Devoir de Philosophie

Rimbaud, Conte

Publié le 30/03/2011

Extrait du document

rimbaud

Un Prince était vexé de ne s'être employé jamais qu'à la perfection des générosités vulgaires. Il prévoyait d'étonnantes révolutions de l'amour, et soupçonnait ses femmes de pouvoir mieux que cette complaisance agrémentée de ciel et de luxe. Il voulait voir la vérité, l'heure du désir et de la satisfaction essentiels. Que ce fût ou non une aberration de piété, il voulut. Il possédait au moins un assez large pouvoir humain.  Toutes les femmes qui l'avaient connu furent assassinées. Quel saccage du jardin de la beauté ! Sous le sabre, elles le bénirent. Il n'en commanda point de nouvelles. – Les femmes réapparurent.  Il tua tous ceux qui le suivaient, après la chasse ou les libations. – Tous le suivaient.  Il s'amusa à égorger les bêtes de luxe. Il fit flamber les palais. Il se ruait sur les gens et les taillait en pièces. – La foule, les toits d'or, les belles bêtes existaient encore.  Peut-on s'extasier dans la destruction, se rajeunir par la cruauté ! Le peuple ne murmura pas. Personne n'offrit le concours de ses vues.  Un soir il galopait fièrement. Un Génie apparut, d'une beauté ineffable, inavouable même. De sa physionomie et de son maintien ressortait une promesse d'un amour multiple et complexe ! d'un bonheur indicible, insupportable même ! Le Prince et le Génie s'anéantirent probablement dans la santé essentielle. Comment n'auraient-ils pas pu en mourir ? Ensemble donc ils moururent.  Mais ce Prince décéda, dans son palais, à un âge ordinaire. Le prince était le Génie. Le Génie était le Prince.  La musique savante manque à notre désir.

Jean Nicolas Arthur Rimbaud est né le 20 octobre 1854 à Charleville et est mort le 10 novembre 1891 à Marseille à l'âge de 37 ans. Arthur Rimbaud a été celui qui sans cesse, s'est trouvé en instance de partir. On a dit souvent de Rimbaud qu'il était l'homme aux semelles de vent, le voyageur qui, de Charleville à Paris puis d'Aden au Harrar, a toujours voulu aller plus loin. Par ailleurs Rimbaud a très peu écrit et cela seulement durant 5 ans de 15 ans jusqu'à 20 ans. En outre il reste de ses écrits des poèmes versifiés et deux recueils de poèmes en prose intitulés : Une saison en enfer et Les Illuminations ; puis il a été entre autre trafiquant d'armes et explorateur avant de succomber d'une tumeur au genou.

rimbaud

« (Ligne 6) appuyé par l'exclamation : « Quel saccage du jardin de la beauté ! » (Lignes 6 et 7).

Même le beau neravit plus au Prince.

Puis : « Il tua tous ceux qui le suivaient, après la chasse ou les libations.

» (Ligne 9) Même cesdistractions ne plaisent plus au Prince ; décidément chez Rimbaud le système est fait « d'hécatombes burlesques »,voilà un oxymore personnel qui masque le sérieux derrière l'ironie à travers les descriptions de l'auteur et l'emploi determes philosophiques quelque peu emphatiques.

J'y reviendrai mais avançons au fil de notre étude : « Il s'amusa àégorger les bêtes de luxe.

Il fit flamber les palais.

Il se ruait sur les gens et les taillait en pièces.

» (Lignes 10 et 11): on a ici un effet d'ironie qui va jusqu'au sadisme où l'on entend parler communément de « pièces de viande » etdonc d'une boucherie. Mais ironie du sort, tous les crimes du Prince ne remédient pas à son envie « de changer la vie ».

En effet : « Lesfemmes réapparurent » (Ligne 8) ; « Tous le suivaient.

» (Ligne 9) ; « La foule, les toits d'or, les belles bêtesexistaient encore.

» (Ligne 11).

Cet effet de reconstruction de l'existence ne serait-il pas pour Rimbaud le fardeaud'avoir toujours à se ranger dans la société car en lisant la suite nous voyons que malgré la perversité de l'homme,ce dernier n'en demande pas de justifications – ou bien Rimbaud se donne t-il l'apparence d'avoir une bonneconscience – : « Sous le sabre, elles le bénirent.

Il n'en commanda point de nouvelles.

» (Ligne 7), ainsi que« Peut-on s'extasier dans la destruction, se rajeunir par la cruauté ! Le peuple ne murmura pas.

Personne n'offrit leconcours de ses vues.

» (Lignes 12 et 13) ; Rimbaud laisse ici une part importante à la liberté d'expression,philosophiquement parlant, bien sûr ! Puis apparition d'un Génie, « d'une beauté ineffable, inavouable même.

