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Origine de l'histoire en langue vulgaire

Publié le 31/05/2012

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Geoffroy de Villehardouin, Champenois, dont le nom se rencontre dans deux chartes de la comtesse Marie, la fine et noble dame qui inspirait Lancelot, nous met sous les yeux, en sa personne et par son récit, le monde réel en face du fantastique idéal que décrivait son compatriote Chrétien de Troyes. Ce n'est pas un Roland, ni un Parceval. De foi intacte et fraiche encore, mais mondaine, assez enthousiaste pour se croiser, il ne saurait se désintéresser longtemps : il a des pensées positives dans le coeur, tandis que le service de Dieu est sur ses lèvres. Il honore l'Église, ses cardinaux, et le pape même, tant qu'ils ne traversent pas ses intérêts; et, au prix de son respect, de ses dons, ce qu'il leur demande surtout, ce sont des pardons, des absolutions :

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« 62 LITTÉRATURE HÉROÏQUE ET CHEVALERESQUE.

L'idée d'appliquer la poésie française au récit des faits histo­ riques germa de divers côtés : surtout en Angleterre, où la pré­ sence d'une langue vaincue, vile et méprisée, comme le peuple qui la parlait, conférait au français un peu de cette noblesse qui chez nous appartenait •se~ilemeut au latin.

Le goùt des compositions historiques semble avoir été très vif chez les rois anglo-normands et dans leur entourage: du Xll 0 au XVI 8 siècle, on les voit éclore en grande abondance.

Ce sont tantôt de vastes chroniques, des sortes de poèmes cycliques, comme ce Roman de Brut, ou Geste des Bretons, et ce Roman de Rou, ou Geste des Normands, que rédigea non sans verve un chanoine de Bayeux, Wace (vers 1100-f175), et tantôt des histoires particulières ou des biographies, dont la plus remar­ quable est une vie anonyme de Guillaume le Marechal, comte de Pcmbroke, qu'on a récemment retrouvée 1 • Mais cette œuvre nous conduit vers la fin du premier tiers du xme siècle; à cette date, l'histoire en prose était née :le genre avait trouvé sa forme.

Désormais toute œuvre qui appliquera le vers épique aux faits historiques sera un accident et comme un phé­ nomène de rétrogradation dans l'évolution du genre.

Des poèmes du x1ve siècle, comme le Combat des T;·ente et la Vie de Bertmnd Du Guesclin, sont des faits stériles dans l'histoire littéraire, et des faits insignifiants, dès lors qu'ils ne sont pas des œuvres de génie.

L'histoire 2 troQva sa forme, semble-t-il, dans le nord de la France, en Picardie, en Flandre, à la veille ou aux premier·s jours du xme siècle : des traductions de la chronique du faux Turpin, deux notamment où l'emploi de la prose est signalé par les auteurs comme une excellente nouveauté, et une compilation de l'histoire universelle faite pour ce même comte de Flandre, Baudouin VI, que Villehardouin va nous montrer élevé au trône de Constantinople, en sont les premiers monuments.

Villehardouin profite de tout le travail qui s'est fait avant lui.

Très proche encore des chansons de geste, il en a le ton, les formules, la couleur : mais, à l'exemple des traducteurs du faux Turpin, il allège le genre du poids inutile des rimes, simple embarras quand elles ne sont pas moyen d'art et forme de poésie; d'autre part, suivant les premiers narrateurs des croisades, et plus rigoureux qu'eux encore, il saisit les événe­ ments avant toute déformation, tels que ses yeux, et non son ima­ gination, les lui donlilent : enfin, de la même épopée qui achevait en c.e temps-là de dégénérer en roman, il dégage définitivement l'histoire.

1.

Ce poème (sur lequel cf.

Romania, XI) et ceux de Wace sont écrits en octo­ syllabes comme les romans bretons.

2.

Cf.

P.

Meyer, Ramania, XIV; A.

Molinier, dans les Études d'histoire du moyen dge dédiées à G.

Monod, 1897.

1 1 .~. »

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