René BARJAVEL, Ravage
Publié le 25/02/2011
Extrait du document
Et d'un seul coup, comme une pierre, le noir tomba. Le poste, les lumières du plafond, tout, à la fois, s'éteignit. « Zut, mon disjoncteur a sauté, c'est bien le moment! « jura Legrand. Il se leva. Il se dirigeait à tâtons, se cognait contre les meubles. «Tais-toi! dit François. Écoute...« Il y avait quelque chose d'anormal dans l'air. Il semblait que la lumière avait emporté, en disparaissant, tout le monde extérieur. François et son hôte se sentaient comme isolés au sommet de quelque montagne, dans l'immense vide du ciel. «La rue...«, souffla François. Il parvint à la fenêtre, tira les rideaux, ouvrit la croisée, se pencha, bientôt rejoint par Legrand. L'obscurité noyait la ville. Et tout le bruit était mort.
Les deux amis apercevaient les silhouettes immobiles des autos se découper sur le plastec luminescent, et les ombres chinoises de leurs occupants qui ouvraient les portières, descendaient, se penchaient sur les moteurs, levaient les bras au ciel. Rapidement, l'éclat du plastec diminua, et la chaussée s'éteignit tout à fait. Rien ne luttait plus contre la nuit que la mince lumière de la lune à son premier quartier et les éclairs fugitifs de quelques briquets. A leurs oreilles que n'encombraient plus les ronflements des moteurs, arrivaient des bruits inattendus, des bruits humains. Un homme jurait, une femme criait. Ils entendaient les exclamations stupéfaites de la foule, son piétinement sur le trottoir. « Tu vois, ce n'est pas ton disjoncteur qui a sauté : il n'y a plus une seule lumière dans la ville. — Et toutes les autos sont arrêtées. — Regarde : leurs feux de signalisation sont éteints. — Mais qu'est-ce que c'est, qu'est-ce qui se passe? « René BARJAVEL, Ravage. sujets au choix A partir de ce texte, vous traiterez au choix, un des trois sujets suivants : 1) Imaginez une suite à ce récit. 2) Une panne d'électricité survient le soir, pendant le repas... 3) L'électricité commande de plus en plus notre vie quotidienne : quelles réflexions vous suggère cette constatation ?
«
• Votre imagination est donc sollicitée.
Sans tomber dans l'énormité de mauvais goût, soyez suffisammentaudacieux.
Sujet 2
«Dans l'après-midi, les nuages laisseront place à quelques rayons de soleil sur la moitié sud de la France, partoutailleurs le mauvais temps persistera, avec des températures...
— Tu parles d'un printemps! Allez, passe-moi plutôt le clafoutis, ces histoires de météo me désespèrent.
— Elles ne te coupent pas l'appétit, papa!
— Tais-toi, écoute...
un western à 20 h 30 sur la une, passe sur la deux que j'entende le programme !
— D'accord, j'y vais.
»
C'était un soir comme tous les autres, propos de table, un œil sur la télé, l'autre pour surveiller les plats, quandsoudain :
«Ah! une panne! La foudre a dû encore faire des siennes, je vais au compteur...
— Ne bougez pas, j'arrivais juste avec la cafetière; Marc, écarte les rideaux, la rue est peut-être éclairée.
— Rien du tout, le noir complet, attends, j'ai mon briquet...» On a toujours besoin d'un fumeur chez soi!
La flamme jaillit dans la salle de séjour où nous sommes attablés.
Maman, immobile, la cafetière à la main, a l'air desortir d'un tableau, Le Nain ou Rembrandt...
« Où sont les bougies?
— A la cave...
je t'avais dit d'en remonter.
— Attends, je descends!
— A pied, mon vieux, l'ascenseur est en congé!
— C'est vrai! Et cet escalier qui doit être noir comme le tunnel sous la Manche! Je n'y vais pas tout seul.
— Attention, voyons, tu ne vois pas que...
— Non, ça, je ne vois rien du tout, et toi?»
Céline, ma petite sœur, est prise d'un rire nerveux.
La peur se déguise en joyeuse excitation.
Tout le monded'ailleurs s'agite en dépit du bon sens : ma mère qui craint de faire déborder son lait et qui oublie que la cuisinièreest électrique et donc réduite au néant, mon père qui ne retrouve plus ses chaussons, le chien qui en profite pourgrimper sur la table et moi qui peste contre cette maudite panne qui me prive de télé.
Instinctivement noushaussons le ton pour parler : «Trouvez une solution, je n'ai bientôt plus de gaz, va chez la voisine, comme dans lachanson...!
— Oui, renchérit mon père, et n'oublie pas de sonner deux fois : ils sont sourds !
— Et la sonnette est muette!» Inutile! Éclaboussés d'une clarté aveuglante, nous sommes surpris par le retourinattendu de cette capricieuse fée lumière.
Seule Céline est déçue, elle espérait terminer la soirée à la lueur desbougies; un vrai réveillon en plein mois de juin! «Alors, cette deuxième chaîne!»
Sujet 3
• Une panne a privé en décembre 1978 l'ensemble du pays d'électricité.
L'E.D.F.
souligne que de tels incidentspeuvent se reproduire.
• Conjointement on relance le débat sur les centrales nucléaires.
• Quelle place exacte l'électricité tient-elle donc dans notre vie?
Qu'il suffise de rappeler :
— son utilisation industrielle : elle est nécessaire au fonctionnement de toutes les installations modernes.— son utilisation publique : de l'éclairage à l'ascenseur, du téléphone au chemin de fer en passant par la radiologieou la signalisation..
»
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