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PHILIPPE DE MÉZIÈRES ou MAIZIÈRES

Publié le 27/11/2018

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PHILIPPE DE MÉZIÈRES ou MAIZIÈRES (1327-1405). On doit à cet homme de guerre et diplomate le Songe du vieil pèlerin (1389), aboutissement et éclatement de la grande composition allégorique, qui est à la fois satire sociale et manuel de gouvernement.

 

La vie aventureuse et les rêves de croisade

 

Une grande partie de la vie de Philippe se déroule hors de France : guerroyant en Lombardie, puis séjournant en Sicile, il est fait chevalier à Smyrne en 1346. Nommé en 1358 chancelier du roi de Chypre, Pierre de Lusignan, il voyage pour la croisade jusqu’à l’assassinat du roi. En 1369, il rejoint Grégoire XI en Avignon, puis devient l’ami et le conseiller de Charles V, qui le charge de l’éducation du Dauphin. Il se retire au couvent des Céles-tins de Paris, mais continue à jouer un rôle politique : il contribue à l’arrivée au pouvoir des « marmousets » (sobriquet qui sera donné aux ministres de Charles V, puis de Charles VI), intervient dans les négociations entre la France et l’Angleterre; ses liens avec Louis d'Orléans l’exposent aux calomnies des Bourguignons, et il est même accusé d’empoisonnement.

 

Le rêve de sa vie fut la croisade : la visite des Lieux saints lui inspire l’ambition de reconquérir le royaume de Jérusalem. Pendant plus de quarante ans, il se fait le porte-parole de cette idée, organisant de véritables campagnes de presse (Épître à Philippe le Hardi), voyageant, instituant un ordre de chevalerie, l’ordre des Chevaliers de la Passion, qui rassemble en une confrérie religieuse des grands du temps (duc de Touraine, duc de Bourbon, Boucicaut, Granson) et tente de réorganiser une aristocratie qui a perdu ses idéaux.

 

Ses œuvres sont latines (Vita sancti Pétri Thomasii, Contemplatio horae mortis, Soliloquium peccatoris, Oratio tragedica qui est un appel à la croisade) et françaises (Livre de la vertu du sacrement de mariage et du réconfort des dames mariées, Epistre lamentable sur le faict du roi de Honguerie par les Turcs devant Nicopoli). Elles sont dominées par le Songe du vieil pèlerin, ouvrage de « bonne policie » adressé à Charles VI.

 

L'impossible tentative du Songe

 

Un enchevêtrement de schémas narratifs et d’intentions : dans le prologue, nous voyons l’auteur dans sa cellule. Providence lui apparaît et l’engage à chercher les Vertus qui ont fui le royaume depuis que le mur des péchés est dressé entre Dieu et les hommes. Il traverse le ciel, devenu Ardent Désir, en compagnie de Bonne Espérance. Il arrive chez l’ermite Arsène, qui lui conte sa vie et son expérience d’alchimiste et lui indique le chemin du Paradis, haute montagne entourée d’un fleuve. En ce lieu enchanteur, Gracieuse accueille les voyageurs et les conduit aux palais d’Allégresse, Amoureuse et Bonne Aventure, abondamment décrits, puis chez Charité, Sapience et Vérité. Ces personnifications décident de descendre sur terre pour vérifier les « besants » des habitants, selon une métaphore que Philippe avait prise à son propre compte dans le prologue, s'inspirant de la parabole des talents. Alors commence un long itinéraire qui nous emmène à travers tout l’univers connu du temps, univers imaginaire (Inde la Maieur; pays du prêtre Jean; pays des Bragannains, qui pratiquent la loi naturelle; pays de Fémenie, chez le grand khan de Tartarie), puis univers réel : Constantinople, l’Allemagne (avec une digression consacrée à l’ordre Teutoni-que), la Scandinavie (excursus sur la pêche au hareng), la

« que, un « effet de réel » qui rend possible une lecture purement lit téra le : « Le revêtement all égo rique , presque partout opaque, éclate violemment çà et là, au point d'ar­ racher l'ensemble du discours au plan qui était le sien et de le trans poser virtuellement sur celui d'une narration historique univoque» (P.

Zumthor).

Composition allégorique où l'écriture allégorique se met en question, témoignage historique, satire morale et sociale, œuvre d'enseignement, le Songe est un foyer de divergences, un point d'équilibre précaire -et une impasse: l'a ll égorie ne pourra plus qu'être un rapport factice, un artifice de présentation, comme dans le Songe du Verger, ou devra se construire son propre «réel », comme dans le Livre du cuer d'amour espris de René d'Anjou, ou comme chez Charles d'Orléans, plutôt que de tenir un discours sur la réalité.

Mais en dehors de ces problèmes formels, le Songe du vie il pèlerin, avec sa tournure polémique, offre un excellent exemple de l'in­ vasion de l'événement dans cette littérature du x1v• siè­ cle, qui ne lui échappe pas même dans les domaines les moins vulnérables tels que le lyrisme.

[Voir aussi ALLÉGORIE MÉDII�VALE).

BIBLIOGRAPHIE Édition.- G.W.

Coopland.

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A consulter.

-E.

Gobnistcheff-Koutousoff, Étude sur le Livre de la vertll du sacrement de mariage, Belgrade, 1937; id., l'His· toi re de Grisélidi:: en France au xrll' et au Xl" siècle, Paris, 1933; D.M.

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Stru b el , >.

les Épopées de la croisade.

S tut ­ tgart.

Steiner Ver' ag.

1987.

p.

163-169.. »

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