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Montesquieu, Lettres persanes, lettre CX Lettre 110 (Commentaire)

Publié le 17/01/2022

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Montesquieu, Lettres persanes, lettre CX Lettre 110 Rica à***. Le rôle d'une jolie femme est beaucoup plus grave que l'on ne pense: il n'y a rien de plus sérieux que ce qui se passe le matin à sa toilette, au milieu de ses domestiques; un général d'armée n'emploie pas plus d'attention à placer sa droite, ou son corps de réserve, qu'elle en met à poster une mouche, qui peut manquer, mais dont elle espère ou prévoit le succès. Quelle gêne d'esprit, quelle attention pour concilier sans cesse les intérêts de deux rivaux, pour paraître neutre à tous les deux, pendant qu'elle est livrée à l'un et à l'autre, et se rendre médiatrice sur tous les sujets de plainte qu'elle leur donne! Quelle occupation pour faire succéder et renaître les parties de plaisir, et prévenir tous les accidents qui pourraient les rompre! Avec tout cela, la plus grande peine n'est pas de se divertir; c'est de le paraître: ennuyez-les tant que vous voudrez, elles vous le pardonneront, pourvu que l'on puisse croire qu'elles se sont réjouies. Je fus, il y a quelques jours, d'un souper que des femmes firent à la campagne. Dans le chemin, elles disaient sans cesse: "Au moins, il faudra bien nous divertir." Nous nous trouvâmes assez mal assortis et, par conséquent, assez sérieux. "Il faut avouer, dit une de ces femmes, que nous nous divertissons bien: il n'y a pas aujourd'hui dans Paris une partie si gaie que la nôtre." Comme l'ennui me gagnait, une femme me secoua et me dit: "Eh bien! ne sommes-nous pas de bonne humeur? - Oui, lui répondis-je en bâillant; je crois que je crèverai à force de rire." Cependant la tristesse triomphait toujours des réflexions, et, quant à moi, je me sentis conduit, de bâillement en bâillement, dans un sommeil léthargique, qui finit tous mes plaisirs. De Paris, le 11 de la lune de Maharram 1718. Aucune crise importante n'a marqué l'existence paisible de Montesquieu. Comme ses aïeux, il est d'abord magistrat; pour se distraire, il écrit son premier grand ouvrage, les Lettres persanes, où se trouve esquissée avec esprit une critique hardie des institutions et des meurs françaises. Libéré bientôt de sa charge parlementaire, il se consacre à l'étude et à la réflexion. Il précise et affermit ses idées politiques pendant un séjour en Angleterre; puis il se retire dans son château de la Brède, où il rédige ses Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence, oeuvré historique pleine de vues pénétrantes et neuves, puis L'Esprit des Lois, véritable traité de philosophie politique. Enfin, de précieux Cahiers permettent de mieux définir son attitude devant la vie et le monde. La vigueur et la continuité de la réflexion donnent à Pauvre de Montesquieu une puissante unité; elles font apparaître son auteur comme l'un des penseurs les plus profonds de son siècle.

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