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Peut-on appliquer aux drames romantiques que vous avez étudiés cette appréciation de Victor Hugo dans la Préface de Marie Tudor : « S'il y avait aujourd'hui un homme qui pût réaliser le drame comme nous le comprenons, ce drame [...] ce serait le passé ressuscité au profit du présent, ce serait l'histoire que nos pères ont faite confrontée à l'histoire que nous faisons. »

Publié le 22/02/2012

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hugo
En tant que dramaturge, Hugo a été en butte à la censure qui a interdit Marion Delorme. L'auteur d'Hernani retrouvera ses censeurs tous, selon Hugo, « défenseurs intéressés de l'Ancien régime littéraire en même temps que de l'Ancien régime politique. » Au nom de la liberté de l'art, l'homme de théâtre se veut l'historien du passé qu'il ressuscite dans le drame, mais revendique-are-de représenter dans on dramatique une confrontation entre l'Histoire du présent et celle du passé. Comment cette interférence peut-elle s'accomplir dans et par un • spectacle ? Le drame romantique, qui plonge ses racines dans l'Histoire, eut-il éviter le piège de la pièce à thèse, simple véhicule d'une idéologie ?
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« Le duc Alexandre de Médicis, dans le Lorenzaccio de Musset, présente à peu près fidèlement les traits que luiconfère son mémorialiste Benedetto Varchi.

Musset prend beaucoup plus de libertés avec les biographes pour créerLorenzo de Médicis et Philippe Strozzi qui lui doivent leur complexité et leur richesse psychologique.

Il se contentede respecter la trame événementielle qu'offre la Chronique.

Certes Lorenzo tuera le tyran après avoir partagé sa viede débauché.

Philippe Strozzi est bien le chef de parti et surtout de la famille rivale des Médicis à Florence.

Quantau Cardinal Cibo, il tient de deux évêques de la Chronique sa personnalité d'ecclésiastique et d' intrigant.

Mais ledrame n'est pas seulement un miroir qui réfléchit l'histoire du passé.

L'image qu'il nous renvoie peut donner à lirel'histoire du présent.

Cette interférence peut se traduire de diverses façons. • « L'osmose entre Histoire et actualité » La tentation du pamphlet D'après cette formule empruntée au critique et historien Henri Lefebvre, on pourrait interpréter Lorenzaccio commeune machine de guerre visant, au travers de la représentation d'une conspiration à Florence au Quincento, lesBourbons et les Orléans et leurs ambitions rivales que la Révolution de 1830 vient de résoudre par l'accession autrône de Louis-Philippe.

L'histoire du présent peut aisément se reconnaître dans celle du passé qui narre le récit «d'une révolution confisquée » : mais dans les deux cas, l'échec du parti républicain marque le triomphe de l'intriguepolitique sur les aspirations du peuple.

Or, il serait faux de réduire le drame à un pamphlet politique dont il révèlepourtant le mécanisme historique. On ne saurait pas davantage admettre une telle réduction pour Hernani, malgré une mise en question évidente danscette pièce d'un pouvoir royal dynastique et héréditaire.

(On en lira la contestation explicite dans les paroles mêmesde Don Carlos devant le tombeau de Charlemagne (Hernani, IV, 2).

Seules deux figures de la puissance suprême, «Le Pape et l'Empereur », peuvent incarner un pouvoir jugé légitime puisqu'il résulte d'une élection.

« Deux chefs élusauxquels tout roi né se soumet.

» (Hernani, v.

1444). Une présence significative du peuple Mais l'Histoire du passé comme l'Histoire du présent ne saurait ignorer la présence et la force agissante du Peuple.Alors que la tragédie classique ne le faisait pas figurer sur la scène, le drame le représente visuellement : masseconfuse qui envahit des rues de Florence pour blâmer un duc débauché, pour déplorer le sort des bannis et pourapplaudir servilement la prestation de serment de Côme Ier de Médicis (dernière scène du drame).

Hernani,pseudonyme d'un Jean d'Aragon réduit à la clandestinité par un pouvoir aussi criminel qu'il est légitimé, devient chefde rebelles et représente une force d'opposition populaire et puissante « Gens dont jamais le fer ni le coeur nes'émousse » (Hernani, I, 2). Le procédé par allusion Il ne faut pas prendre le drame à la lettre mais chercher la référence historique dans l'allusion plus ou moinstransparente que l'auteur, à travers son personnage, fait entendre à son public.

Celui-ci peut voir en effet dans lasituation d'un personnage un symbole.

C'est ainsi que l'on peut lire l'accession au pouvoir d'un Ruy Blas, commel'incarnation de forces neuves, vives et probes de l'homme du peuple s'opposant à une noblesse décadente etcorrompue. Hernani, qui propose une évocation de l'Empereur médiéval Charlemagne (IV, 2), permet une double lecture.

Lafigure de l'Empereur, celle de l'Europe de Charlemagne, éveillent des échos dans l'Histoire récente et des nostalgiesde l'époque napoléonienne, symbole d'héroïsme et de grandeur.

La Monarchie de Juillet verra échouer plusieurstentatives d'accès au pouvoir du candidat bonapartiste Louis-Napoléon et en 1840 Louis-Philippe d'Orléans, roi des Français, va organiser le retourdes cendres de l'Empereur...

Hernani, drame historique, prophétiserait-t-il l'Histoire à venir ? Lorenzaccio tisse également avec ses spectateurs des liens de connivence, lorsque le texte invite à desrapprochements entre la Chronique florentine et l'Histoire récente.

En mal d'héroïsme et de grandeur, « l'enfant dusiècle » promène un regard désabusé sur ses contemporains et s'exprime à travers l'amertume de son personnageprincipal.

Comment une conspiration et même un attentat peuvent-ils rester sans effet sur un peuple mal éduqué,mal encadré ? Le mot « liberté », et le mot « république » sont bien souvent prononcés et répétés en vain dansLorenzaccio.

L'Histoire elle-même se répète en des scènes identiques : à Florence au temps des Médicis, dans lesRomagnes en 1829 en Italie, en Juillet 1830 à Paris...

L'anachronisme prend le ton du persiflage dans le soliloque deLorenzo (acte III, scène 3) évoquant « les banquets patriotiques » où « le vin engendre la métaphore et laprosopopée ».

La Monarchie de Juillet va frôler le drame : en 1835, Louis-Philippe a échappé à l'attentat de Fieschi.Rétrospectivement, le drame de Musset représente l'Histoire comme une sinistre comédie.

Chaque personnage y joueun rôle qui ne correspond pas à son emploi.

De l'Histoire, le drame dénonce le jeu et les illusions. De sa confrontation avec l'Histoire, le drame romantique, sans faire de la scène une tribune, peut renouveler uneesthétique qui désormais implique un nouveau statut des personnages.

Le drame doit donner à ses héros unedimension historique et concilier par une nouvelle dramaturgie l'intérêt dramatique et la vérité de l'Histoire.. »

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