Représentation du conflit
Publié le 12/09/2018
Extrait du document
Alfred de Musset. Les caprices de Marianne. acte ii. scène 3, 1833
La jeune Marianne a épousé le sévère juge Claudio à sa sortie du couvent. Coelio qui est amoureux d’elle, a envoyé Octave (le cousin de Claudio) lui faire part de ses sentiments, sans succès. Marianne accepte malgré tout de converser avec Octave devant une auberge, ce qui provoque l’exaspération de son mari.
Claudio - Pensez-vous que je sois un mannequin, et que je me promène sur la terre pour servir d’épouvantail aux oiseaux ?
Marianne D’où vous vient cette gracieuse idée ?
Claudio - Pensez-vous qu’un jeune juge criminel2 ignore la valeur des mots, et qu’on puisse se jouer de sa crédulité comme de celle d’un danseur ambulant ?
Marianne - À qui en avez-vous ce soir ?
Claudio - Pensez-vous que je n’ai pas entendu vos propres paroles : si cet homme ou son ami se présente à ma porte, qu’on la lui fasse fermer ? et croyez-vous que je trouve convenable de vous voir converser librement avec lui sous une tonnelle, lorsque le soleil est couché ? Marianne - Vous m’avez vue sous une tonnelle ?
Claudio - Oui, oui, de ces yeux que voilà, sous la tonnelle d’un cabaret ! La tonnelle d’un cabaret n’est point un lieu de conversation pour la femme d’un magistrat, et il est inutile de faire fermer sa porte, quand on se renvoie le dé3 en plein air avec si peu de retenue.
Marianne - Depuis quand m’est-il défendu de causer avec un de vos parents ?
Claudio - Quand un de mes parents est un de vos amants4, il est fort bien fait de s’en abstenir.
Marianne - Octave ! un de mes amants ? Perdez-vous la tête ? Il n’a de sa vie fait la cour à personne.
Claudio - Son caractère est vicieux. - C’est un coureur de tabagies5. Marianne - Raison de plus pour qu’il ne soit pas, comme vous dites fort agréablement, un de mes amants. - Il me plaît de parler à Octave sous la tonnelle d’un cabaret
Claudio - Ne me poussez pas à quelque fâcheuse extrémité par vos extravagances, et réfléchissez à ce que vous faites.
Marianne-À quelle extrémité voulez-vous que je vous pousse ? Je suis curieuse de voir ce que vous feriez.
Claudio - Je vous défendrais de le voir, et d’échanger avec lui aucune parole, soit dans ma maison, soit dans une maison tierce, soit en plein air. Marianne -Ah ! ah ! vraiment ! Voilà qui est nouveau ! Octave est mon parent tout autant que le vôtre ; je prétends lui parler quand bon me sem-blera, en plein air ou ailleurs, et dans cette maison, s’il lui plaît d’y venir.
• Question
Comment l'écriture théâtrale met-elle en valeur les conflits dans ces différents extraits ?
Vous traiterez ensuite, au choix, l'un des sujets suivants
• Commentaire
Vous commenterez le texte 2 d'Alfred de Musset.
• Dissertation
En quoi le théâtre est-il un genre littéraire particulièrement approprié à la représentation des conflits ?
Vous appuierez votre réflexion sur les textes du corpus, les pièces étudiées en classe ainsi que vos lectures personnelles et, éventuellement, sur votre expérience de spectateur.
• Écrit d'invention
En sortant d'une représentation de Boubouroche de Courteline, deux spectateurs sont déçus par le spectacle auquel ils viennent d'assister. Ils échangent à propos de ce qu'ils auraient aimé voir en prenant pour exemple la scène proposée dans le corpus. Vous écrirez ce dialogue.
Bien comprendre le sujet
• « le théâtre » : le sujet vous invite à considérer uniquement le théâtre, comme genre littéraire. Il faut prendre en compte les questions de mise en scène, mais également s'intéresser à l'écriture théâtrale.
