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Philippe Jacottet, L'Effraie

Publié le 29/03/2011

Extrait du document

A l'heure où la lumière enfouit son visage dans notre cou, on crie les nouvelles du soir, on nous écorche. L'air est doux. Gens de passage dans cette ville, on pourra juste un peu s'asseoir au bord du fleuve où bouge un arbre à peine vert, le temps de faire ce voyage avant l'hiver, de t'embrasser avant de partir ? Si tu m'aimes, retiens-moi, le temps de reprendre souffle, au moins juste pour ce printemps, qu'on nous laisse tranquilles longer la tremblante paix du fleuve, très loin, jusqu'où s'allument les fabriques immobiles... Mais pas moyen. Il ne faut pas que l'étranger qui marche se retourne, ou il serait changé en statue : on ne peut qu'avancer. Et les villes qui sont encor debout brûleront (1). Une chance que j'aie au moins visité Rome, l'an passé, que nous nous soyons vite aimés, avant l'absence, regardés encore une fois, vite embrassés, avant qu'on crie « Le Monde « à notre dernier monde ou « Ce Soir « (2) au dernier beau soir qui nous confonde... Tu partiras. Déjà ton corps est moins réel que le courant qui l'use, et ces fumées au ciel ont plus de racines que nous. C'est inutile

de nous forcer. Regarde l'eau, comme elle file par la faille entre nos deux ombres.

C'est la fin, qui nous passe le goût de jouer au plus fin. Philippe Jacottet, L'Effraie, 1945-1950. (1) « Et les villes qui seront encore debout brûleront «. Allusion à la Bible ; les villes corrompues de Sodome et Gomorrhe furent vouées à la destruction par le feu divin. Le juste Lot h et sa famille furent seuls autorisés à s'enfuir avant la catastrophe à condition de ne pas se retourner ; la femme de Loth, ayant transgressé cette interdiction, fut changée en statue de sel. (2) « Le Monde «, « Ce Soir « : journaux du soir.  

SUJET Faites un commentaire composé qui dégagera les principaux thèmes de ce poème, en respectant leur progression, et en faisant ressortir les effets de contraste. PLAN

Introduction ■ Situation de Ph. Jacottet, notre contemporain. ■ Poésie qui présente toujours une conception de l'univers. ■ Valeur complexe de l'œuvre, dès L'Effraie, recueil où se situe ce poème. ■ Après idée générale et valeur formelle d'ensemble (alexandrins d'une graphie prosaïque),...   

« Situation de Ph.

Jacottet, notre contemporain. Poésie qui présente toujours une conception de l'univers. Valeur complexe de l'œuvre, dès L'Effraie, recueil où se situe ce poème. Après idée générale et valeur formelle d'ensemble (alexandrins d'une graphie prosaïque),... ...

présentation des 2 thèmes d'étude. Ire partie : L'expérience poétique s'éprouve au contact de la réalité sensible. Paysage étouffé : teintes, sensations tactiles, formes, mouvements. Les personnages : les 2 amoureux. Mais les choses, comme eux-mêmes, se liguent pour leur donner le sentiment de la précarité : — le souvenir; — la lumière s'éteint; — l'agression de la Cité; — les nouvelles. IIe Partie : L'interrogation que la mort pose sur le sens de la vie. Sens du titre L'Effraie. L'expérience poétique dans le dénuement, l'effacement. Mais d'abord désarroi, inquiétude. La vie passage. L'éphémérité du voyage, de l'amour... L'usure des êtres. Le thème de l'eau qui « file ».

Rapidité du passage.

Conclusion Impression amère, déprimante. Mais ce sont les poèmes du début de L'Effraie surtout qui ont cette tonalité. Évolution de l'obscur vers le lumineux, dans L'Effraie (derniers poèmes) et dans toute l'œuvre de Jacottet. Cf.

la poésie de cette génération (Bonnefoy, Du Bouchet). DEVOIR RÉDIGÉ Né en Suisse romande en 1925, Philippe Jacottet est donc un poète immédiatement contemporain.

Comme beaucoupde poètes de sa génération, tels Yves Bonnefoy, André Du Bouchet et Jacques Dupin — dont il est ami d'ailleurs —,il abandonne les recherches épuisantes d'un Absolu problématique; tout de modestie et d' « effacement », il serefuse à estimer que la beauté se suffit à elle-même, n'est que pur ornement.

Toujours derrière l'émotion poétiqueou l'effusion esthétique apparaît une conception de l'univers, véritable saisie philosophique du monde.

Or Jacottet,spécialement, eut très jeune la révélation inouïe de la Grèce antique, la tentation de la « démarche discursive desLatins », tandis que l'idéalisme de la pensée allemande, qu'il connaît aussi de très près (il est un excellenttraducteur), représente une autre tentation.

Son œuvre en acquiert une valeur complexe et subtile, déjàperceptible dans ce poème Les Nouvelles du Soir.

Mais, extrait de son recueil L'Effraie, un des premiers écrits etpubliés, il laisse seulement percevoir l'évolution future du poète, à travers cette présentation inquiète et contrastéed'un soir, vécu dans une ville, près d'un fleuve, avec une femme, dans un monde où tout passe, ensemble d'indéfinisrendus plus poignants grâce à l'utilisation d'alexandrins assez réguliers et simples, présentés curieusement commeune prose rimée.

Déjà cependant se trouvent dans ce texte deux des principaux aspects de sa poésie.

Celle-ci partd'un élément quotidien, banal ou ténu, d'un paysage ou d'une heure de tous les jours et de toujours (1er thème);mais c'est l'étape initiale d'une recherche : l'interrogation que la mort pose sur le sens de la vie (2e thème).. »

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