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RABELAIS: L'HOMME ET LE SAVANT.

Publié le 22/06/2011

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1. — L'HOMME.

Telle fut, esquissée à grands traits et aussi exactement que possible, la vie de François Rabelais. De l'homme qui a mené cette existence et qui, ainsi qu'il le dit lui-même, n'a cessé « d'errer par le monde « avons-nous, aussi bien au moral qu'au physique, un portrait fidèle? L'incertitude, qui se montre dans une notable partie de sa vie, s'étend jusqu'à sa personne : non seulement la figure du grand écrivain n'a été, de son vivant, représentée par aucun peintre ni aucun graveur ; mais aucun des prosateurs ou des poètes de son temps ne nous a retracé sa physionomie propre, non plus que son véritable caractère. Le premier portrait de Rabelais date de 1569 et est, par suite, postérieur de près de quinze ans à l'année probable de sa mort. Il apparut dans l'édition de Jean Martin, à Lyon: la tête, vue de profil, est ronde; la barbe est bien fournie; le nez, bien fait et légèrement relevé; sur la tête, il n'y a ni calotte ni bonnet de docteur. Au-dessous du médaillon, ces mots : Franc. Rabelais. Deux ans plus tard, le même portrait réapparaît, mais avec de telles modifications que l'on est tenté d'y voir, en dépit de la légende s M. François Rabelais «, plutôt les traits de Clément Marot que ceux de l'auteur de Gargantua. Dès le début du dix-septième siècle, en 1601, croit-on, Rabelais figure sur une grande planche, due à un habile graveur, au milieu des « Pourtraicts de plusieurs hommes illustres qui ont vécu en France depuis l'an 1.500 jusqu'à présent. « On le voit, dans la série des médecins, entre Jacques Dubois et Guillaume Rondelet. Il est représenté de trois quarts, à gauche. Les traits, accusés et énergiques, ne manquent pas de beauté. Le nez est un peu fort et, à l'extrémité, légèrement arrondi.

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« Alloit dans le vin barbouillantComme une grenouille en la fange.

» L'auteur d'une Description de la France, publiée en 16o5, François des Rues, n'est pas moins cruel : « Enfin, dit-il,Rabelais jette le froc aux orties pour exercer plus librement sa vie lubrique, vivant comme un épicurien, ne passantjamais aucun jour qu'il ne fût ivre », et, dans le Rabelais réformé, un certain P.

Garasse le représente, au cours deson séjour à Rome, comme un bateleur de foire et comme une espèce de bouffon, capable des pires irrévérences.Voici ce qu'il lui fait dire : « Après avoir faict force tours,Je fus las d'esprit, et, en sommé,Rôdant partout et menant l'ours,Voulus voir que c'est que de Rome.» Il est vrai que Rabelais accrédita lui-même la légende le représentant, de son vivant peut-être, en tout cas, dansles années qui suivirent sa mort, comme un intempérant et un ivrogne: ne dit-il pas, quelque part (prologue du livreIII), qu'il lui faut, avant de trouver l'inspiration, « humer quelque traict de ceste bouteille », que c'est là son « vraiet seul Helicon », que c'est « sa fontaine Caballine », que c'est son « unique enthusiasme » ?Il n'y a là, n'en doutons pas, qu'une de ces exagérations plaisantes, si fréquentes chez Rabelais.

L'oeuvre même, lespréfaces précédant chaque livre, sa correspondance, les lettres de ses amis nous font voir un autre Rabelais.Essayons de le montrer tel qu'il fut. Rabelais, sans aucun doute, aime le vin.

Né dans un pays qui en produit, et en produit d'excellent, il apprit dès saplus tendre enfance, à l'apprécier.

« L'odeur du vin, dit-il, o combien est plus friant, riant, priant, plus céleste etdélicieux que d'huile ! » — « Je mouille, dit-il ailleurs, je humecte, je boy ; et tout de peur de mourir.

Beuveztoujours, vous ne mourrez jamais.

»Et sa joie est si grande, quand il boit, qu'elle se traduit en un hymne d'action de grâce : « Que Dieu est bon, quinous donne ce bon piot! »Mais ce n'est pas tout de boire « simplement et absolument », car « aussi boivent les bêtes »; il faut « qualitécompétente » pour « opiner des substance, couleur, odeur, excellence, éminence, propriété, faculté, vertu, effectet dignité du benoist et désiré piot » et pour être admis au « conseil bacchique.

» Rabelais est un gourmet et unconnaisseur.Il aime à rire, et il rit toutes les fois qu'il en a l'occasion, et, ce qui vaut mieux, il fait rire.L'évêque Jean du Bellay, qui le connaissait et l'aimait bien, disait qu'il était « capable de divertir la plus noiremélancolie »; il est vrai que c'était surtout en petit comité, dans un cercle d'amis éprouvés, qu'éclatait cette vervejoyeuse, car, lorsqu'il s'apercevait que quelque riche châtelain ou quelque grand seigneur l'avait invité pour amuserles convives, il n'ouvrait la bouche que pour manger et boire, et le repas se passait, sans qu'on obtînt de lui uneseule de ces plaisanteries, qui, dans d'autres circonstances et avec d'autres personnes, eussent animé et égayé laconversation.Une épitaphe, rédigée en latin par du Bellay, fait dire à Rabelais : « Ne pleure pas, voyageur, ris si tu veux êtreagréable à mes mânes » ; et un autre poète de la Pléiade, Baïf, s'exprimait ainsi : « O Pluton, Rabelais reçoiAfin que toi, qui es roi,De ceux qui ne rient jamaisTu aies un rieur désormais.

» Qui Rabelais évite-t-il? Qui recherche-t-il? L'inscription, mise sur la grande porte de Thélème, nous l'apprend.Il fuit, comme la peste, les hypocrites et les « bigotz », les amateurs de « proces et debatz », clercs, basauchiens,mangeurs du populaire », les « usuriers chichars » et les « leschars », qui toujours amassent, et les « rassotés demastins », qui du soir au matin crèvent de jalousie et de chagrin.Il aime, au contraire, les « nobles chevaliers » et, de façon générale, tous ceux, quelles que soient leur situationsociale et leur fortune, qui sont gais, gaillards, joyeux et « gentilz » compagnons ; et il s'en faut qu'il trouve dudéplaisir en la société des « dames de haut parage », de « franc courage », « Fleurs de beauté, à céleste visage,A droit corsage, à maintien prude et sage.

» La gaieté de Rabelais était légendaire, et c'est là sans doute l'origine de toutes les anecdotes qu'on lui attribue.De bons esprits, Voltaire notamment, en ont rejeté plusieurs, qu'ils jugeaient indignes d'un grand penseur et d'unprofond philosophe : de ce nombre sont, par exemple, celles qui se rapportent aux derniers jours de Rabelais.

Ondisait qu'à son lit de mort il s'était fait revêtir d'un domino et que, son confesseur lui reprochant cette tenue. »

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