• « conflits » : les textes du corpus assimilent conflit, à scène de couple, scène de jalousie, mais il existe de nombreuses formes de conflit : certains sont essentiellement physiques quand d'autres sont plutôt verbaux. Les thèmes peuvent en être variés, la forme également
-►Type de sujet : il s'agit d'une question ouverte.
-► Problématique : Comment écrire et mettre en scène une querelle entre différents personnages de théâtre ?
► Exploiter les documents du corpus
• Texte 1 : Cet extrait du Bourgeois gentilhomme oppose monsieur Jourdain et sa femme, qui lui reproche de dépenser son argent à se rendre ridicule. Monsieur Jourdain est soutenu par Dorante ; quant à Dorimène, qui part au milieu de la scène, car elle se juge humiliée, on peut la considérer comme un enjeu du conflit, auquel elle ne participe pas vraiment.
• Texte 2 : Cette scène oppose Marianne à son mari Claudio. Ce couple mal assorti révèle ici ses dissensions et Marianne se montre capricieuse. Elle qui ne voulait pas parler à Octave le fait rappeler pour le seul plaisir de déplaire à son mari.
• Texte 3 : Il oppose aussi un homme à sa maîtresse. Il s'agit d'une scène de jalousie puisque Boubouroche a appris qu'Adèle avait un amant. Ce dernier est caché dans le buffet où Boubouroche finit par le découvrir.
«
M.
JouRDAIN -Oui, impertinente, c'est Monsieur le Comt e qui donne
tout ceci à Madame, qui est une personne de qualité.
Il me fait J'h onneur
1< de pren dre ma maison, et de vouloir que je sois avec lui.
MME JouRDAIN -Ce sont des chansons que cela : je sai s ce que je sai s.
DoRANTE -Prenez, Madame Jourdain, prenez de meil leures lunette s.
MME JouRDAIN -Je n'a i que faire de lunettes, Monsieur, et je vois assez
clair ; il y a longtemps que je sens les choses, et je ne suis pas une bête.
20 Cela est fort vilain à vous, pour un grand seigneur, de prêter la main
comme vous faites aux sottises de mon mari.
Et vous, Madame, pour une
grand-dame, cela n'est ni beau ni honnête à vous, de mettre la dissension
dans un ménage, et de souf frir que mon mari soit amoureux de vous.
DoRIMÈNE -Que veut donc dire tout ceci ? Allez, Dorante, vous vous
25 moquez, de m'exposer aux sottes visions de cette extravagante.
DoRANTE -Madame, holà ! Madame, où courez-vous ?
M.
JouRDAIN Madame , Monsieur le Comte, faites-lui excuses, et tâchez
de la ramener ...
Ah ! Impertinente que vous êtes ! Vo ilà de vos beaux
faits ; vous me venez faire des affronts devant tout le monde, et vous
3o chassez de chez moi des personnes de qualité.
MME JouRDAIN -Je me moque de leur qualité.
M.
JouRDAIN -Je ne sais qui me tient, maudite, que je ne vous fende la
tête avec les pièces du repas que vous êtes venue troubler.
On ôte la table.
35 MME JouRDAIN sortant-Je me moque de cela.
Ce sont mes droits que je
déf ends, et j'a urai pour moi toutes les femmes.
Texte 2 Alfred
de Musset.
Les caprices de Marianne .
acte u.
scène 3,
1833
La jeune Marianne a ép ousé le sévère juge Claudio à sa sortie du
couvent.
Coelio qui est amoureux d'elle, a envoyé Octave (le cousin
de Cla udio) lui faire part de ses sentiments, sans succès.
Marianne
accepte malgré tout de converser avec Octave devant une auber ge, ce
qui provo que l'exas pération de son mari.
CLAUDIO -Pensez-vous que je sois un manne quin1, et que je me promène
sur la terre pour servir d'épouvantail aux oiseaux ?
1.
Pantin, marionnette.
-.
»
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