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PRÉVERT Jacques : sa vie et son oeuvre

Publié le 27/11/2018

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PRÉVERT Jacques (1900-1977). Le mégot au coin des lèvres, la casquette de titi posée sur une tête ronde aux yeux grands ouverts, émerveillés d’une enfance qu’il n’a jamais voulu quitter : c’est ainsi que son ami le photographe Robert Doisneau a su capter l’image — désormais presque légendaire — de Jacques Prévert, sorte de Villon de notre siècle, inlassable piéton déambulant dans les rues de Paris, en compagnie, pourrait-on imaginer, de Queneau ou de Hardellet, illuminé par cette « lumière d’hommes » qui rayonne, plus que jamais, dans le recueil posthume Soleil de nuit (1980); familier également et, surtout, tellement proche; par-delà les modes et les théories éphémères, des générations d’adolescents n’en finissent pas, adultes, d’être habités par les petites phrases de cet homme singulier. A son œuvre, plus qu’à toute autre, s’appliquerait l’expression de « poésie vivante », si Prévert ne l’avait d'emblée trouvée pléonastique : « La poésie, c’est un des plus vrais, un des plus utiles surnoms de la vie » (Hebdromadaires, 1972). Quant à l’épithète « populaire », employée pour le caractériser — de façon parfois péjorative —, elle risquerait, si elle n’était elle-même précisée, d’éluder l’apport spécifique de ce poète difficilement situable.

 

Car si Jacques Prévert, né avec le siècle à Neuilly-sur-Seine, enfant des rues s’accommodant de mille petits métiers, à l’affût du moindre « fait divers », a fréquenté le groupe surréaliste, c’est en marge, plus par amitié à l’égard de certains de ses membres que pour participer effectivement à l’activité organisée par André Breton : aussi les distances sont-elles bientôt prises entre celui-ci et le « groupe de la rue du Château », où cohabitent, menant une vie de bohème plus adéquate aux « Années

 

folles » qu’on ne croirait, Yves Tanguy, Marcel Duhamel et, plus tard, Raymond Queneau, aux côtés des frères Prévert. Ce qui ne signifie nullement que l’action sociale n’intéresse pas Jacques Prévert. Son activité théâtrale au sein du groupe Octobre, qui pratiquait une sorte d'agit-prop, l’atteste (cf. Spectacle, 1951). Mais Prévert se méfie comme de la peste de l’intellectualisme débridé, refuse de se prendre au sérieux et de considérer l’« œuvre à faire » : pendant de longues années, il éparpille aux quatre vents textes et chansons que Joseph Kosma mettra en musique (les Feuilles mortes, Démons et merveilles, Chasse à F enfant, etc.) sans se préoccuper le moins du monde de les rassembler en recueil, et il faudra attendre la fin de la guerre pour que René Bertelé, qui s’est attelé à cette tâche, publie enfin Paroles (1946) dont le succès est immédiat.

 

Mais Jacques Prévert est alors déjà connu par le cinéma, une de ses passions majeures; il a collaboré avec les plus grands metteurs en scène du temps, et participé à la réalisation des films inoubliables de Jean Renoir (le Crime de M. Lange, 1935) et de Marcel Carné (Drôle de drame, 1937; Quai des brumes, 1938; les Visiteurs du soir, 1942; les Enfants du paradis, 1944; les Portes de la nuit, 1946)... Activités multiples, donc, mais qui toutes relèvent de la même démarche, du même élan pour dire et pour montrer, pour communiquer, comme l’a écrit Gaëtan Picon, une « poésie de la réalité, poésie du monde réel et du monde moderne [qui] exprime notre vie la plus simple et la plus immédiate », hors de tout mysticisme et de toute abstraction.

 

Cette « poésie intempestive » (Rolland de Renéville) est avant tout — comme le titre du premier recueil l’indique — de paroles, et refuse toute spéculation intellectuelle; parce que les hommes qui se perdent dans leurs pensées, en s’isolant du monde extérieur, se coupent de toute possibilité d'émerveillement et de colère, en un mot, de passion, devant le monde présent, face aux « pépins de la réalité ». Les titres des recueils suivants ne disent pas moins ce désir de rester sur terre, de retenir ce que chacun peut voir, tous ces « faits divers », donc, qui « font la vie » : ainsi Spectacle, Histoires (1946) et, surtout, la Pluie et le Beau Temps (1953), Choses et autres (1972), la Cinquième Saison (posth., 1984), sans oublier ce Fatras (1966) inspiré d’un terme que les dictionnaires définissent à la fois comme « amas confus de choses » et comme « composition poétique », et dans lequel Prévert mêle et entrelace textes de toutes sortes et collages en tous genres.

« Prévert poursuit au contraire un travail méticuleux de démystification et de nettoyage : un travail de dissocia­ tion qui va de pair avec un ressourcement de la méta­ phore.

Celle-ci n'est plus de coïncidence, mais de suc­ cession, et ses termes se relient comme les éléments d'une séquence : le défilé de l'« Inventaire » s'apparente au déroulement cinématographique et rappelle opportu­ nément que la poésie est démarche, mouvement qui ouvre sur une transfiguration, simplicité retrouvée dans la proximité au monde.

Ce que Georges Bataille, qui a écrit l'étude la plus incisive sur Prévert (Critique, n° 3), exprime ainsi :. »

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