» (Ligne 14) : description à la fois grandioseet affectée car ne pourrions-nous pas dire que c'est de sa narcisse dont tombe amoureux le Prince puisqu'ilsfinissent par s'identifier pleinement l'un et l'autre en « s'anéantissant » (Ligne 16) dans la « santé essentielle »(Ligne 17) Une « santé essentielle » que nous pourrions ainsi dénommer par « intrinsèque et donc qui appartient à lavie de l'homme ou plus simplement qui est fondamentale à toute vie humaine, c'est-à-dire la mort ».

L'auteur a doncdégagé une description abstraite de la mort en jouant sur les mots.

Et tout le langage à travers lequel le Princesemble s'éprendre de son image tant au sens figuré qu'au sens propre élargit le champ humoristique du Conte.

Tousles termes ampoulés employés par le narrateur mettent une distance entre l'état d'esprit du personnage principal duPrince et son champ d'action avec des discours indirects libres marqués par des points d'exclamation.

(Lignes 7 et12).

Aux lignes 15 et 16 nous trouvons deux exclamations emphatiques : « De sa physionomie et de son maintienressortait la promesse d'un amour multiple et complexe ! d'un bonheur indicible, insupportable même ! » Noustrouvons là un rapport de l'admiration profonde (une mégalomanie Rimbaldienne ?) qu'éprouve le Prince à l'instar desa personne. Par ailleurs nous pourrions relever un nombre impressionnant de termes catégoriques et de formules emphatiquesrenvoyant à une rationalité (celle du voyant qu'est Rimbaud ?) qui va peut-être jusqu'au suicide comme il est dit «d'un bonheur indicible insupportable même ! » (Ligne 16).

Mais pour ne pas surinterpréter je n'insisterai pas sur cepoint.

Ainsi je dirais de cette rationalité qu'elle est exquise jusqu'à une finesse d'esprit dont s'éprend malgré lui lePrince : « De sa physionomie et de son maintien ressortait la promesse d'un amour multiple et complexe ! » et ensuccombe.

Citons donc quelques contextes où cette mort lui est promise : dès la première ligne il est sujet de «perfection » comme si la vie n'était qu'une éternelle subversion du sujet où justement le sujet n'est pris que dans letravail du temps qui s'opère sur lui à travers son existence comme il est dit, ligne 12 : « Peut-on s'extasier dans ladestruction, se rajeunir dans la cruauté ! » Bien ou Mal nous sommes condamnés à mourir...Par ailleurs il y a unebeauté dans la beauté, une mise en abîme en quelque sorte où malheureusement c'est toujours la vanité du mondequi s'en sort à bon compte car manifestement il est dit : « Il voulait voir la vérité...

» (Ligne 3) et il rencontre lamort « à un âge ordinaire » (ligne 19) selon une ironie assez subtile.

Et comme le poète « est un voleur de feu »selon Rimbaud, saisissons les fragments les plus incisifs en la matière où la beauté formelle s'associe à la beauté dusens, dans un contexte ironiques dans la plupart des cas : « étonnantes révolutions de l'amour » (ligne 2) ; «complaisances agrémentée de ciel et de luxe.

» (Ligne 3) ; « l'heure du désir et de la satisfactions essentiels.

»(Ligne 4) ; « Quel saccage du jardin de la beauté ! » (Lignes 6 et 7) ; « La foule, les toits d'or, les belles bêtesexistaient encore.

» (Ligne 11) ; « Un Génie apparut, d'une beauté ineffable, inavouable même.

» (Ligne 14) ; maisla vanité du monde « récupère » de quelque manière l'ordre des choses : « Le Prince et le Génie s'anéantirentprobablement (bien entendu !) dans la santé essentielle.

Comment n'auraient-ils pas pu en mourir ? » (Lignes 16-18).

Alors l'extase dans l'amour et dans la mort se révèle pour ce qu'elle est : un faux-semblant, un rêve de poète. Pour conclure, nous pouvons dire que ce Prince, bien sûr, c'est Rimbaud lui-même, avec son ambition de « changerla vie » et toutes les chimères qu'elle lui a inspirées : « des sophismes de la folie », des tromperies de la raisonenvers elle-même.

Car ni l'amour ni la mort ne se révèlent sinon sensiblement et en toute apparence dans l'extasemais elles menacent surtout l'ordre des choses d'où le fait que nous-mêmes nous faisons l'expérience que même « lamusique savante manque à notre désir.

» (Ligne 21) La lucidité nous fait communément défaut et à plus forte raisonquand elle s'associe à la rationalité du sujet vis-à-vis de sa propre conscience. \Sujet désiré en échange :Un texte de Rimbaud aussi origninal que celui-ci et qui serait lui-aussi inconnu bien qu\'il soit touffu et riche enfinesses. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles