Devoir de Philosophie

Poésie et politique : les enjeux liés à la création d'une langue chez Senghor

Publié le 10/08/2014

Extrait du document

langue

 

La démarche poétique ne se dissocie pas, chez Senghor, de la démarche politique. « Ambassadeur du Peuple noir « (p. 135), il est aussi « le Dyâli « (p. 110), c'est-à-dire le poète-griot chargé de véhiculer et de trans­mettre les valeurs de la négritude. Cela confère à son oeuvre une dimension à la fois esthétique et politique.

langue

« E X P 0 S É S F C H E S origines sérères, Senghor fait aussi opérer à la langue française une remontée vers sa source étymologique, le latin.

Il revivifie les mots en redonnant force aux préfixes, qu'il détache typographiquement du radical : « C'est l'heure de la re-naissance » ( « Chaka », p.

127).

C'est aussi une manière pour lui de remonter aux sources d'une éducation chrétienne.

donc à sa propre source lorsque retentis­ sait« !'Ave Maria de Joal »(p.

153).

D'une manière assez paradoxale, c'est donc en remontant aux origines de la langue française que Senghor atteint ses propres racines.

La quête poétique se double donc d'une quête existentielle.

Il -LES ENJEUX POLITIQUES LIÉS À CETTE QUÊTE POÉTIQUE S'approprier la langue du colonisateu~ Le français étant la langue du colonisateur, les choix poétiques de Senghor prennent une signification politique.

Même si la démarche de Senghor est moins insurrectionnelle que celle de son ami Césaire, elle n'échappe pas à l'engagement.

En intitulant son recueil Éthiopiques, le poète affirme en effet sa volonté d'ancrer la négritude au cœur del' Afrique et de se donner le statut d'un nouveau Pindare: il lui revient donc d'être celui par qui la négritude se dira, conférant aux Noirs une identité.

Senghor prend donc dans une certaine mesure la figure révolutionnaire du poète noir tel que le décrit Jean-Paul Sartre dans « Orphée noir », sa Préface à ! 'Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache : le héraut qui arrachera de soi la négritude pour la tendre au monde, à demi prophète, à demi partisan, bref un poète, au sens précis du mot vat es*.

Cette parole de la négritude sonne donc comme un défi à l'ordre établi par le colonisateur: en s'appropriant une langue utilisée en d'autres temps comme un outil d'asservissement, en en faisant un usage poétique et non plus fonctionnel, le poète renverse les hiérarchies et fait de la langue de !'Autre le moyen de construire sa propre identité.

Concilier les contraires Mais la poésie de Senghor n'est ni polémique, ni imprécatoire: son rapport à la langue française est caractérisé par le détour.

En effet, son écriture ne passe par !'Autre que pour revenir au Même, c'est-à-dire à l'identité nègre.

Soucieux de connaissance plus que de conquête, Senghor conçoit une figure de poète proche de celle qu'illustre« Chaka ».Au terme de la dramaturgie qui lui permet de vivre« sa passion », Chaka renonce à la violence de l'action politique, pour devenir un poète-griot, un « passeur » de la négritude : « Et moi, je suis celui-qui-accom­ pagne, je suis le genou au flanc du tam-tam[ ...

] Que du tam-tam surgisse le soleil du monde nouveau » (p.

132).

Ni démiurge, ni combattant, Senghor pratique donc «une poésie de l'action » centrée sur la quête plus que sur la conquête.

Conclusion : Le travail sur la langue française entrepris par les poètes de la négritude a donc une portée à la fois poétique et idéologique.

C'est dans la perspective d'une quête identitaire que Senghor tente d' « apprivoiser avec des mots de France ce cœur venu du Sénégal».

Il ne« défrancise» les mots que pour atteindre à un langage supérieur, solennel et sacré, capable de surmonter les antagonismes.

La langue de la négritude est chez lui plus fusionnelle qu'insurrectionnelle: «Écoute ma voix singulière qui te chante dans lombre/ Ce chant constellé de léclatement des comètes chan­ tantes./ Je te chante ce chant d'ombre d'une voix nouvelle/ Avec la vieille voix de la jeunesse des mondes » ( « Chant d'ombre », p.

42).. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles