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«Qui se confesse ment, et fuit le véritable vrai, lequel est nul, ou informe, et en général indistinct. Mais la confidence toujours songe à la gloire, au scandale, à l'excuse, à la propagande», déclare Paul Valéry dans une étude sur Stendhal. Partagez-vous cette opinion à propos des quatre premiers livres des Confessions de Rousseau ?

Publié le 13/07/2010

Extrait du document

stendhal

Plan dialectique

 I. La quête de la vérité  a. montrer ses vertus et ses péchés  b. explorer les fondements de l'être  II. Le souci déformant de la démonstration  a. un désir de se disculper  b. embellir le passé  III. La sincérité, par-delà la vérité et le mensonge  a. rechercher la vérité intérieure  b. retrouver la psychologie de l'enfance et de l'adolescence

stendhal

« T Intus et in cute : cet exergue au livre I semble donc bien annoncer le contenu des Confessions, qui,conformément au programme du préambule, montrent toutes les facettes d'une personnalité.

Le «pacteautobiographique», pour reprendre une formule de Philippe Lejeune, paraît scellé.

Mais la peinture, chez Rousseau,n'est pas gratuite : elle répond à un objectif très précis, clairement énoncé dans le préambule et amplifié dansl'appel au lecteur du final au livre IV : «C'est à lui d'assembler ces éléments et de déterminer l'être qu'ils composent(...) je les dois tous dire, et lui laisser le soin de choisir.» Rousseau serait-il donc un simple pourvoyeur de faits ou,comme le suggère Valéry, un vil menteur? II.

a.

Force est de constater que les intentions de Rousseau ne sont pas d'une neutralité ou une objectivitéparfaites, le préambule lui-même le prouve.

«Qu'un seul (lecteur) dise, s'il l'ose : je fus meilleur que cet homme-là» :dans cette reprise implicite de la scène de lapidation évangélique, la réplique est évidemment impossible.

Personnen'osera, précisément, jeter la pierre à l'innocent.

Cette entrée en matière fracassante a le mérite d'avertir tout desuite le lecteur sur la tournure auto-apologétique du texte.

Rien d'étonnant lorsqu'on replace Les Confessions dansleur contexte : un libelle, sans doute lancé par Voltaire, en 1764, a révélé à tous l'abandon de ses cinq enfants parl'auteur même de L'Émile.

Ce coup le décide à mettre en oeuvre un projet de longue date : lever le voile sur unepersonnalité complexe que ses contemporains avaient bien du mal à comprendre, sinon à accepter.

Aussi larecherche d'une excuse pour ses «fautes» suit-elle immanquablement leur aveu : nombreux en sont les exemples,comme la méchanceté de son maître Ducommun pour sa (passagère) déchéance morale, la nécessité de survivre enpays catholique pour l'abjuration de la religion de ses pères, le sentiment du devoir accompli (!) pour l'abandon de M.Lemaître...

Mais c'est le vol du ruban et l'accusation de Marion, la servante, qui montrent le mieux cette frénésie demea culpa et de disculpation simultanée : c'est l'amour qui aurait inspiré cet acte «atroce» ! Ce sont sa «faiblesse»d'enfant et la sévérité du comte de la Roque qui l'auraient ensuite empêché de se dénoncer...

Les Confessions sontdonc bien en réalité un plaidoyer pro domo : elles tendent à prouver sa bonté originelle, reprenant à son compte ceque son prédécesseur en confession, Saint-Augustin, attribuait jadis à Dieu.

Pour reprendre les mots de Valéry, laconfession est un prétexte à «l'excuse» et, par là-même, à l'absolution, mais pas à la «propagande», ni à la «gloire»,qu'il avait déjà, ni au «scandale», déjà révélé par d'autres. II.

b.

Le temps est aussi un miroir déformant, même si certains souvenirs, comme la mouche ou les framboisiers del'étude à Bossey, sont d'une précision étonnante: dans les termes valériens, ce «nul» revendiqué est tout sauf«indistinct».

Pourtant, ils s'enchaînent sans solution de continuité, donnant une impression de densité à ce fluxchronologique.

C'est peut-être précisément ce qui le rend suspect : «(...) s'il m'est arrivé d'employer quelqueornement indifférent, ce n'a jamais été que pour remplir un vide qui a été occasionné par mon défaut de mémoire(...)» : l'art, et donc l'artifice, sont les béquilles d'une histoire qui ressemble plus à un roman picaresque qu'à unrecueil de souvenirs.

De pldi, ce passé est trop heureux, à de rares exceptions près (épisode du peigne cassé et del'apprentissage) pour être véridique.

Les bonheurs y sont idylliques, comme à Bossey, dans un jardin au goût de«paradis terrestre», ou chez «Maman» : tout a les couleurs de l'âge d'or originel.

Les mésaventures n'y sont plusque burlesques, comme dans l'épisode des noyers de la terrasse, la chasse aux pommes, ou encore le séjour àl'hospice de Turin : une ironie attendrie plane alors sur eux.

L'enfance et la jeunesse sont idéalisées, biennaturellement, par un écrivain vieillissant et malade en butte à la malveillance.

Valéry voit juste : le passé estarraché à l'«informe», mais c'est par la grâce du souvenir qui le transforme en roman. Le jugement de Valéry est donc trop sévère, même si partiellement juste.

Certes, Rousseau a indéniablementcherché à prouver sa bonté originelle, en expliquant ses dérives par des facteurs externes et liés à la société :schéma essentiel de sa pensée qu'il vérifie encore dans son propre cas.

Plutôt que de parler de «mensonge», il fautdonc plutôt parler de mise en perspective, de démonstration.

Quant aux autres inexactitudes, on ne peut lesattribuer à sa mauvaise foi, lorsqu'on considère les mécanismes naturels de la mémoire et de l'imagination.

Tout auplus peut-on lui reprocher d'avoir usé de certains artifices littéraires pour rendreson récit plus attractif ; mais ils n'altèrent jamais la vérité, et il n'y a jamais de mensonges volontaires.

Le parti prisde vérité défendu par l'auteur souffre donc des aménagements.

Cela nous conduit à rejeter la contradictionapparente qui existerait entre vérité et mensonge ; où se trouve alors le terme unificateur ? III.

a.

L'ambition de Rousseau n'est pas seulement de peindre «un homme dans toute la vérité de la nature», chosedéjà nouvelle à l'époque.

Il veut aussi «dévoile [r] son intérieur», faire l'histoire de sa vie intellectuelle et morale.

Lepréambule nous avertit : «J'ai pu supposer vrai ce que je savais avoir pu l'être» : les menus accommodements avecla vérité extérieure ne se font jamais contre elle, et toujours en accord avec la vérité intérieure.

Autrement dit,seule la sincérité compte.

Le mensonge inconscient n'est pas mensonge.

Un nouveau système moral se met enplace, autour de l'évangélique bonne volonté : les «crimes» involontaires ne sont pas coupables, ni ceux accomplisen des circonstances atténuantes, notion pénale qui ne s'exprime pas encore en ces termes mais qui est très claire,dans sa recherche permanente de l'excuse.

Rousseau, à l'en croire, n'est coupable de rien, et surtout pas de la mortde sa mère, traumatisme encore accentué par les marques déplacées du regret paternel, et qui explique sans doutecette quête éperdue de l'innocence.

S'il arrange la vérité, ou plutôt l'épure, ce n'est pas qu'il «fuit le vrai», c'estqu'il le recherche. III.

b.

Cette quête de la vérité intérieure le pousse sur des voies inexplorées : celles de la psychologie enfantine et. »

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