »

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