Pourquoi le mariage ?

« Influencés par lui, nous continuons à nous épouser dans l'espoir que ce sera pour toujours. *** Malheureusement l'amour fou dure rarement, et lier le mariage à la passion rend sa durée aussi courte que les feuxde l'état amoureux.

Ainsi s'expliquent les nombreux divorces et pour une part la désaffection dont souffre l'institutiondu mariage.

Néanmoins celui-ci a su s'adapter, et bénéficie de circonstances qui atténuent actuellement certainesdes causes de son déclin, ou entretiennent artificiellement son aura. Ceux qui croient en la passion se marient pour la prouver, et ne sont pas toujours découragés d'atteindre leur idéalaprès une séparation : ils se remarient.

D'autres, mariés par convention sociale, se remarient pour les mêmes raisonssi l'occasion se présente après une profonde mésentente ou la lassitude.

D'autres encore, sans croire à la pérennitédu mariage, se marient par commodité ou conformisme, par peur de la solitude, à partir du moment où il pensent quele couple a des chances de durer plusieurs années. Quelle que soit la situation, la banalisation du divorce, les facilités administratives qui lui sont accordées, permettentde ne plus faire du mariage un carcan ni un engagement à vie dont il sera difficile de s'échapper.

On sait à l'avancequ'en cas de mésentente on peut rompre le contrat.

Les mentalités ont changé, on peut espérer que les enfantssouffriront moins d'une séparation, et l'on sait que la femme divorcée n'est plus mise au ban de la société.

Cetteévolution permet de concilier divers intérêts et enlève au mariage certains de ses inconvénients tout en luiconservant ses avantages, y compris financiers pour la fiscalité ou certaines primes : l'Etat conserve au mariage unstatut privilégié tout en améliorant la condition des concubins. Cette adaptation du mariage a coïncidé durant les années 1980 avec un déclin des raisons qui l'avaient faitcondamner avec virulence durant les décennies précédentes.

Ainsi le féminisme, la révolte des jeunes contre l'ordresocial établi, dont le mariage était un pilier, mettaient à la mode durant les années 60 ou 70 la vie en communautéet l'amour libre.

Ils cèdent la place actuellement à un renouveau de la cellule familiale et au repli sur le couple, quel'on nomme parfois le cocooning, d'après le mot anglais qui désigne cette tendance des mentalités.

Plus récemment encore, la crainte du sida a peut-être redonné un intérêt à la stabilité et à la fidélité.

Quoi qu'il en soit, lesgénérations présentes sont moins révoltées, et lorsqu'elles s'inquiètent au point d'aller dans la rue ou d'êtreviolentes, c'est contre les inégalités ou le chômage, qui les empêchent de vivre comme tout le monde ou de vivretout court. Enfin, la société de consommation et la publicité ont parfaitement saisi que le mariage était un marché qu'il fallaitconserver.

Il est l'occasion d'une fête où l'on peut dépenser beaucoup, où l'on offre encore des cadeaux.

C'estpourquoi, lors de la saison favorite des épousailles, au printemps et au début de l'été, les murs se couvrentd'affiches de grands magasins montrant par exemple une jeune mariée affirmant qu'elle ferait n'importe quoi pourdéposer sa liste rive gauche (au Bon Marché à Paris).

Les vendeurs de robes de mariage, les orfèvres et tailleurs dediamants, les producteurs de champagne ne sont pas les seuls à avoir un intérêt direct dans la préservation decette coutume. Or le matraquage publicitaire ne se contente pas d'inciter à l'union officielle dans un but lucratif.

Il entretientégalement le prestige du mariage et le goût de la vie en couple en les associant à la plupart des produits, ainsiassimilés à l'idée du bonheur.

Plus subtilement encore, une grande marque de voiture a même récemment utilisé ledivorce comme argument de vente, en montrant le même homme, à des âges différents, changeant quatre ou cinqfois de femme devant le maire et le curé, mais sans changer de voiture ! Tout en montrant la relativité de l'en gagement nuptial, ce spot entretient insidieusement l'idée que l'on peut se marier plusieurs fois sans problème et dans la joie. *** Le mariage conserve donc un certain succès, pour de multiples raisons.

L'une des meilleures preuves en est lebattage médiatique fait autour des unions de stars, même lorsqu'elles en sont à leur troisième ou septième essaicomme Johnny Hallyday, Eddie Barclay ou Liz Taylor. Plus significative encore est la réaction du public devant les mariages de leurs souverains, qui symbolisent lesvaleurs auxquelles aspire une société.

Ainsi le récent mariage du prince héritier japonais a fait espérer uneamélioration de l'économie, et la séparation du prince Charles et de Lady Di relance le débat autour de la monarchieen Grande-Bretagne. Même si dans la vie courante les moeurs laissent place à une relative variété des modes de vie et de couple, cesfaits, même anecdotiques, sont un signe de la persistance de la faveur qui entoure la bague glissée au doigt.. »