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REFUS D'UN RÔLE MORAL OU POLITIQUE

Publié le 28/03/2015

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A cette conception, Ionesco n'a jamais voulu qu'on amal­game sa pratique dramatique. D'où toute une série de mal­entendus et de polémiques qui ont émaillé sa carrière littéraire. La Cantatrice chauve était la mise en scène déli­rante d'un langage vidé de sa propre substance, réduit aux formules toutes faites d'une conversation mécanique : les critiques ont souvent voulu interpréter cette pièce comme une vigoureuse dénonciation de la bourgeoisie et de son dis­cours stéréotypé. Mais avec Les Chaises, ils ont réagi quel­quefois contre une pièce décrivant un univers livré à une absurdité totale et où la dénonciation du monde tel qu'il est ne semblait pas s'accompagner de l'invitation à le renver­ser. Amorçant une longue et passionnante polémique, le cri­tique anglais Kenneth Tynan reprochera en 1958 à Ionesco de ne nous proposer que l'image d'un monde lugubre « d'où seront exclues à jamais les hérésies humaines de la foi en la logique et de la foi en l'homme «: Les Chaises ne dessinent qu'une impasse car elles dépeignent un univers coupé du monde, délibérément privé de toute possibilité de significa­tion.

« 308 / Écriture et représentation .

~ «Toute vue uniforme, unilatérale, partisane, est l'expression d'une mauvaise foi.

L'histoire a une multi­ plicité de directions.

Les inquiétudes de l'époque nous les portons avec nous, tout naturellement.

L'artiste doit les laisser s'exprimer avec une liberté toute naturelle: dans leurs contradictions vivantes, elles nous révéleront une vérité complexe, étonnante, beaucoup plus instruc­ tive que n'importe quelle leçon: les leçons sont faites pour nous mener par le bout du nez et nous cacher la vérité complexe, dans ses contradictions.

La leçon du théâtre est au-delà des leçons.» .....

Avec cette dernière formule, on tient l'un des éléments essentiels du credo esthétique et politique d'lonesco.

Le théâtre ne doit servir aucune cause, il ne doit se réduire à aucun message.

La grandeur de l'art consiste même dans son incapacité à se ranger dans un camp ou dans un autre.

Comme l'affirme encore Ionesco: « ...

tous les auteurs ont voulu faire de la propagande.

Les grands sont ceux qui ont échoué ...

» Le théâtre et la littérature ne servent à rien.

Mais, poursuit Ionesco, c'est justement en cela qu'ils peuvent être cepen­ dant utiles.

Dans un monde qui ne croit qu'à l'utilité des choses, ils démontrent «l'inutilité de l'utile» et du même coup «l'utilité de l'inutile».

Ionesco déclarait dans une «Communication pour une réunion d'écrivains français et allemands» en février 1961.

« ...

s'il faut absolument que l'art ou le théâtre serve à quelque chose, je dirai qu'il devrait servir à rapprendre aux gens qu'il y a des activités qui ne servent à rien et qu'il est indispensable qu'il y en ait ...

» Il continue ainsi : «Si l'on ne comprend pas l'utilité de l'inutile, l'inutilité de l'utile, on ne comprend pas l'art; et un pays où on ne comprend pas l'art est un pays d'esclaves ou de robots, un pays de gens malheureux, de gens qui ne rient pas ni ne sourient, un pays sans esprit; où il n'y a pas l'humour, où il n'y a pas le rire, il y a la colère et la. »

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